Le musée Rodin, après une excellente vue d'ensemble de l'œuvre de Couturier de 1944 à 1969, présente avec les artistes qui se réclament des Formes humaines une exposition homogène et raisonnable, centrée sur un hommage éclatant à Zadkine et un hommage plus réservé à Arbus.

Le musée des Arts décoratifs a, par un aperçu de l'œuvre de cinq designers célèbres, le Français Roger Talion, l'Allemand Fritz Eischler, le Danois Verner Panton, l'Américain Charles Eames, l'Italien Joe Colombo, inauguré le Centre de créations industrielles. En plus d'expositions organisées dans les salles habituelles de Marsan et dans le sous-sol désaffecté d'un pavillon des Halles, le CCI gère un fichier où chaque visiteur pourra trouver des informations précises sur la création, la production et la diffusion des objets utilitaires en France et dans le monde.

Les pavillons de Baltard semblent cependant appelés à devenir un haut lieu de l'art contemporain : le Salon Comparaisons y a ainsi présenté un panorama divers, mais touffu, des multiples tendances actuelles, des naïfs aux visionnaires, du lettrisme à l'art comestible.

Chefs-d'œuvre de l'art paléolithique
(château de Saint-Germain-en-Laye, musée des Antiquités nationales, 25 juin-1er décembre 1969)

Avec ses 36 mm de haut et ses 25 000 ans, la Dame de Brassempouy offre-t-elle le premier regard énigmatique de l'histoire de l'art ou répète-t-elle obstinément un message magique dont l'ancienneté nous fascine, mais dont le sens nous échappe ? À cette question, les organisateurs de l'exposition du musée des Antiquités nationales ne pouvaient pas vraiment apporter de réponse. Mais il était remarquable qu'une présentation de la plus importante collection d'œuvres paléolithiques qui soit au monde, à l'occasion de la VIIIe session du Congrès international pour l'étude du Quaternaire, s'offrît non plus sous l'aspect traditionnel d'un entassement didactique de documents, mais dans la succession dépouillée d'objets contemplés pour leur beauté propre. La précision de certaines figurations sur os ou sur pierre, si elle comble le préhistorien en lui permettant de distinguer deux espèces de renne paléolithique ou de reconnaître dans les colliers et les bracelets de la baguette d'Isturitz les premières manifestations de la coquetterie féminine, apporte un singulier témoignage sur la pensée de l'homme d'il y a 20 000 ans. Le propulseur de Bruniquel, les têtes de bouquetin de Gourdan, le cheval hennissant du Mas-d'Azil prouvent, en effet, que dans son affrontement avec la matière l'homme avait dépassé de beaucoup le stade des simples préoccupations utilitaires. Mais plus que la vérité du mouvement du cheval du Roc-de-Sers, ce qui nous arrête, c'est la troublante opposition entre le réalisme de la représentation animale et la stylisation, voire la figuration caricaturale de l'image de l'homme. Quand l'artiste privilégie certaines parties du corps féminin, il se montre probablement, dans ces venus obèses et stéatopyges, sensible aux volumes, mais il traduit surtout l'obsession vitale de la fécondité.

Cette faculté d'être en même temps symboliste et réaliste révèle ainsi chez ces « artisans légendaires » un pouvoir étendu d'abstraction et la constitution d'un système. Outils ou œuvres d'art, les vestiges du paléolithique composent une archéologie de l'esprit.

Vieira da Silva : peintures 1935-1969
(musée national d'Art moderne, Paris, 24 septembre-10 novembre 1969)

« Ma peinture, disait, il y a quelques années, Vieira da Silva à Georges Charbonnier, c'est un chemin, mais ce chemin peut devenir trois chemins, quatre chemins. [...]. Ma peinture est un labyrinthe terrible... »

Pour nous retrouver dans ce parcours incertain, le musée national d'Art moderne nous a offert le fil d'Ariane que forment 90 peintures sur toile et sur papier, échelonnées sur trente-cinq ans. Mais le trajet qui mène de l'espace vacant de l'Atelier (1935) au scintillement vertigineux du Temps (1969) est un voyage mimé : il s'agit moins, pour Vieira, de relier les azulejos de Lisbonne aux façades glacées de Manhattan, que de tenter à la fois une « géologie de la mémoire » et une genèse de l'espace. Ainsi, à une époque de turbulences, de grandes étendues houleuses révélatrices de cataclysmes secrets (le Désastre, 1942 ; le Couloir sans limites, 1942-1948 ; la Bataille des couteaux, 1948) succède une période d'heureuses incertitudes : les arborescences exubérantes des constructions urbaines (la Ville brûlée, 1955 ; la Gare inondée, 1956) s'enlèvent sur l'architecture assourdie ou massive des paysages naturels (Aix-en-Provence, 1958 ; la Colline, 1960). Et bientôt entre la ville buissonneuse (Londres, 1959) et l'armature de reflets de l'Eau ou de la Forêt (1962) apparaît la correspondance profonde. « La ville n'est peut-être que l'image un peu tangible de l'architecture de nos pensées. » Les poutrelles de fer, les flèches de béton, l'entrelacs serré des échafaudages composent une construction de lumière et d'ombre, d'alvéoles immatériels : cristallisations passagères aux Conséquences contradictoires (1964-1967), où la ville s'étale comme un jeu de cartes, où la Bibliothèque (1966) se dispose et se ramifie comme une banlieue industrielle. « Métaphore de la conscience », la peinture de Vieira a trouvé dans la division patiente de l'espace le meilleur moyen de triompher du temps.

Giacometti
(Orangerie des Tuileries, Paris, 15 octobre 1969-12 janvier 1970)

Le lendemain du quatrième anniversaire de la mort d'Alberto Giacometti s'est achevée la rétrospective de son œuvre la plus complète qui ait jamais été présentée. Ni la Kunsthaus de Zurich en 1962, ni la Tate Gallery et le musée d'Art moderne de New York en 1965, ni la Kunsthalle de Bâle ou le musée de Louisiana, au Danemark, n'avaient offert un panorama aussi complet de l'œuvre sculpté et de l'œuvre graphique. Mais les 300 pièces entassées sur les deux étages de l'Orangerie des Tuileries ont quelque peu souffert, notamment les plus grandes sculptures, de la configuration des salles et de l'éclairage souvent défavorable. Si les 102 dessins formaient, au sous-sol, un ensemble impressionnant, les 122 sculptures auraient gagné à s'ordonner dans un espace plus libre et plus dépouillé.