Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Cependant, Israël paraît garder l'initiative des opérations militaires, en s'engageant dans une escalade qui se développe, en gros, au détriment de l'Égypte. De la mi-juillet à la mi-septembre 1969, l'aviation d'Israël effectue un millier de sorties, tandis que celle du Raïs n'entreprend qu'une centaine de raids, à en croire le général Bar Lev. Les combats aériens au-dessus du canal de Suez ou dans les régions voisines, se prolongent parfois jusqu'à huit et dix heures consécutives. Le 11 septembre, un porte-parole militaire israélien estime que toutes les bases de fusées sol-air et la plupart des stations de radar installées le long du canal ont été détruites.

Israël entreprend, en outre, une série d'opérations terrestres à caractère spectaculaire. Le 9 septembre 1969, une importante force, appuyée par les blindés, débarque sur les côtes égyptiennes dans le golfe de Suez, attaque des camps militaires sur un front de 50 km, et se retire une dizaine d'heures plus tard. Le 26 décembre, une opération analogue contre la localité de Ras Ghareb permet aux Israéliens de détruire un poste naval et d'enlever un radar de fabrication soviétique.

Le 22 janvier 1970, les troupes du général Dayan occupent pendant trente heures l'île de Chadwan, à l'extrémité sud du Sinaï. Elles y détruisent toutes les installations et emportent du matériel militaire. Les Égyptiens perdent une centaine d'hommes, en tués et blessés.

Entre-temps, le général Dayan avait inauguré le 7 janvier les raids aériens en profondeur, qui visaient les camps militaires et les centres stratégiques à l'intérieur du territoire égyptien. Jérusalem poursuivait un autre objectif, d'ordre politique : briser le moral de la population et obliger Nasser à se soumettre ou à se démettre. Cependant, les Égyptiens serrent les rangs autour du chef de l'État, qui se rend dans le plus grand secret à Moscou, le 23 janvier, pour demander les moyens de neutraliser l'offensive israélienne. On devait apprendre par la suite que Moscou accéda à sa demande en installant des fusées sol-air SAM-3 et en envoyant une centaine de pilotes pour défendre le ciel égyptien. L'aviation israélienne poursuit néanmoins ses raids, dont deux défrayent la chronique : le bombardement— par erreur, dit-on à Tel-Aviv — de l'usine d'Abou-Zaabal, près du Caire, le 12 février, fait 70 morts parmi les ouvriers ; le 8 avril, une quarantaine de personnes, dont 30 écoliers, sont tuées dans un raid sur la bourgade de Bahr el-Baqar, au nord-est d'Ismaïlia. Dix jours plus tard, le général Dayan interrompt discrètement les raids en profondeur, après avoir constaté que des Mig 21, pilotés par des Soviétiques, survolaient le territoire égyptien.

Le front diplomatique

Sur le fond du problème, les positions d'Israël et de la RAU demeurent très éloignées.

Le 24 septembre 1969, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Mahmoud Riad, déclare que son gouvernement n'insiste plus sur le retrait préalable des territoires occupés. Le 2 octobre, il précise : « L'essentiel pour nous est de parvenir à la paix (...), la procédure n'a aucune espèce d'importance. » Le 8, le porte-parole de la RAU, Esmat Abdel Meguid, déclare que les négociations indirectes, selon la formule de Rhodes adoptée en 1948-49, pouvaient être conduites sous l'égide de Gunnar Jarring, l'envoyé spécial de U Thant. Trois jours plus tard, l'officieux Al Ahram affirme que les propos d'Abdel Meguid avaient été déformés. Pour l'Égypte, G. Jarring n'aurait d'autre tâche que d'établir un calendrier pour l'application de la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967. Le Caire estime que ce texte engage Tel-Aviva évacuer tous les territoires occupés.

Tel n'est pas l'avis du général Dayan, qui déclare, le 21 octobre, qu'Israël devrait s'étendre du Golan à Charm el-Cheikh (dans le Sinaï), qu'il qualifie de « Gibraltar juif ». Le 6 novembre, le président Nasser soutient qu'il n'existe pas d'autre voie que la force pour chasser l'occupant. Le 19 février, lors d'une interview publiée dans le Monde, le chef de l'État égyptien se déclare disposé à envisager une paix durable, n'excluant pas des relations diplomatiques et économiques avec Tel-Aviv, l'étalement du retour en Israël des réfugiés palestiniens qui le souhaiteraient, l'abandon éventuel par la RAU de la bande de Gaza, l'instauration d'un statut qui ferait de Jérusalem « une ville unifiée et ouverte à tous ». Mais il pose deux conditions, rejetées quelques jours plus tard par Abba Eban : la restitution aux États arabes de tous les territoires conquis en 1967 et la reconnaissance aux réfugiés palestiniens du droit de choisir entre leur rapatriement en Israël et l'indemnisation.

Concertation des Quatre

Abba Eban estime que ces deux conditions signifient que le Raïs cherche à liquider la réalité israélienne par étapes. L'attitude de Jérusalem ne varie pas : les nouvelles frontières d'Israël seront établies d'un commun accord au cours de négociations directes qui devront s'engager avec les États arabes.