Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

Les courses

De plus en plus, une industrie

Une tendance qui s'était déjà manifestée au cours de ces dernières années s'est nettement affirmée en 1968-69 : les courses ne sont plus uniquement un plaisir sportif ou une preuve de standing social, elles deviennent une véritable industrie : celle du cheval. À cela, deux raisons. D'abord, la disparition progressive des grandes écuries qui n'avaient pas pour but la rentabilité des fonds investis dans l'élevage. Ensuite, le succès considérable du tiercé, qui draine, chaque dimanche, une moyenne de 50 millions de francs aux guichets du PMU. À leur tour, les éleveurs, les entraîneurs et les propriétaires veulent profiter de cette manne.

En août 1968, à Vincennes, une mini-grève des drivers a tonné comme un véritable coup de semonce. Elle devait aboutir à la création d'un Comité d'action et de défense du trotting français destiné à permettre aux professionnels de participer plus directement qu'ils ne l'avaient fait jusqu'alors à la gestion des courses de trot.

Des sommes fabuleuses

Le relèvement substantiel des allocations — le Prix d'Amérique est passé de 500 000 F à 700 000 F — et un nombre plus élevé de tiercés devaient amener une détente.

Au galop, où les allocations ont toujours été plus élevées, la situation a été certes moins tendue, mais le prix des chevaux n'a cessé de croître, souvent dans des proportions énormes. À Deauville, aux ventes de yearlings — c'est-à-dire de chevaux d'une année dont les parents ont été des cracks, mais dont on ignore s'ils en auront hérité les qualités —, plusieurs sujets ont dépassé les 200 000 F. À la vente de l'écurie de Mme P. A. B. Widener, en novembre, le yearling Green Valley (Val de Loir et Sly Pola) a même atteint l'enchère record de 410 000 F. Et Hula Dancer, championne incontestée, mais dont la carrière comme poulinière s'annonce incertaine, a été adjugée 1 020 000 F. La valeur des étalons n'a plus de commune mesure avec ce que nous avions connu jusqu'à présent. Pour Val de Loir, des offres d'achat de 10 millions de francs ont été faites. La tentation est donc grande pour les propriétaires de vendre. C'est ainsi que cinq chevaux de classe sont partis pour l'étranger : Roi Dagobert, Behistoun, Cambremont, Topyo, Arcor. D'un côté, on enregistre une appréciable rentrée de devises. Mais, d'un autre côté, ne coure-t-on pas le risque d'appauvrir notre élevage, surtout si cette pratique doit se généraliser ?

C'est encore une histoire financière qui aura eu la vedette de cette année hippique. Avec Vaguely Noble, l'un des plus fabuleux paris qu'auront connus les courses a été fait et gagné. Passé en ventes à Newmarket à l'âge de deux ans, il a été payé 136 000 guinées (soit 1 800 000 F). Cette somme — la plus élevée qui ait été payée ces dernières années pour un cheval de cet âge — était d'autant plus audacieuse que Vaguely Noble ne possédait en France — où il était susceptible de rembourser ses propriétaires — aucun engagement classique. Tout, pour lui, se jouait sur le Prix de l'Arc-de-Triomphe. Le suspense — folie ou excellente affaire ? — dura plusieurs mois, jusqu'à ce qu'enfin, ayant prouvé sa supériorité, il gagne l'Arc-de-Triomphe. Lorsqu'il quitte l'établissement de son entraîneur Étienne Pollet pour le haras de Gainesway Farm, dans le Kentucky, où il allait devenir étalon, Vaguely Noble valait 25 millions de francs...

Au trot, l'année a été marquée par le déclin de Roquépine et par une importante chute des records due à la qualité des jeunes chevaux. La jument d'Henri Levesque ne parvint pas à gagner un quatrième prix d'Amérique. Elle n'est pas battue sur sa qualité intrinsèque, mais par l'amélioration constante des demi-sang. Upsalin ne lui permet pas d'avoir un palmarès plus brillant que celui de sa grand-mère Uranie : il établit un nouveau record pour l'épreuve : 1′ 17″ 6/10.

Les haies biseautées

Le duo Vat-Vaccarès II a animé l'année. Ces deux chevaux se sont disputé les plus belles épreuves sans qu'il soit possible de déterminer lequel est le meilleur. Une de Mai a continué sa brillante carrière. En trottant sur le pied de 1′ 17″ 8/10, Tidalium Pelo a battu le record du Prix de France. Quant à Tabriz, il a remporté pour la deuxième fois consécutive le Prix de Cornulier, championnat des trotteurs montés.