Au début d'août 1970, les Soviétiques signalent à l'Organisation mondiale de la Santé des cas de choléra dans la région d'Astrakhan (d'où une alerte avait déjà été lancée en 1965). Quelques jours plus tard, un cordon sanitaire est mis en place autour de la Caspienne et de la mer Noire. Puis le mal est signalé en Israël (dans un camp de réfugiés arabes), en Tchécoslovaquie, en Syrie, au Liban, en Turquie, au Pakistan, en Corée...

Curieusement, c'est en Europe occidentale, où aucun foyer n'est décelé, que se répand une inquiétude parfois proche de la panique. Le bruit court que certains pays, au mépris des accords sanitaires internationaux, dissimulent les foyers d'épidémie qui ont éclaté chez eux, afin d'épargner des conséquences fâcheuses au commerce et au tourisme. Or, les mêmes accords interdisent à l'OMS de publier d'autres cas que ceux qui lui sont notifiés par les gouvernements ; son silence entretient les rumeurs. Le 1er septembre, elle se résout à passer outre ; elle annonce qu'une poussée sérieuse sévit en Guinée, mentionne l'Iran et la RAU, et dénonce d'une façon générale les pays qui ne notifient pas la présence de la maladie, au désavantage de leurs propres ressortissants, car les équipes médicales de l'OMS ne peuvent Intervenir que là où on les appelle.

La situation en Inde

Sous l'égide de l'OMS, plusieurs pays africains réunissent leurs experts en une conférence spéciale : il s'agit surtout d'un recyclage accéléré du personnel sanitaire, car jusqu'ici jamais le choléra n'avait fait son apparition au sud du Sahara.

Mais on s'aperçoit vite qu'une vigilance non raisonnée comporte, elle aussi, ses inconvénients. Fin septembre, le directeur général adjoint de l'OMS demande aux gouvernements de ne pas prendre « des mesures excessives et absurdes » et dénonce « une psychose qui conduit à des réactions primitives ». Il vise évidemment la fermeture des frontières, l'isolement prolongé de voyageurs venus de régions suspectes, la ruée vers les stocks de vaccin dans des pays (comme la France) où n'existe aucune menace d'épidémie.

En même temps, les autorités médicales rappellent que le choléra ne saurait plus constituer un danger pour les pays développés. Les agents pathogènes sont le vibrion cholérique identifié par Koch en 1883, et une autre souche, dite El Tor, isolée en 1906. D'abord considéré comme plus dangereux à cause de son pouvoir hémolytique, le vibrion El Tor semble avoir évolué en perdant ce pouvoir et en se rapprochant de son prédécesseur. L'un et l'autre sont détruits par des doses même très faibles d'antiseptiques, par la chaleur, le froid, la dessiccation.

Malheureusement, le choléra recouvre toute sa puissance meurtrière dès que les circonstances ne permettent plus le respect d'une hygiène élémentaire et il se répand aisément dans les pays dits en voie de développement. En mai, l'afflux des réfugiés pakistanais déclenche au Bengale une explosion redoutable : plusieurs milliers de morts en quelques jours, une grave menace pour Calcutta et toute la péninsule indienne. En même temps, pour la première fois dans l'histoire, le choléra pénètre en Afrique noire, où l'on comptait, en juin, plus de 6 000 morts.

Le tabac : guerre déclarée

Assis dans un canapé, face à un récepteur de télévision, un monsieur fait signe à sa femme : « Chérie, viens à côté de moi, c'est notre dernier voyage au pays de Marlboro. » Entendez : notre dernière annonce publicitaire en faveur des cigarettes Marlboro. Ce dessin humoristique rappelait aux Américains qu'une loi, votée en 1969 par le Congrès, prohibe aux États-Unis toute publicité de ce genre sur le petit écran et sur les ondes, depuis les douze coups de minuit du 31 décembre 1970. Pour cette finale, la société Philip Morris s'était taillé la part du lion : un quart d'heure d'antenne, à 135 dollars la minute !

Depuis 1960, la législation américaine lutte contre le tabagisme. L'obligation d'imprimer sur tous les paquets de cigarettes « Risque pour votre santé », est remplacée par celle de « Dangereux ». Le spot antitabac à la TV bénéficie de la gratuité ; la Ligue nationale contre le cancer exploite largement cette possibilité. Chaque offensive est couronnée d'un succès... momentané. À partir de l'été 1971, les paquets de cigarettes porteront, en Grande-Bretagne, l'avertissement : « Fumer peut nuire à votre santé. »