La mode

Automne-hiver : le pantalon fait recette

L'image qui restera de la mode d'automne, c'est d'abord une silhouette de femme en costume-pantalon, la taille ceinturée, le sac en bandoulière, les cheveux lisses séparés par une raie, parfois un ruban de cuir ceignant le front, à la façon des Indiennes.

Le tailleur-pantalon

Cardin est contre. Courrèges est pour. Chanel, contemptrice de la minijupe, exulte, et Saint-Laurent triomphe. L'élégante qui va dîner au Ritz en combinaison de crêpe sous un paletot de renard et l'adolescente en tailleur-pantalon de tweed qui attrape au vol l'autobus donnent le même reflet de la mode 1968.

À ce succès, admirateurs et critiques cherchent des motivations. Pour certains, le pantalon est une réaction contre la minijupe ; pour d'autres, il procède de la même inspiration : montrer le plus de jambe possible. Les milieux de la mode flairent, vingt ans après, une mutation comparable au new look de Dior, laissant aux sociologues le soin d'expliquer ce paradoxe : le pantalon devenu une manifestation nouvelle de la féminité. Pour ses adeptes, il s'associe tout simplement au goût d'une vie active, indépendante, et libre de ses mouvements.

Avec le jean de velours côtelé, compagnon des vacances et des loisirs, le pantalon de ville n'a plus rien de commun. Ses jambes sont plus larges, plus longues ; plis, revers et poches ont disparu, pour amincir les hanches. Ses compléments sont la tunique, la veste ou le manteau, cintrés pour mieux marquer la taille.

La ligne à deux étages

Il s'est trouvé des femmes (en grand nombre) pour lui opposer la jupe, à godets ou plissée — accompagnée d'un chemisier sous un long gilet tricoté —, et le tailleur. Revu et corrigé, ce dernier montre, pour forcer l'intérêt, des proportions nouvelles : sur la jupe brève, la veste s'allonge, souvent jusqu'au 7/8, serrant de près le buste, appuyée aux hanches, boutonnée haut. Elle ébauche une tendance que l'on retrouve parmi les robes ; mais l'originalité de la ligne à deux étages n'a pas démodé les robes-chemisiers et les robes-chasubles, valeurs sûres, traduites dans des tissus aussi différents que la mousseline de laine imprimée, la ratine ou la flanelle.

L'accord se fait sur le jersey. Uni ou chiné, indéformable, il donne à tous les vêtements une aisance incomparable. Les draps les plus moelleux, les fins zibelinés, les rustiques : arrachés, draps de cocher, les tweeds bicolores et mouchetés, à dessins écossais, à chevrons, taillés en manteaux profonds, enveloppant de l'épaule aux hanches, apportent une assurance contre le froid. De la nuit à l'aube règnent le crêpe et le velours.

La tête et les jambes

Souverain ténébreux, le noir domine la scène, mat ou brillant, transparent le soir. Le bordeaux a déçu, malgré les efforts des stylistes et les espoirs des fabricants. Le marron plaît encore et quelques gris nuancés. Au-dessus de ces tons graves, le visage prend une importance singulière. Le maquillage farde la bouche d'un rouge groseille, éclaircit le teint, cerne d'ombre le regard entre les cils, vrais ou faux, brossés de mascara. La tête est petite, bien dessinée sous des mèches courtes ou sous un casque de cheveux soigneusement tirés sur la nuque. Des folies hippies de l'hiver précédent, il reste des toisons bouclées, qui empruntent aux postiches leur opulence.

À tous les pieds, du verni : le Corfam (cuir synthétique) brille autant que le cuir authentique. Mocassins, escarpins, bottines à tige (les boots) et bottes, posées sur des talons solides, rehaussent la jambe. Les gardiens des musées peuvent dormir tranquilles : la mode interdit les talons aiguilles plus sûrement que le règlement.

Le cuir et le métal

Dans cette sombre harmonie, l'éclair jaillit des longs colliers à breloques, empruntés aux femmes marocaines ; il naît des paillettes, des lamés ou du jersey d'aluminium laqué, créé par Paco Rabanne, pour des cottes de mailles allégées.

L'acier luit à la taille, point d'appui retrouvé, en bracelets rigides, en boucles géantes ; l'or et l'argent s'enchaînent pour ceindre tailleurs et manteaux. Le cuir se noue en liens étroits, s'agrafe en corselets, en ceinturons. On le retrouve ailleurs devenu daim, coupé en casaques ou en tuniques à franges. Mais le Vinyl partout le concurrence. Luisant, souple comme une peau d'agneau, il trouve dans les collections des couturiers une gloire controversée. Cardin partout en use, le mariant à l'astrakan avec irrévérence, et au lainage avec invention. À son exemple, tout un chacun y taille chasubles et canadiennes, fourrées des pelages les plus doux : l'ourson en peluche de Nylon, le teddy, le Crylor ébouriffé.