Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

organisation sociale

Ensemble des dispositions, explicites et/ou tacites, qui constituent l’unité et la spécificité d’un groupe humain.



Groupes sociaux rapports contractuels

Le critère de subdivision interne d’une société est presque toujours conçu comme relatif à la notion de parenté* : mode de filiation, règles matrimoniales. Il existe, cependant, d’autres principes de fractionnement : âge, sexe, richesse, hiérarchisation qui en découle, cela n’excluant pas une hiérarchisation d’après la « naissance ». Quelle que soit la norme de regroupement, un système d’obligations réciproques s’établit entre les groupes concernés. Ce qui, au premier abord, apparaît comme don se révèle, lors d’une analyse plus rigoureuse, élément d’un réseau complexe de prestations et de contre-prestations. Les principes dégagés par Marcel Mauss* — obligation de rendre consécutive à l’obligation de recevoir, étant entendu que l’acceptation constitue un engagement — mettent en évidence un mode d’échange qui suppose l’établissement de rapports contractuels à long terme — voire permanents —, tout en excluant la notion de paiement immédiat.


Le clan

Le clan est, selon l’expression de Robert Heinrich Lowie, un groupe de parents choisis. L’appartenance y est généralement permanente et dépend d’une règle de filiation unilinéaire : la détermination du clan auquel s’intégrera un individu s’effectue selon un critère préférentiel excluant l’un des parents ; si la règle de filiation est agnatique (ou patrilinéaire), l’enfant, garçon ou fille, appartient au clan de son père ; en revanche, lorsque la filiation est utérine (ou matrilinéaire), l’enfant appartient au clan de sa mère. Le groupe clanique est presque toujours exogame (prohibition des mariages entre membres d’un même clan).

À Buin (îles Salomon, en Mélanésie), chez les Crows et les Hopis (Arizona), le principe de filiation déterminant est utérin. Dans un groupe sédentaire comme les Hopis, la transmission de la propriété immobilière s’effectue à l’intérieur du clan ; l’appartenance à un même clan crée un lien social étroit et s’accompagne de l’attribution de certaines fonctions cérémonielles. En revanche, chez les Crows, nomades chasseurs de bisons, le clan ne détermine pas de règles particulières de succession ; il constitue, par ailleurs, une unité sociale, mais non religieuse. À Buin, la charge de chef, à l’encontre du principe utérin, se transmet de père en fils.

Les clans agnatiques ostyaks (Sibérie occidentale) possèdent chacun un chef, dont la principale fonction consiste à arbitrer les conflits ; une alliance entre plusieurs clans est présidée par un prince. Chez les Winnebagos (Wisconsin) et les Karieras (Australie-Occidentale), agnatiques, on observe une double partition de la tribu : deux moitiés, ou phratries (organisation dualiste ou bipartite), se subdivisent chacune en plusieurs clans patrilinéaires. L’exogamie n’est pas un caractère permanent de la phratrie : lorsqu’elle existe, l’exogamie des clans qui en résulte ne consiste plus en une simple prohibition de mariage à l’intérieur d’un même clan ; l’interdit s’étend à tous les clans relevant d’une même phratrie. Chez les Miwoks (Californie) — filiation agnatique — les phratries sont exogames, mais non subdivisées.

Au sujet de l’origine du clan (qui n’est pas une institution universelle), Lowie présente une argumentation intéressante : l’établissement du principe unilinéaire de filiation résulterait de l’action conjointe de certains modes de résidence et de transmission de la propriété ; d’autre part, le clan n’apparaîtrait pas dans les sociétés dont les activités économiques dominantes restent la chasse et la cueillette, mais seulement lorsque l’agriculture et l’élevage s’y sont substitués.


Le totémisme

Le mot totem* a été formé à partir de l’ojibwa (ou chippewa), langue algonquine de la région au nord des Grands Lacs de l’Amérique septentrionale. L’expression ototeman [...] signifie approximativement « il est de ma parentèle [...], définissant [...] le groupe exogame dans le niveau de génération du sujet » (Claude Lévi-Strauss*).

Certaines organisations claniques sont associées au totémisme ; il n’est cependant pas possible, comme l’ont fait certains auteurs — Alexander Goldenweiser notamment — de généraliser cette relation : les organisations claniques des Crows, des Hidatsas (Dakota), des Apaches (Amérique du Nord) et des Gros Ventres (rameau récent des Arapahos-Montana) ne sont pas accompagnées d’organisations totémiques.

On a regroupé longtemps sous le terme de totémisme les faits suivants : partition de la société en groupes distincts adoptant chacun un nom d’animal, de végétal ou, exceptionnellement, de phénomène naturel — le totem ; croyance des membres du groupe en un lien de parenté, le totem étant conçu comme ancêtre commun ; règle d’exogamie résultant de cette descendance ; interdiction de tuer l’animal totémique ; tabous alimentaires concernant la consommation de la chair du totem. Ainsi défini, le totémisme a été mentionné en Amérique, en Afrique, en Australie, en Mélanésie, ainsi que dans certaines régions d’Asie. Cependant, une analyse plus approfondie des faits observés permit, ultérieurement, de constater que, nulle part, la totalité des traits caractéristiques n’était réunie. Il s’ensuivit une remise en question du terme générique de totémisme, attribué indifféremment à des faits disparates, puis une tentative de redéfinition. Lévi-Strauss insiste sur la fonction classificatoire de l’organisation totémique : les divisions naturelles (espèces) étant utilisées, par analogie, comme système de désignation des divisions sociales en groupes distincts. Il s’agit d’une « homologie, non pas tellement au sein du système dénotatif, mais entre les écarts différentiels qui existent d’une part entre l’espèce (x) et l’espèce (y), d’autre part entre le clan (a) et le clan (b) » (Lévi-Strauss). On observe en outre, fréquemment, une double classification : le nombre des groupes totémiques étant trop restreint pour signifier distinctement tous les éléments et espèces naturels, ceux-ci sont regroupés par catégories, placées chacune sous l’égide d’un totem.