Mais il faut retenir aussi la vigueur des monuments funéraires bogomiles, ces cathares de l'Orient, animés de figures symboliques, de scènes de chasse ou de danses paysannes, ainsi que l'effort tenté pour donner un panorama des diverses tendances de l'art moderne dans les six républiques fédérées, du « réalisme onctueux » de Krajevic et de Racic à la bonhomie naïve de Rabuzin et de Generalic et au constructivisme de Pîcelj, en passant par la cruelle période du « caligulisme esthétique », très rapidement et violemment contestée.

L'art arménien, de l'Ourartou à nos jours (musée des Arts décoratifs, 11 oct. 1970-10 janv. 1971) permet enfin d'envisager comme un ensemble l'expression d'un territoire et d'un peuple perpétuellement écartelés. Des lames d'obsidienne de Satani-Dar aux évangéliaires de Khoranachat, l'Arménie a su trouver des solutions originales à des problèmes que se poseront l'Asie ancienne ou l'Occident médiéval. Le casque du roi Sarduri II rappelle que les forteresses ourartéennes inquiétèrent l'Assyrie. Mais plus que les élégantes verreries hellénistiques, l'architecture et la sculpture du VIIe au XIIIe s. composent la partie essentielle de l'exposition. La prédication de Grégoire l'Illuminateur avait fait reconnaître en Arménie le christianisme comme religion d'État près de quinze ans avant que Constantin ait placé la croix sur son labarum. Et très tôt les architectes arméniens se libérèrent du plan basilical pour lancer des constructions audacieuses comme celle de l'église de Zvartnots, dont l'esprit renaît dans les entrelacs des « khatchkars » et les miniatures ciliciennes de Toros Rosline.

Les fresques de Florence (Petit Palais, 29 sept.-15 févr. 1971), accrochées dans de grandes salles tristes, ont attiré un large public, souvent plus curieux des procédés employés (stacco ou strappo) pour détacher la fresque du mur que de l'œuvre elle-même. Cette opération pratiquée depuis plus de deux siècles en Italie, mais multipliée au cours des vingt dernières années, permet d'admirer, après New York, Amsterdam, Londres, Munich, Stockholm et Osaka, un fragment de Joachim parmi les bergers de Giotto, l'Annonciation de Lorenzetti provenant de l'oratoire de San Galgano, quelques parties du Jugement dernier qu'Orcagna peignit pour la basilique de Santa Croce, l'élégant Saint Ansanus de Francesco d'Antonio, les Scènes de la vie de saint Benoît du Maître du Chiostro degli Arangi. Mais on découvre surtout, sous l'enduit arraché, le tracé préparatoire de la fresque, cette sinopia rouge, seul vestige, le plus souvent, du dessin de ces époques anciennes. De très haute qualité, car exécutée par le maître lui-même, alors que ses élèves participaient souvent à l'exécution de la fresque, la sinopia, qui n'était pas destinée à être vue du public, témoigne d'une vigueur et d'une liberté qui ne sacrifient en rien aux conventions du temps. Dès le milieu du XVe s., cette technique cède la place à l'esquisse tracée au charbon ou à partir d'un carton, au spolvero, et l'art codifié par Cennini disparaît peu à peu devant la peinture a secco, malgré la colère de Michel-Ange, qui, du haut de son échafaudage de la chapelle Sixtine, démolissant l'enduit du mur afin de pouvoir peindre à fresque, proclame la peinture à l'huile « un art de femme, de gens fortunés et de fainéants ».

Le siècle de Rembrandt (Petit Palais, 18 nov. 1970-15 févr. 1971) réunit plus de 240 tableaux provenant des collections publiques françaises. Disposant côte à côte des chefs-d'œuvre consacrés et des œuvres inédites, cette présentation permit de jeter un regard neuf sur la peinture hollandaise et d'en découvrir certains aspects insolites, offusqués par un siècle et demi de jugements péremptoires. Des Caravagesques d'Utrecht et des peintres monochromes aux raffinements prérococo, la Hollande paraît beaucoup moins à l'écart qu'on ne le pensait des préoccupations esthétiques européennes : ainsi la Vocation de saint Matthieu de Ter Brugghen rappelle les effets lumineux contrastés du Caravage et Jacob Van Ruisdael idéalise plaines et ciels du paysage national à l'imitation des Italiens. La fausse unicité de l'art hollandais s'estompe devant la prolifération de ces tendances contradictoires qui naissent et disparaissent en moins de 60 ans.