Finances

Volonté d'équilibre face à un surcroît de charges

Le budget de l'État a été profondément affecté, depuis deux ans, par les secousses sociales et financières telles que les grèves de mai-juin 1968 et l'alerte monétaire de novembre de la même année.

Le budget de 1968 a finalement reçu de plein fouet les éclats de la secousse sociale. Il fallut le corriger à plusieurs reprises, en cours d'exercice. Au début de l'année, l'écart entre les dépenses et les recettes n'était que de 5,5 milliards ; à la fin de l'année, il atteignait 14 milliards de francs.

Des charges nouvelles

Malgré un alourdissement des charges fiscales en cours de route, l'accroissement des dépenses avait été tel que la préparation du budget de 1969 s'en trouvait considérablement compliquée. Il fallait prévoir les conséquences, en année pleine, des augmentations de salaires dans le secteur public, de la réforme de l'enseignement et des exigences du maintien de l'ordre public, des engagements pris à l'égard du monde agricole, et des subventions supplémentaires indispensables à l'équilibre des comptes des entreprises nationalisées.

Tant et si bien que le budget de 1969 présenté à l'automne par le gouvernement devait comporter :

– une très forte augmentation des dépenses de fonctionnement de l'État (+ 25 % par rapport au budget initial de 1968), à cause, notamment, des hausses de traitements des fonctionnaires ;

– une hausse plus modérée des dépenses d'équipement (+ 9 %), cette limitation n'étant obtenue que par la compression de nombreux investissements, notamment dans les autoroutes et la construction aéronautique ;

– une limitation très rigoureuse de l'augmentation des dépenses militaires (+ 5,4 %), entraînant un retard dans la mise en place de la force de frappe ;

– un plafonnement des prêts de l'État, plafonnement qui devait également affecter les investissements.

Sacrifices partagés

Du côté des ressources, le budget de 1969 devait comprendre à la fois certains sacrifices de la part de l'État et des contribuables.

Pour alléger les charges des entreprises, qui devaient payer, d'autre part, de fortes augmentations de salaires, l'État accordait des avantages fiscaux pour les investissements des entreprises et supprimait la taxe de 5 % sur les salaires. En contrepartie, la fiscalité sur les particuliers était alourdie, notamment par une majoration d'impôts sur les gros revenus, un relèvement de certains droits de succession (ce qui n'alla pas sans de très vives protestations) et des majorations de taxes sur certaines boissons et sur les produits pétroliers.

Au total, l'impasse budgétaire pour 1969 devait se situer un peu au-dessus de 9 milliards, lorsque survint la crise financière de novembre 1968.

À ce moment-là, d'ailleurs, un effort de compression avait déjà été entrepris ; dans le premier budget, l'impasse se situait autour de 11 milliards.

Le gouvernement ayant décidé de ne pas dévaluer, il mit immédiatement en chantier un nouveau plan d'économie budgétaire, qui ramena finalement l'impasse à 6,3 milliards de francs. Cela devait être obtenu par une réduction générale des crédits dans l'ensemble des ministères de près de 2 %, exception faite des crédits de l'Éducation nationale. En outre, les recettes de l'État étaient augmentées par majoration de la taxe sur la valeur ajoutée.

Cette politique fut critiquée, notamment dans les milieux industriels, qui réclamaient une réduction générale du train de vie de l'État, c'est-à-dire un allégement des charges fiscales et parafiscales. De fait, ces charges atteignaient, en France (si l'on y inclut les cotisations de Sécurité sociale), le taux le plus élevé dans l'ensemble des pays industriels, puisqu'il représente environ 40 % du produit national.

Le poids des dépenses

En réalité, si l'on considère les seules dépenses de l'État figurant dans la loi de finances, à l'exclusion donc des dépenses des collectivités locales et de celles de la Sécurité sociale, on observe, depuis une quinzaine d'années, un alourdissement relativement lent de la charge publique. En 1954, ces dépenses représentaient 23,8 % du produit national ; et en 1968 elles ont atteint 24,5 %. Durant toute la période, elles ont oscillé entre un minimum de 22,5 % en 1964 et un maximum de 24,8 % en 1965. Il est intéressant de noter que, dans tout cela, la part des dépenses militaires a régulièrement diminué : 32 % du total du budget en 1954 et seulement 20 % en 1967.