Mais Costa-Gavras pourfendant le fascisme dans Z ou le stalinisme dans l'Aveu n'a jamais cédé à la polémique partisane et stérile. Son œuvre demeure un témoignage. C'est en cela qu'elle est importante et d'autant plus qu'elle est l'une des rares en France à aborder un domaine qui inspire davantage les cinéastes étrangers.

Si l'on peut négliger certains films commerciaux à succès, comme Hibernatus (avec de Funès), Une veuve en or et Elle boit pas... mais elle cause, de Michel Audiard, voire la Horse (avec Gabin) et le Pistonné, de Claude Berri, d'heureuses surprises sont venues d'Édouard Molinaro, auteur d'un caracolant et allègre Mon oncle Benjamin, très fidèle à l'esprit du roman de Claude Tillier.

Bien qu'il s'agisse du moins mauvais film de Brigitte Bardot depuis quatre ans, l'Ours et la poupée, de Michel Deville, ne passera sans doute pas à la postérité, tout comme le dernier Lelouch, Un homme qui me plaît.

Les ténors de la nouvelle vague (dix ans déjà !) sont toujours là. C'est d'eux que l'on peut attendre le plus, car le renouvellement des jeunes réalisateurs est très timide. Claude Chabrol tourne maintenant deux films par an ; 1969-70 continue à être pour lui une période faste (Que la bête meure, le Boucher), tout comme pour François Truffaut, auteur d'un délicat Enfant sauvage. Dans ce peloton il faut inclure J.-P. Melville (l'Armée des ombres), Édouard Luntz (le Dernier Saut) et J. P. Mocky, infiniment plus à l'aise dans un Solo corrosif et personnel que dans l'Étalon, une farce grasse, plate et bâclée.

Les obsessions de Buñuel

Où classer Luis Buñuel, qui est allé tourner son Tristana à Tolède avec une actrice française (Catherine Deneuve) et deux acteurs espagnol (F. Rey) et italien (F. Nero) ? Le dernier Buñuel est un parfait amalgame de toutes les obsessions de son auteur. C'est aussi le cas du dostoievskien Une femme douce, de Robert Bresson, qui n'a pas connu les faveurs du public, de l'Éden et après, où Alain Robbe-Grillet s'enferme dans son propre labyrinthe, et Détruire dit-elle, hermétique petite musique de chambre de Marguerite Duras.

Cette année très faste pour le cinéma français masque pourtant certains échecs de P. de Broca (les Caprices de Marie), C. Autant-Lara (les Patates), Y. Robert (Clérambard). Le plus cuisant a été celui de J.-G. Albicocco dans le Cœur fou. Le plus justifié, celui de Jean Aurel dans les Femmes.

Parmi les jeunes cinéastes qui affrontaient le public pour la première fois, il faut noter le succès exceptionnel de Nelly Kaplan, qui dans la Fiancée du pirate fait la part belle à la vulgarité, sans se dédouaner pour autant par une satire pâlichonne des mœurs paysannes. Plus intéressants les films de Marcel Bozzufi (l'Américain), de Philippe Labro (Tout peut arriver), voire de Robert Benayoun (Paris n'existe pas). Sympathique mais d'une honnêteté un peu trop idéaliste, Hoa Binh, de l'opérateur Raoul Coutard, a le mérite de s'attaquer à un conflit de notre époque qui, hélas ! ne pourra sans doute pas se régler avec cette propension à l'humanisme un peu mièvre.

Et puisque nous parlons de problèmes contemporains il faut noter deux films sur la drogue, l'un romantique et sincère (More, de Barbet Schroeder), l'autre naïf et superficiel (les Chemins de Katmandou, d'André Cayatte).

Mais la saison — exceptionnelle, répétons-le — aura aussi été celle du Rubinstein, de François Reichenbach, des films de montage d'Henri de Turenne (36 : le grand tournant) et Frédéric Rossif (Pourquoi l'Amérique).

États-Unis

Les structures de l'industrie cinématographique américaine subissent depuis le début de 1969 de profondes modifications. Aux holdings verticaux ou horizontaux menacés par les lois antitrusts se sont peu à peu substitués des conglomérats, amalgame de sociétés diverses réunies par le seul lien d'une autorité commune.

Les mouvements de fonds plus rapides et plus impressionnants autorisent les aventures les plus périlleuses. Abandonnant de plus en plus le traditionnel film hollywoodien, les Major companies misent sur deux atouts essentiels : les superproductions à budget géant et les films de jeunes à budget réduit. Si la Compagnie United Artists semble avoir bénéficié de son rachat par la Transamerica Corporation, on ne sait encore si les dieux se montreront aussi souriants avec la Paramount, désormais contrôlée par Gulf and Western, l'Universal, mangée par le consortium de caoutchouc Firestone Tire and Rubber Cy, ou la MGM, aux mains de Kirk Kerkorian, l'un des empereurs de Las Vegas.

Un phénomène à la mode

Mais si l'on en juge par les résultats artistiques, on peut d'ores et déjà dire que la crise économique a eu par contrecoup d'assez heureuses conséquences. On a beaucoup parlé de nouveau cinéma américain. L'abus des étiquettes nous rend méfiants. Sans doute Macadam Cowboy, Good bye Columbus, Alice's Restaurant, John and Mary, Mash, Medium Cool, Woodstock, Des fraises et du sang font-ils tous partie d'un nouveau mouvement cinématographique qui exploite avec sincérité ou rouerie l'engouement de la jeunesse pour certains problèmes. C'est ainsi que la contestation devient un phénomène à la mode qui ne laisse pas indifférents certains producteurs avisés.