La seconde situation est celle d'industries lourdes de type classique (sidérurgie, gros équipement, verre) ou produisant en très grandes séries (automobiles, ménager).

Un premier problème est soulevé par l'accentuation du processus de concentration dans les industries où celle-ci a déjà atteint un stade très avancé : quelles limites faut-il ne pas franchir dans la simplification des structures ?

Cette interrogation débouche, dans la France d'aujourd'hui, sur une seconde : le cadre. Les regroupements se situent-ils dans le cadre national ou dans le cadre européen ? Doivent-ils être d'abord nationaux ou non ? Leur intérêt et leur risque ne s'apprécient-ils pas finalement sur le seul plan européen ?

Plusieurs des grands mouvements qui ont secoué les structures de l'industrie française en 1968-69 ont posé ces deux questions, dans la mesure où le renforcement sur la base nationale conduit soit à une entreprise unique, soit à une unité de stratégie et de comportement.

Un choix à faire

Ce fut le cas de l'équipement électromécanique, avec le conflit Westinghouse-Empain, de l'électronique, avec le partage Thomson-CGE et avec la fusion CSF-Thomson, de l'équipement ménager, avec l'absorption de Claret par Thomson.

Ce fut aussi le cas, et avec peut-être plus de netteté encore, avec l'option entre Citroën-Fiat et Automobiles de France (c'est-à-dire le regroupement, un moment envisagé, de tous les constructeurs français en une seule société), comme c'est le cas, enfin, avec la restructuration amorcée dans l'industrie chimique.

Au fur et à mesure que se développe la concentration dans certaines branches d'industries, on ne peut éluder l'option entre nationalisme et européanisme. Rappelons, pour l'informatique, la création d'une société unique en Grande-Bretagne (ICL), pour l'électrotechnique, la fusion des grands groupes nationaux en Grande-Bretagne (English Electric et General Electric Co) et en Allemagne (Siemens-AEG), et pour la chimie, une opération analogue en Italie (IRI-ENI-Montedison).

Paradoxe paralysant

Le progrès de la concentration impose la restructuration de l'industrie française dans son ensemble et non plus seulement au niveau des plus grandes firmes. Le mouvement gagne peu à peu les entreprises petites et moyennes. Longtemps, celles-ci s'en sont tenues à l'écart pour conserver leur autonomie de décision, et quand elles ont passé la main, ce fut en bloc et comme en un geste d'abandon.

Les incitations du commerce concentré et l'assistance des banques les poussent à croître et à innover. L'institution de formules telles que les groupements d'intérêt économique, ainsi que l'expérience des stratégies développées par les grandes entreprises modifient le comportement des firmes de taille plus modeste. On devrait bientôt cesser de voir se développer ce paradoxe paralysant : d'un côté, des firmes stagnantes où l'argent dort, et d'un autre côté des firmes dynamiques qui manquent d'argent.