Deux grandes dames de la chanson reviennent et font l'unanimité du public et de la critique : Patachou, médaille de vermeil de la Ville de Paris (Variétés, septembre 1972, et Théâtre Fontaine, janvier 1973), et Cora Vaucaire, ange blanc de la chanson, qui a fait vivre avec tendresse et ironie, au Théâtre de la Ville (février 1973) les poèmes de Prévert, d'Aragon, de Gainsbourg ou la complainte du roi Renaud.

Parmi les chanteurs engagés, Jean Ferrat réussit à remplir le Palais des sports (octobre 1972), en dénonçant l'hypocrisie du monde moderne. À la même époque, mais à l'Olympia, Léo Ferré fait un bide retentissant.

Ainsi, 1973 n'aura pas été une année consacrée entièrement aux éloges. Mireille Mathieu, lors de son passage à l'Olympia (février 1973), ne réussit pas à enthousiasmer son public. Elle rejoint ainsi le lot de critiques adressées à Sylvie Vartan, qui, malgré son travail assidu, a partagé l'opinion (Olympia, septembre 1972). Seul son mari, Johnny Halliday, qui fait une carrière en dents de scie, a prouvé qu'il était toujours le plus grand showman français, avec quelques fauteuils cassés (Palais des sports, Lyon, avril 1973).

Régine, malgré son boa vivant et un spectacle constitué par des attractions entremêlées de chansons (Bobino, mars 1973), accomplit une performance pour certains, et présente, pour d'autres, un spectacle moyen. Georgette Lemaire dans un Musicorama à l'Olympia (mars 1973) est jugée sévèrement par certains critiques qui trouvent son style passé de mode. Néanmoins elle revient à l'Olympia (mai 1973).

Duos

Les duos semblent redevenir à la mode. Stone et Eric Charden, célèbres fabricants de tubes, ont opté depuis longtemps pour ce genre d'interprétation. Comme le propre de tout chanteur est d'imiter les tics, la voix et le genre des autres vedettes, nous avons vu fleurir cette année le duo de Dalida et d'Alain Delon, avec Paroles, paroles, succès qui s'apprête à franchir le Rhin sous le titre Sprechen sie Deutsch? (!). Sheila et Ringo ont roucoulé Gondoles à Venise et bientôt Mireille Darc et Dany s'uniront le temps d'un disque pour avouer Un homme, c'est bon ! Quant à Sylvie et Johnny, on attend leur duo. Mais à côté de ces unions éphémères annoncées à grand renfort de publicité, deux scènes parisiennes ont fait revivre des duos célèbres qui n'ont pas pris une ride en 1973. À la Belle Époque, Eddy Constantine et Jeff Davis ont chanté leur jeunesse. À l'Olympia, le trop bref retour de Roche et Aznavour a fait découvrir (et applaudir) par la génération présente Le feutre taupe et Départ express.

Mort Shuman (ou un Américain à Paris), traducteur de Brel à l'usage de ses compatriotes, conquiert les Français avec Amerika (paroles d'E. Roda-Gil) où il mélange humour et amour, et surtout Le lac Majeur, qui lient solidement le no 1 du Hit Parade.

Mike Brant remporte trois disques d'or avec Qui saura, C'est ma prière, Rien qu'une larme dans tes yeux.

Demis Roussos, transfuge des Aphrodite's Child, écrit et chante de curieuses chansons qui entremêlent la poésie et le réalisme.

À l'étranger, la France exporte toujours ses vedettes, mais, fait surprenant, un Français totalement inconnu, Danyel Gérard, vend, en Allemagne, 4 millions de disques de sa chanson Butterfly et touche à la télévision d'outre-Rhin des cachets fabuleux.

Prix

À l'instar des prix littéraires, les prix couronnant les chansons ou les interprètes se multiplient, à tel point que le chanteur « qui-n'aura-reçu-aucun-prix » sera sûr de se singulariser... Ces concours ressemblent souvent à un radio-crochet. En juillet 1972, la Rose d'or d'Antibes est remportée par Jean-Pierre Savelli (Le ciel), Georges Chelon arrivant en seconde position avec Les années glissent sur ta vie ; Roger Mathieu (J'entre dans ton lit) et Lenny Kuhr (Pense à moi) se partagent le prix d'interprétation.

Au cours de la Nuit du cinéma (novembre 1972), le prix Triomphe a été décerné pour les variétés à Charles Aznavour et, pour la chanson, à Stone et Eric Charden. Quant au prix Révélation, il revient à Véronique Sanson, Mike Brant et Mort Shuman. Celui du Groupe, aux Delta Rythm Boys. Le prix Danse 1972 est attribué à Régine pour Le slag et celui du Tube 1972 à Eddie Barclay pour Pop corn.