Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Effectivement, au mois de juin, les forces vietcongs et nord-vietnamiennes prennent l'initiative des opérations à partir de leurs nouvelles bases au nord du Cambodge, et commencent un vaste mouvement d'encerclement de Phnom Penh. Leur premier objectif est Angkor, qu'elles occupent le 10 juin, après quelques durs combats avec des troupes khmères, mais sans que les célèbres temples soient gravement endommagés. Elles descendent ensuite vers le sud pour renforcer la guérilla déjà déclenchée dans le centre du pays. Parallèlement, elles isolent les unités cambodgiennes le long de la frontière thaïlandaise et menacent la province de Battambang, véritable grenier à riz du Cambodge. Enfin, le 13 juin, elles occupent Kompong Speu. Cette ville, située sur la route no 4 qui relie Phnom Penh à Kompong Som (ex-Sihanoukville), est d'un intérêt stratégique capital pour le ravitaillement de Phnom Penh. Pendant trois jours, Vietcongs et Nord-Vietnamiens résistent aux attaques khmères et sud-vietnamiennes, mais le 16, après de violents combats de rues, ils abandonnent. Cela ne les empêche pas de conserver le contrôle de la région et de la route et d'exercer leur pression sur Phnom Penh.

Le 16 juin, la capitale est pratiquement encerclée. Seule reste libre la route no 1 (vers Saigon), et encore n'est-elle pas d'une sécurité totale. L'aéroport devient une véritable base sud-vietnamienne, tandis que l'état-major khmer transforme en bastions les points stratégiques de la ville. Les ambassades occidentales envisagent des plans d'urgence d'évacuation pour leurs ressortissants. Les jours suivants, l'étau se desserre un peu, mais les liaisons routières entre les principales villes restent impossibles.

Le bilan de Nixon

Le 30 juin, dans un long rapport, le président Nixon présente le bilan de l'intervention au Cambodge comme une victoire : un coup très dur a été porté aux communistes indochinois. Il confirme l'évacuation de toutes les troupes terrestres, mais annonce que l'aviation continuera à apporter son appui aux forces cambodgiennes et sud-vietnamiennes, ainsi qu'à tous les pays tiers qui s'engageraient à leurs côtés.

Nixon se prononce en même temps pour une solution négociée et lance un appel déguisé à Hanoi pour une relance des pourparlers. Le lendemain, voulant faire acte de bonne volonté, il désigne David Bruce à la tête de la délégation américaine à la Conférence de Paris. Cabot Lodge avait quitté son poste en novembre et n'avait pas été remplacé. Toute la question est maintenant de savoir si l'extension de la guerre va paradoxalement simplifier et accélérer de nouvelles négociations ou, au contraire, conduire à d'autres impasses.

Le tragique imbroglio indochinois

À la fin du mois de juin 1970, la situation indochinoise est devenue un tragique imbroglio politique et militaire dont paradoxalement les principaux bénéficiaires sont les Nord-Vietnamiens, le FNL et les maquisards de Sihanouk. Les Américains commencent à retirer leurs troupes et affirment qu'ils n'ont pas l'intention de poursuivre leur engagement au Cambodge. Les Sud-Vietnamiens ont, eux aussi, retiré certaines unités, mais veulent rester au Cambodge, ne serait-ce que pour conserver le contrôle de la frontière. Le pourront-ils sans le soutien logistique américain ? Et maintiendront-ils des troupes dont ils peuvent avoir besoin sur leur propre territoire, puisque Washington n'a pas remis en question sa politique de désengagement et de vietnamisation de la guerre ? Toutes ces questions demeurent sans réponse. Il n'est possible pour l'instant que d'essayer de démêler les fils de l'imbroglio indochinois.

Les négociations de Paris

Pour la première fois depuis l'ouverture des négociations de Paris, en mai 1968, une séance, celle du 6 mai 1970, est décommandée in extremis. La raison est l'intervention américano-sud-vietnamienne au Cambodge. La semaine suivante, la conférence reprend, sans apporter d'éléments nouveaux au débat. C'est l'impasse. Une impasse dont les quatre délégations (américaine, nord-vietnamienne, sud-vietnamienne et Front national de libération) semblent se satisfaire, puisque, en dépit de leurs accusations mutuelles, elles continuent régulièrement à se rencontrer. La discussion est devenue académique. Personne ne veut prendre la responsabilité de rompre un dialogue qu'on a mis tant d'années à instaurer. Chaque délégation suit sa propre voie dans l'espoir que celles des autres finiront un jour par rencontrer la sienne.