À force de dire que Godard fait, n'importe comment, des films stupides, à force de crier sur les toits qu'il s'attaque à des sujets dans le vent, auxquels il ne comprend rien, les ennemis de Godard lui ont rendu service. On s'aperçoit aujourd'hui que son œuvre, non sans défauts, est extrêmement cohérente et que l'apparente désinvolture qui la caractérise n'est peut-être, au fond, que de la pudeur.

L'esprit de Beaumarchais et la grâce de Fragonard étaient au rendez-vous : Benjamin, de Michel Deville et Nina Companeez, mérite bien son succès. Une pléiade d'acteurs et surtout d'actrices plus belles les unes que les autres (Michèle Morgan a trouvé son meilleur rôle depuis bien longtemps), un décor somptueux, des costumes chatoyants, une mise en scène aérienne, voilà le secret de Benjamin. Un divertissement, certes, et rien que cela, mais du meilleur goût.

Techniquement réussi

Il faut espérer que le succès n'aura pas sur Michel Deville les effets qu'il semble avoir eus sur Claude Lelouch. L'habileté de Lelouch n'est plus tellement éloignée des rivages de la rouerie dans Vivre pour vivre, un film agréable et techniquement réussi, mais trop superficiel pour être totalement honnête. Il y a chez Claude Lelouch un virtuose qui nous avait presque convaincus avec Un homme et une femme, mais qui désormais va nous rendre plus méfiant.

Marcel Carné, dix ans après, a voulu refaire les Tricheurs. Les Jeunes Loups n'apporteront rien de plus à sa gloire. Ni le Franciscain de Bourges, honnête, mais mélodramatique sans raison profonde, à celle de Claude Autant-Lara. Les Risques du métier, d'André Cayatte, permettent de croire à la future carrière d'acteur de cinéma de Jacques Brel.

Un film courageux

Jean Gabriel Albicocco en tournant le Grand Meaulnes réussit à éveiller un soupçon chez les lecteurs du livre d'Alain-Fournier. Cette œuvre n'est-elle pas trop vantée ? En tout cas, elle est fort connue et aimée : le public s'est rué sur le Grand Meaulnes, mis en images par un metteur en scène qui semble confondre la poésie et l'artifice. Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville, est d'une tout autre qualité, supérieur peut-être au Deuxième Souffle. Alain Delon, tueur solitaire et impassible, y fait une grande création. Quant au Rapace, de José Giovanni, c'est plus un prétexte pour donner un grand rôle à Lino Ventura qu'une véritable œuvre d'auteur.

Jean Gabin, qu'on avait, l'an passé, enterré un peu trop vite, est revenu à la surface avec un film médiocre de Georges Lautner, le Pacha. L'échec de Caroline chérie, deuxième version, montre qu'une recette n'est pas toujours infaillible.

Parmi les jeunes nouveaux venus à la mise en scène, quelles ont été les révélations de l'année ? Hormis le courageux et très honnête film de Christian de Chalonge O Salto sur la condition des travailleurs portugais en France, rien n'a vraiment paru très prometteur. Sans doute, le Mur de Serge Roullet, Au pan coupé de Guy Gilles, Pop Game de Francis Leroi et l'Écume des jours de Charles Belmont (d'après Boris Vian) valent-ils mieux que la Fille d'en face de J. D. Simon, et d'autres productions dont il est préférable de taire les noms.

Cela ne constitue rien de très solide. Robert Enrico avec Tante Zita, René Allio avec l'Une et l'autre, Alain Cavalier avec Mise à sac, Serge Korber avec la Petite Vertu n'ont pas signé leur meilleure œuvre. Par contre, L'homme qui ment, d'Alain Robbe-Grillet, qui mêle avec talent le réel et l'imaginaire, la vérité et le mensonge, est une tentative réussie, et qui convainc plus que Trans Europ Express.

Production 1967

– 87 films intégralement français et coproductions à majorité française.

– 33 films de coproduction à majorité étrangère.

– Sur les 120 films, 116 sont en couleurs (procédé Eastmancolor) et 33 sont en images anamorphosées (Cinémascope, Panavision, Franscope, Techniscope, Dyaliscope).

– Coût des 120 films (en millions de francs). Global : 341,24 ; moyen : 2,84.

– Coût des films 100 % français. Global : 65,85 ; moyen : 1,40.