Avec un taux de développement démographique spectaculaire de 1962 à 1968 (Aix-en-Provence + 5,6 %, Montpellier + 6,4 %), ces régions devraient, en effet, connaître une urbanisation galopante, qui permet d'imaginer la création d'une véritable ville linéaire de Nice à Perpignan. Dans cette perspective, les experts ont été amenés à proposer quatre maquettes, qui correspondent chacune à une politique d'aménagement :
– Poursuite des tendances actuelles, avec un rôle prépondérant confié à la seule ville de Marseille, l'expansion s'articulant autour du complexe de Fos et les centres secondaires, comme Nîmes, Avignon ou Toulon, étant soumis à l'attraction d'une capitale régionale hypertrophiée ;
– Création, d'ici à l'an 2000, d'un Marseille 2 sur le site de la Crau (entre Arles et l'étang de Berre) ;
– Création d'un centre urbain à Montpellier-Nîmes, dont les fonctions seraient conjuguées avec celles de Marseille, solution qui présente l'avantage d'aller dans le sens de l'intégration progressive des deux régions, mais qui se heurte aux antagonismes qui opposent Languedociens et Provençaux ;
– Enfin, développement ambitieux des fonctions métropolitaines dans trois centres : Marseille, Montpellier-Nîmes et Avignon. Mais, souligne le rapport, cette maquette a peu de chances de se concrétiser en trente ans.

Pendant que les pouvoirs publics et les élus étudient ces quatre hypothèses, le plus important demeurait sans doute que, pour la première fois, une tentative concertée de prévoir et d'organiser l'avenir était tentée sur une échelle nouvelle, celle de deux régions.

Routes et autoroutes

Étudié le 23 avril 1970 par la Commission nationale de l'aménagement du territoire, le projet de schéma devait être ensuite soumis aux régions au cours de l'été avant d'être définitivement adopté par le gouvernement. Il retient notamment la création ou la modernisation, d'ici à 1985, de 15 000 km d'axes prioritaires qui concernent les liaisons des métropoles avec Paris, leurs liaisons entre elles, les relations internationales et la desserte des villes de plus de 50 000 habitants.

Les études préliminaires, menées par la Direction des routes, ont donné la préférence aux itinéraires ayant connu une fréquentation quotidienne de plus de 2 000 véhicules en 1968 ; elles chiffrent à 45 milliards de francs les investissements nécessaires pour obtenir en 1985 un niveau de service égal à celui de 1965...

Le schéma directeur a été établi dans la perspective du déclassement de 55 000 km de routes, classées dans le réseau national en 1930, et qui seraient affectées à un réseau régional à créer. Ce dernier comporterait, en outre, 40 000 km de routes départementales, le réseau départemental étant ramené à 260 000 km. Après ces reclassements, le réseau national ne comporterait plus que 25 000 km de routes.

Il serait, en revanche, renforcé par les prochaines réalisations autoroutières : Paris-Poitiers et Paris-Le Mans, réalisées par des groupes privés, ainsi que les projets Lyon-Grenoble et Chambéry, et Chambéry-Grenoble-Genève ; l'autoroute blanche Genève-Le Fayet pourrait être construite par la Société du tunnel du Mont-Blanc.

Horizon 1985 : les perspectives

1 700 000 habitants à Lyon, 670 000 à Strasbourg, 520 000 à Rouen ou 300 000 à Dijon, telles sont quelques-unes des perspectives de l'INSEE pour 1985.

Ces perspectives ont été établies en mai 1970, à partir du recensement de 1968 et de l'évolution 1962-1968. Elles tiennent compte, d'une part, des tables de mortalité et de fécondité, et, d'autre part, des prévisions de migrations intérieures et extérieures. Elles utilisent un découpage spécial, mieux adapté aux projections démographiques que l'agglomération ou la commune, la ZPIU (zone de peuplement industriel et urbain).

La ZFIU étant plus étendue que l'unité urbaine, les chiffres indiqués dans les tableaux suivants pour 1968 sont supérieurs à ceux qui sont dénombrés habituellement. Ainsi, la ZPIU de Marseille est donnée pour 1 012 500 habitants, alors que la Commission des villes du VIe plan n'attribue à l'agglomération marseillaise que 964 412 habitants. Dans le même esprit, l'INSEE englobe certaines villes au sein de nébuleuses industrielles ou urbaines. C'est le cas, par exemple, de Nice et de Cannes, remplacées par l'appellation Côte d'Azur, ou de Lens, Valenciennes et Douai, regroupées dans le bassin houiller Ouest, le Bas-Escaut ou la Scarpe.

Les perspectives tracées par l'INSEE pour 1976, 1980 et 1986 ne peuvent, sans doute, être prises au pied de la lettre. Elles permettent cependant de mieux apprécier le mouvement d'urbanisation qui bouleverse la France depuis la Seconde Guerre. En 1954, moins de 25 millions de Français vivaient dans les villes et près de 35 millions en 1968. Ils y seront sans doute 42 millions en 1975.

Quatre grandes zones de développement — le Nord, la vallée de la Seine et celle du Rhône, la façade méditerranéenne —, plus quelques bastions isolés comme Toulouse ou Bordeaux devront faire face à cette mutation brusque qui fera passer une France rurale à l'ère des mégalopolis.