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Musique

Un doute de plus en plus profond

Si la vie musicale ne se manifestait que par le nombre et la qualité des créations, sans doute devrait-on dire de cette année qu'elle a été calme et sans imprévu. Non que l'activité des compositeurs européens ou américains se soit ralentie, bien au contraire. Mais certaines tendances semblent se préciser qui marquent la musique d'un doute de plus en plus profond : refus de l'œuvre achevée, du chef-d'œuvre, dont les premiers signes sont apparus il y a vingt ans dans les compositions aléatoires ; tentative d'exprimer l'engagement idéologique ou politique au moyen d'un langage qui, de par sa nature traditionnelle, se dérobe à une telle finalité, d'où un fétichisme du matériau sonore promu au rang d'idée ; mise en cause, non plus des moyens musicaux, mais des dimensions espace et temps sous l'influence notamment de la musique orientale. Il n'est pas une seule manifestation importante, de Donaueschingen, en octobre, à Royan, en avril, qui ne reflète ces courants de pensée. Mais la vie musicale ne se limite pas aux seules activités des compositeurs, et il semble qu'en France, autant par les initiatives des animateurs privés que par celles des pouvoirs publics, les moyens de diffusion et de formation se soient améliorés. Toutefois, le retard par rapport à l'Allemagne ou aux pays de l'Est, par exemple, demeure encore important, notamment dans le domaine de l'enseignement.

Les principaux orchestres français poursuivent la politique musicale de décentralisation définie dans le plan décennal du Service de la musique au ministère des Affaires culturelles. Vingt-deux formations privées, allant de l'ensemble de chambre au grand orchestre, ont passé une convention avec le ministère, qui prend en charge le paiement des cachets des musiciens pour un certain nombre de concerts annuels. Certains de ces ensembles sont implantés en province, tels les orchestres de chambre de Toulouse et de Rouen.

Toutefois, la moitié environ des concerts des formations conventionnées sont donnés à Paris et en banlieue. Les grandes villes continuent d'être favorisées, et principalement Lyon, avec l'orchestre Rhône-Alpes.

L'orchestre de Paris a ouvert sa saison en octobre avec H. Von Karajan, qui, rappelons-le, n'a pas renouvelé son contrat de directeur de cet ensemble. Georg Solti a accepté de lui succéder (il prendra ses fonctions en janvier 1972) et a pris son premier contact avec l'orchestre en dirigeant en janvier dernier la 9e Symphonie de Mahler. Parmi les grands chefs invités cette année figurent Léonard Bernstein, Rafael Kubelik et Seiji Osawa.

Les activités des orchestres de l'ORTF sont toujours très diverses et l'on retiendra pour l'Orchestre national deux tournées importantes : l'une aux États-Unis en octobre, l'autre en URSS en mai.

Quelques orchestres étrangers se sont rendus en France, et notamment celui de la BBC. Pierre Boulez, à la tête de cet ensemble dont il est le directeur, a interprété un programme Bartok, Berg et Boulez (première audition à Paris de Éclats multiples), puis, à la tête de l'ensemble Musique vivante de Diego Masson, deux de ses œuvres, le Marteau sans maître et Domaines. Autre invité de marque, l'Orchestre philharmonique de Boston, qui, en avril, a fait une halte à Paris au cours d'une tournée en Europe.

Musique a l'écran

La série d'émissions télévisées consacrées à Beethoven en 1970 a révélé au grand public l'existence des programmes musicaux de la télévision. Cette opération, dont la réussite, au départ, était incertaine, a permis de mesurer la place que pouvait avoir la musique à l'écran.

Le volume de production des émissions musicales en 1969 et en 1970 a pratiquement été identique. Or, un sondage révèle que la moitié des téléspectateurs pensent qu'il y a eu davantage de musique classique à la télévision en 1970. L'année Beethoven, qui a recueilli une audience presque égale aux Grands Moments de la boxe, soit en moyenne un million de personnes, explique en grande partie cette opinion.

Actuellement, la musique représente un volume de quinze heures mensuelles (dont une heure trente de jazz) à répartir entre les deux chaînes. Pierre Vozlinsky, directeur du service de la musique à la télévision depuis 1968, estime que ce volume est suffisant pour rendre compte du phénomène musical. Cependant, le problème de l'horaire de diffusion n'a pas encore été résolu.