Au-dessus du sel, on trouve d'abord quelques centimètres de sédiments d'eau douce ou saumâtre, puis des dépôts caractéristiques des mers profondes. La fin du régime de mer fermée peu profonde a donc été très brusque. Or, il est difficile d'imaginer un effondrement subit de toute la Méditerranée. Selon l'hypothèse de l'équipe du Glomar Challenger, une évaporation intense a abaissé le niveau de la mer fermée. La communication avec l'Atlantique s'étant rouverte soudain, les eaux marines normales ont envahi la Méditerranée, dont les fonds ont pu connaître ensuite des effondrements localisés.

Ce n'est pas seulement le régime de la Méditerranée qui a changé, mais aussi ses dimensions. Sous sa forme actuelle, la Méditerranée orientale n'est probablement que le résidu d'une mer beaucoup plus vaste qui séparait l'Eurasie de l'Afrique, du temps où l'Inde était encore partie intégrante de l'ensemble africain. Autres restes de cette grande mer primitive : les actuelles mer Caspienne et d'Aral. Ce pincement de la Méditerranée, coincée entre l'Afrique qui remonte vers le nord et l'Eurasie, se poursuit de nos jours. Les carottes ont ainsi montré la présence d'alluvions du Nil, vieilles d'un million d'années, sur le haut d'un bombement sous-marin situé au sud du fossé hellénique. Ce bombement est donc postérieur au dépôt des sédiments. En outre, un carottage effectué dans la zone du fossé hellénique a montré que, dans cette région, des calcaires du crétacé inférieur (vieux d'environ 120 millions d'années) étaient situés au-dessus de dépôts pliocènes âgés seulement de quelques millions d'années. Cette inversion des couches sédimentaires pourrait être une conséquence de la compression due à la poussée de la plaque africaine contre la plaque européenne, avec plongement de la deuxième sous la première. Et ce plongement pourrait bouleverser les dépôts sédimentaires au point de faire passer des sédiments anciens au-dessus de sédiments beaucoup plus jeunes.

Des plaques rigides

La Méditerranée est donc une bonne illustration d'une théorie très récente, la tectonique des plaques, qui, pour la première fois, rend compte globalement d'une multitude de phénomènes tels que les tremblements de terre, le volcanisme, les anomalies magnétiques et gravimétriques, la formation de systèmes montagneux et peut-être également de la localisation des gisements pétroliers et des gîtes minéraux.

Le manteau supérieur, qui se trouve immédiatement sous l'écorce terrestre, est formé de deux couches de composition semblable, mais de propriétés mécaniques très différentes. N'étant pas situées à la même profondeur, elles ne se trouvent pas dans les mêmes conditions de température et de pression :
– la couche la plus externe, la lithosphère, épaisse de 70 km, est fragmentée en plusieurs plaques rigides qui transmettent parfaitement les contraintes mécaniques ;
– au-dessous, l'asthénosphère, épaisse de 600 a 700 km, et soumise à des températures et à des pressions croissantes, se comporte comme un fluide visqueux sur lequel glissent les plaques rigides de lithosphère.

Dans l'asthénosphère se produiraient des courants de convection (dont les causes sont inconnues). Une colonne ascendante se forme par la juxtaposition de deux cellules de convection symétriques. Elle soulève vers la surface de la terre une masse d'asthénosphère mais celle-ci, soumise alors à des pressions et à des températures moins fortes, se solidifie, c'est-à-dire qu'elle se transforme en lithosphère. Le mouvement ascendant se poursuivant, la nouvelle lithosphère est sans cesse repoussée de part et d'autre de la zone centrale où se forment des bandes de lithosphère sans cesse plus jeunes ; plus la lithosphère est ancienne, plus elle est devenue épaisse et rigide.

Mouvement perpétuel

Cette création de lithosphère doit être compensée par la disparition de quantités à peu près équivalentes, puisque rien ne permet de croire que la terre grossisse. Cette disparition se passe en partie dans les reliefs montagneux où la lithosphère se chiffonne, mais pour l'essentiel dans les fosses océaniques. Plongeant le long d'un plan incliné dans l'asthénosphère, la plaque de lithosphère redevient asthénosphère en retrouvant, à mesure qu'elle s'enfonce, les conditions de pression et de température qui en faisaient une matière visqueuse.