Cette illusion de libéralisation est une arme à deux tranchants. Elle risque de renforcer le pouvoir de la censure locale. Jean Royer, maire de Tours, a pris les devants en refusant à certains films le droit d'être présentés sur les écrans de sa ville. Ces interdictions sont dangereuses dans la mesure où elles risquent de s'appliquer non seulement au vulgaire film pornographique, mais aussi aux œuvres d'un haut niveau artistique qui traitent d'un sujet délicat. La décision du maire de Tours a soulevé un tollé général dans les milieux cinématographiques. La bataille pour ou contre la censure est engagée.

Production 1970

– 138 films, dont 66 sont 100 % français et 36 à majorité française.

– Nombre de spectateurs (en millions) : 183 (contre 182 en 1969) ; soit une hausse de 0,61 %.

– Nombre de spectateurs à Paris dans les salles d'exclusivité : 55,64 %, et dans les salles de quartier : 44,36 %.

– Chiffres comparatifs mondiaux (nombre de spectateurs en millions) : États-Unis : 1 270 (chiffres 1969) ; Italie : 551 (chiffres 1969) ; Espagne : 360 ; Japon : 247 ; Grande-Bretagne : 200 ; Allemagne fédérale : 178.

France

Faut-il pavoiser sous prétexte que les grands succès de l'année sont signés Jean-Pierre Melville, Claude Lelouch, André Cayatte et Louis Malle ? Les raisons (bonnes et mauvaises) qui ont poussé le public vers le Cercle rouge, le Voyou, Mourir d'aimer et le Souffle au cœur sont très diverses. Thriller classique, le film de Melville est peut-être victime d'une construction trop méticuleuse qui ne laisse guère de place à la spontanéité des personnages. D'où une impression d'inquiétante froideur. Sous la férule de ce perfectionniste, quatre acteurs célèbres robotisés ont servi d'appâts à une foule de spectateurs qui apparemment n'ont pas été déçus. Avec une élégante virtuosité et une science consommée des goûts de son public, Claude Lelouch a mélangé dans son Voyou plusieurs atouts non négligeables : autour d'un kidnapping d'enfant, sujet grave qu'il a traité avec une sympathique légèreté, il a su promener une caméra virevoltante, ne ménageant ni les péripéties, ni les clins d'yeux, ni le suspense. La séduisante désinvolture de Jean-Louis Trintignant a conquis. André Cayatte en épinalisant l'affaire Gabrielle Russier est resté fidèle à ses thèmes favoris. Avec opportunisme, il a su toucher le cœur des sentimentaux et ébranler deux heures durant tous ceux que l'injustice et l'intolérance laissent indifférents. Mourir d'aimer, c'est du travail consciencieux et généreux, dont la limite est de ne jouer que sur la sensibilité superficielle des consciences. Le Souffle au cœur, de Louis Malle, doit une partie de sa renommée à un parfum de scandale habilement exploité. Mais bien plus qu'à l'évocation, d'ailleurs ambiguë, d'un inceste entre mère et fils, le film s'attache avec un indéniable brio à dépeindre une certaine forme d'éducation bourgeoise et à décrire les crises affectives d'un garçon de quinze ans.

Débandade chez les auteurs comiques. On attendait avec impatience le seul cinéaste comique français dont la carrière a toujours été entourée d'un respect compassé. Dans Trafic, Jacques Tati égratigne la société contemporaine qui a décidé de tout sacrifier à la nouvelle déesse des temps modernes : l'Automobile. Mais le propos, s'il reste sympathique, n'est guère convaincant. Après l'échec de Play-time, Jacques Tati semble avoir perdu son punch. Quant à Pierre Étaix, il nous a gratifiés d'un pamphlet assez fade : Pays de cocagne. La cote de l'amuseur no 1 De Funès s'est effondrée. Le Gendarme en balade, de Jean Girault, a pu bénéficier d'un titre évocateur. Mais l'Homme orchestre et Sur un arbre perché (tous deux de Serge Korber) ont été des échecs. Qui prendra la relève ? Pierre Richard (le Distrait) et Michel Audiard (le Cri du cormoran...) poursuivent une tradition vieillotte de mots d'auteurs qui ne font pas toujours rire. Jean Yanne, dans Êtes-vous fiancée à un marin grec ou à un pilote de ligne (de Jean Aurel), montre davantage de personnalité. Deux films se voulaient drôles ; deux histoires de soutanes et de cornettes : Jacques Deray (Doucement les basses) et Guy Casaril (les Novices) ; ils ont embourbé (c'est le moins qu'on puisse dire) quelques valeurs sûres du box-office français (Alain Delon, Annie Girardot, Brigitte Bardot).