Faits divers

Qui a tué Stefan Markovitch et pourquoi ?

Près d'Élancourt (Yvelines) on découvre, le 1er octobre 1968, sur la pente d'une décharge publique, le cadavre d'un homme d'une trentaine d'années. Le corps est ligoté et enveloppé dans une housse en matière plastique. Un bâillon enserre la bouche...

C'est le point de départ banal d'une enquête criminelle qui va se révéler pleine de rebondissements : l'affaire Markovitch.

Stefan Markovitch, né en 1937, de nationalité yougoslave, c'est, en effet, l'identité du mort ; il porte à la tête et au visage des traces de coups violents. Ses activités professionnelles et ses relations mondaines vont d'abord retenir l'attention : Stefan Markovitch, de 1964 jusqu'au début de 1968, a rempli auprès du comédien Alain Delon les fonctions de garde du corps. Le comédien et son épouse, l'actrice Nathalie Delon, se comportent envers lui plus en amis qu'en patrons ; ils lui ont réservé un appartement dans leur hôtel particulier de l'avenue de Messine.

Une coïncidence

Le couple, décidément, joue de malchance avec ses gorilles, surtout lorsqu'ils sont yougoslaves. En 1966, un compatriote de Markovitch, qui était aussi son ami, l'a précédé dans le même emploi auprès d'Alain Delon. Il s'appelait Milos Milochevitch et a quitté le comédien pour se marier aux États-Unis. La même année, il est découvert mort, à Hollywood, dans l'appartement de Barbara Rooney, la cinquième femme de l'acteur Mickey Rooney, dont le cadavre gît auprès du sien. L'enquête conclut que Milochevitch a tué Barbara avant de se suicider. Mais depuis, la famille du jeune Yougoslave continue de proclamer qu'elle n'en veut rien croire et qu'il s'agit d'un meurtre.

Cette coïncidence n'aurait pas autrement d'importance si, peu après l'ouverture de l'enquête menée par le juge René Patard, de Versailles, ce dernier n'avait eu communication d'un document qui constitue un élément capital du dossier. Il s'agit d'une lettre que la victime a remise quelques jours avant sa mort à un de ses amis, en le chargeant de l'adresser à son frère, Alexandre Markovitch, à Belgrade, si jamais il venait à disparaître. On y lit : « Quoi qu'il advienne et pour tous les ennuis qui pourraient m'être causés, adressez-vous à Alain Delon, à sa femme, et à son associé, François Marcantoni, un Corse, vrai gangster, demeurant 42, boulevard des Batignolles. »

Les langues se délient

Un climat est créé. Pour ajouter au mystère, une seconde autopsie révèle que Markovitch n'a pas succombé à des coups, mais qu'il a été tué d'une balle de pistolet dans la tête. La présence de cette balle avait d'abord échappé aux médecins légistes...

Les langues alors se délient. Les amis de Stefan, soucieux de le venger, livrent — et parfois à tort et à travers — des confidences susceptibles d'éclairer — ou d'égarer — la justice.

On entre cette fois dans la chronique de mœurs, dans le scandale feutré. Il semble apparaître, en effet, que Stefan Markovitch a été mêlé à certaines parties galantes auxquelles participèrent des personnalités du meilleur monde. On chuchote des noms, des photographies circulent sous le manteau. La victime a-t-elle tenté de se livrer à des chantages au moyen de ces photographies ? Ce que Markovitch a pu apprendre au cours de ces parties galantes est-il en rapport avec le gros coup dont il se flattait, peu avant son assassinat, de tirer une forte somme d'argent ? Plusieurs mois après l'ouverture de l'enquête, ces points — et bien d'autres — ne sont toujours pas éclaircis.

Le juge Patard, durant des semaines, multiplie les auditions d'Alain Delon et de son épouse Nathalie. Le comédien et quelques-uns de ses amis ont même été gardés à vue pendant 35 heures.

Il n'en était pas de même de François Marcantoni, que Markovitch cite dans la missive rédigée à la veille de sa mort. De plus, Marcantoni est désigné comme l'homme qui avait été vu le dernier en compagnie du Yougoslave, dans la soirée du 22 septembre, jour présumé du meurtre. Il y a ensuite les alibis qu'il présente et qui paraissent sujets à caution. Il y a enfin le fait — révélé plus tardivement — que la housse de plastique qui contenait le cadavre était celle d'un matelas dont la marque correspondait à un autre matelas acheté peu avant le drame par Marcantoni lui-même. Il faut ajouter également le témoignage de la sœur de Milochevitch, qui affirma reconnaître en Marcantoni l'homme qui lui avait conseillé de ne pas chercher à éclaircir les circonstances de la mort de son frère à Hollywood. Par-dessus tout, il y a sa réputation de truand. Aussi Marcantoni, malgré ses dénégations, est-il inculpé et en détention préventive.

L'enquête piétine

À la fin mai, l'enquête piétine toujours. L'arrestation pour vol de voiture d'un certain Miloche Milochevitch, dit Micha Slovenatz, ami de Markovitch, laisse supposer qu'on tient enfin un témoin capital. On a, de plus, trouvé sur lui une arme de même calibre que celle qui a servi à tuer Markovitch. Plusieurs interrogatoires ne permettent pas de faire avancer l'affaire d'un pouce. Neuf mois après la découverte d'Élancourt, on ne sait toujours pas qui a tué Stefan Markovitch, ni pourquoi.

Le respect de la loi : 4 morts à Cestas

Au nom de la loi, au mois de février, deux enfants — deux innocents — ont trouvé la mort à Cestas, en Gironde. C'est au nom de la loi que, au début du mois, les gendarmes se sont présentés chez leur père, André Fourquet, âgé de trente-huit ans. Après son divorce, il entend garder avec lui ses enfants, malgré un jugement qui les confie à leur mère. L'homme, fou de rage devant ce qu'il considère comme une injustice, a hissé un drapeau tricolore et un drapeau noir sur la ferme isolée qu'il habite en pleine forêt et menace de tirer sur tout ce qui tenterait de s'en approcher. Le coup de carabine par lequel il tue un des gendarmes ne doit pas tarder à prouver sa détermination. C'est d'autant plus grave, plus tragique, qu'André Fourquet a proféré une terrible menace : « Si vous vous engagez sur le chemin de la maison, je tuerai les enfants et moi après. »