Les Français, qui habitent de plus en plus la périphérie des grandes villes, sont devenus des gens pressés qui se lèvent tôt. C'est donc sur la tranche horaire de 6 à 9 que se portent tous les efforts des directeurs des trois stations concurrentes. En marge des migrations d'animateurs (Roger Couderc, ex-ORTF, passe de RTL à Europe no 1, et Jean Bardin revient de RTL à l'ORTF), l'essentiel des aménagements réside partout dans le domaine de l'information, devenu depuis quelques années primordial. France-Inter multiplie et allonge ses bulletins, conserve ceux qui ont fait leurs preuves (Yves Mourousi, Jean-Claude Turjman), mais s'attache aussi de nouveaux spécialistes (Philippe Guilhaume pour l'économie, Lucien Barnier pour les sciences) ; Europe no 1, sous l'impulsion de Jean Gorini, directeur de la Rédaction, cherche un style nouveau de présentation et d'analyse de l'événement ; RTL tend à différencier nettement les bulletins d'information des commentaires (Philippe Alexandre, Jean Ferniot, Roger Priouret, Raymond Cartier, Jean Carlier). Innovation, RTL confie, une fois par semaine (le samedi midi) aux équipes rédactionnelles des grands journaux, parisiens et provinciaux, la charge de présenter les informations.

Voici quelques années, tout le soin des directeurs allait aux émissions destinées aux jeunes. Phénomène nouveau, on semble s'intéresser davantage, tant à le radio qu'à la télévision, à l'auditoire, en majeure partie féminin, de l'après-midi. Annick Beauchamps essaie de faire de ses fidèles des amies de Madame Inter. Ménie Grégoire, qui dispense depuis presque quatre ans ses conseils quotidiens aux cœurs angoissés, lance le Psychodrame radiophonique (c'est le titre de l'émission), considéré comme anodin par beaucoup, mais jugé dangereux et traumatisant par le corps médical. Plus attaché jusque-là aux soucis des moins de vingt ans qu'aux problèmes féminins, Europe no 1 décide de lutter aussi sur ce terrain, où Christiane Collange avec son émission matinale ne suffit pas. Dernière découverte, Mme Soleil, astrologue ; elle joue de son sens de la psychologie, rassurante, bienveillante et persuasive elle est la rivale qui compte. Dès qu'elle est à l'antenne, le standard téléphonique est saturé ; quant au courrier, Mme Soleil (c'est son vrai nom) reçoit plusieurs milliers de lettres par semaine ! RTL réplique avec Maurice Mességué, qui, lui, guérit non par les mots, mais par les plantes. Pour donner satisfaction au besoin d'irrationnel de l'auditeur, la surenchère se poursuit et l'on peut se demander où elle s'arrêtera.

Les fidèles

En marge de ces domaines particulièrement compétitifs, les différentes stations maintiennent les formules et les hommes qui ont fait une partie de leur succès. Philippe Bouvard (RTL non stop), Fabrice, Jean-Bernard Hébey, Gérard Klein, Anne-Marie Peysson restent les têtes d'affiche de RTL, tandis qu'à Europe no 1 Michel Lancelot améliore encore son Campus et que viennent à la rescousse pour les autres tranches horaires : Anne-Marie Carrière, Jacques Martin, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, Jacques Bodoin. À France-Inter, Pierre Bouteiller, Arnaud Monnier, Jean Fontaine, qui s'attache à rendre plus accessible la musique classique, Gérard Sire, dont le ton irrite quelques-uns, et José Artur, animateur du Pop-Club, restent les valeurs sûres, avec Radioscopie de Jacques Chancel, notamment.

FIP 514

Roland Dhordain, directeur de la Radiodiffusion nationale, qui a décidé de tout mettre en œuvre pour relancer France-Culture, s'attaque là aussi au domaine de l'information. Une unité rédactionnelle est créée, afin que l'indépendance soit assurée sur ce plan par rapport à France-Inter. Cependant, le propos de France-Culture, avec des émissions remarquables comme Notre temps, de Jean Chouquet et Edith Lansac, et où collabore notamment Hélène Tournaire, reste d'être un complément, un prolongement de France-Inter. France-Musique demeure toujours la chaîne des mélomanes.

Enfin, dans le cadre de la politique actuelle de régionalisation, l'ORTF lance FIP 514 (France-Inter Paris 514 m), chaîne qui dispense, sur fond musical permanent, des informations relatives à la météorologie, à la circulation, à la vie pratique. D'autres expériences régionales suivront dans plusieurs grandes villes françaises. FIP est une chaîne de complément, particulièrement agréable aux automobilistes et rattachée, aux heures de grande écoute — pour les informations notamment — à France-Inter.

Au-delà du dynamisme, le secret de la réussite radiophonique semble résider dans une sorte d'état permanent de révolution. Il faut savoir lancer de nouvelles idées, satisfaire les souhaits du public avant qu'ils soient formulés, abandonner une émission avant qu'elle soit devenue lassante, modifier les programmes en fonction des soirées de la télévision. Contrairement à ce que beaucoup redoutaient, la télévision n'a pas tué la radio, au contraire.