Lancée le 12 septembre 1970, Luna 16 est satellisée autour de la Lune le 17, puis transférée sur une orbite dont le point le plus bas se trouve à 15 km seulement de la mer de la Fécondité. Le 20, cette sonde de 1 876 kg atterrit en douceur. Peu après, obéissant aux ordres venant d'un centre de Crimée, un long bras se rabat vers le sol. Il porte une foreuse électrique à trépan creux qui pénètre dans le sol et prélève une carotte longue de 35 cm. Le bras articulé introduit ensuite cette carotte dans une capsule située au sommet de la sonde, dont la fermeture est hermétique (pour préserver l'échantillon de tout contact avec l'atmosphère terrestre). Il ne reste à Luna 16, du moins à son étage supérieur (l'étage inférieur sert alors de plate-forme de lancement), qu'à regagner la Terre avec son précieux contenu. Le décollage a lieu le 21 septembre ; le 24, à 6 h 10 mn, l'engin aborde les couches denses de l'atmosphère. Quelque seize minutes après, c'est la descente en parachute de la capsule, non pas dans quelque mer lointaine, mais dans la région même d'où la sonde était partie.

L'inattendu « Lunakhod »

Lorsque Luna 17 est lancée, le 9 novembre, on s'attend à une répétition, à quelque variante près, de la mission précédente, d'autant plus qu'il y a intérêt — comme le font les Apollo successifs — à ramasser des échantillons du sol dans différentes régions de la Lune. Mais, surprise !, après l'atterrissage dans la mer des Pluies, Luna 17 dépose sur la Lune un véhicule automobile de 756 kg !

C'est un engin à huit roues motrices dont les moteurs sont alimentés grâce à des accumulateurs rechargés par un générateur d'électricité à cellules solaires. Cette automobile insolite, baptisée Lunakhod, a oublié son conducteur en Crimée. En fait, elle lui obéit par le truchement d'un système de téléguidage. C'est, en réalité, un équipage de cinq hommes qui s'occupe de ses déplacements et de son fonctionnement : un commandant de bord, un ingénieur, un radio, un navigateur et le pilote proprement dit.

Le véhicule est pourvu frontalement, en guise d'yeux, de deux caméras de télévision qui, visant le sol devant lui, permettent au conducteur de lui épargner les accidents de parcours. Ce qui est facilité par la vitesse de tortue accordée délibérément à l'engin : du 100 m à l'heure.

Lunakhod ne s'est pas contenté d'explorer les alentours pour transmettre à la Terre des images télévisées des sites visités. Il est aussi porteur d'un équipement scientifique : un spectromètre à rayons X analyse partout la composition chimique du sol ; un télescope à rayons X enregistre les éruptions solaires et détecte des sources de ce rayonnement dans les profondeurs du cosmos ; enfin, le véhicule porte un catadioptre, miroir spécialement conçu pour réfléchir, dans la direction même de leur provenance, des faisceaux lasers émis de la Terre (technique qui permet la mesure instantanée et très précise de la distance de la Terre à la Lune et une meilleure connaissance du mouvement de notre satellite). Ce miroir, dont l'efficacité est trois fois supérieure à celle des miroirs laissés sur la Lune par les équipages des vaisseaux Apollo, a été conçu et construit en France.

Chaque fois que le Soleil se couche sur la Lune (pour 14 jours, rappelons-le), Lunakhod est immobilisé et ses installations sont mises au repos. Ses organes essentiels sont protégés — à l'intérieur d'un compartiment à double paroi conçu comme une bouteille isolante — par un générateur radio-isotopique dans lequel la désintégration spontanée des atomes d'un élément radio-actif engendre suffisamment de chaleur pour entretenir une température de quelque 15 °C. Ainsi, pour la première fois, une sonde automatique a pu résister de longs mois à la chaleur (+ 100 °C le jour) et au froid (– 140 °C la nuit). Cette longévité, témoignage d'une grande qualité des équipements et d'une maîtrise certaine de leur maniement, n'aura pas été le moindre sujet d'étonnement.

« Venera 7 » : surprise

Avec les Luna 16 et 17, on atteint un nouveau stade de l'évolution des sondes automatiques. Par-delà l'exploration de notre satellite, il faut voir dans ces engins des prototypes de l'instrument que les Soviétiques utiliseront pour étudier les proches planètes. Toutefois, pour les adapter à leurs missions planétaires, il est indispensable de connaître tant soit peu les conditions qui règnent dans l'atmosphère et à la surface de ces astres. De là le programme Venera (Vénus en russe), mené de pair avec le programme Luna depuis une dizaine d'années.