Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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organisations internationales (suite)

De leur côté, les États-Unis, sous l’influence d’une campagne anticommuniste que le sénateur du Wisconsin Joseph McCarthy avait engagée jusque dans l’Administration américaine, suspectée d’espionnage à la suite de l’explosion de la première bombe atomique soviétique, n’ont pas hésité à mettre en péril l’autonomie de la fonction administrative internationale en effectuant, à l’intérieur du Secrétariat et des institutions spécialisées, des enquêtes sur le loyalisme des fonctionnaires de leur nationalité.


Missions de l’Organisation des Nations unies

« Arbitrage, sécurité, désarmement », la trilogie du programme de la S. D. N. demeure, dans l’O. N. U., toujours actuelle. Aucun de ces chapitres fondamentaux du livre de la paix n’a été développé cependant par les Nations unies par rapport aux ébauches du passé. Son œuvre doit, par contraste, être reconnue valable dans le secteur économique et social de l’assistance et du développement et dans le domaine de la codification du droit international.

Aucun progrès ne peut être signalé dans l’aménagement de la sécurité des États membres. La désignation de l’agresseur sera traitée dans chaque cas sans le secours d’une définition préalable de l’agression (seulement adoptée le 14 décembre 1974 par l’Assemblée générale). Aucun progrès non plus dans l’arbitrage, qui est de plus en plus concurrencé par la conciliation et la négociation.

Le projet du professeur français Georges Scelle (1878-1961) devant la Commission du droit international, qui plaçait le fonctionnement de l’arbitrage sous le contrôle positif de la Cour internationale de justice, n’a pas trouvé audience à l’Assemblée. Dans le fonctionnement du règlement judiciaire, la Cour elle-même, dans l’espoir problématique d’attirer les plaideurs que sont exclusivement les États souverains, s’est appliquée à réduire l’exercice de sa juridiction obligatoire aux proportions d’un consentement actuel, c’est-à-dire immédiat, des parties.

Pour certains membres de l’O. N. U. (l’U. R. S. S. et les républiques populaires), la timidité de la Cour devrait même s’étendre au domaine de sa compétence consultative. Intégrée dans la liste des organes principaux de l’Organisation, la Cour serait devenue de ce fait un simple organe parmi les autres, et cette égalité de rang devrait lui interdire d’interpréter la Charte. La Cour n’est pas allée jusqu’à entériner le vœu, prématuré, de cette déchéance, et elle semble même, depuis son comportement dans l’affaire des pêcheries islandaises, redresser sa ligne de conduite dans l’exercice de sa compétence juridictionnelle (arrêts de février 1973).

Aucun progrès, pour l’heure, n’a été atteint dans le désarmement*, pourtant prévu par la Charte en différents endroits. Le désarmement des deux plus grands vaincus, l’Allemagne et le Japon, qui aurait pu servir de point d’attache utile et concret à une relance idéologique du désarmement total et universel, toujours affirmé par les Soviétiques, a disparu dans le contexte de la guerre froide. Le réarmement de l’Allemagne, à l’exclusion des armes A. B. C. (atomique, biologique, chimique), a été envisagé dès 1949, et a abouti en 1955 à son adhésion au pacte atlantique. Le réarmement du Japon est devenu effectif en 1954. Les deux plus grandes puissances nucléaires, l’U. R. S. S. et les États-Unis, ont été d’accord pour envisager, pour la première fois, l’une et l’autre, la limitation des armes de destruction massive : selon le traité de non-prolifération des armes nucléaires, les États n’ayant pas de telles armes doivent renoncer à en fabriquer et, moyennant cet engagement, reçoivent des garanties de la part des puissances nucléaires. Mais la France et la Chine ont refusé de signer cet accord.

La crise de la sécurité collective a, comme au temps de la S. D. N., déterminé une renaissance des pactes régionaux d’assistance. L’esprit de ces accords, même lorsqu’ils maintiennent, du côté occidental, un lien nominal avec l’O. N. U., est bien différent de celui de la Charte. Le domaine de l’alliance et de l’équilibre rejoint ici celui de la diplomatie, domaine d’incertitude et d’inégalité, qui pénètre et se développe dans le cadre même de l’O. N. U. à la faveur de la multiplication des micro-États, qui, sortis du système de la dépendance coloniale, en sont devenus presque automatiquement membres et dont les voix à l’Assemblée font les majorités.

Le bilan de trente années d’existence de l’O. N. U. s’inscrit dans les innombrables documents d’archives de ses organes principaux : décisions du conseil de sécurité, résolutions de l’Assemblée générale, arrêts et avis de la Cour internationale de justice, sans omettre les rapports d’ensemble et les déclarations spéciales du secrétaire général.

Partout s’exprime et s’étale une constatation d’évidence : l’O. N. U., dans son état actuel, ne peut garantir la paix qu’à titre précaire et par des moyens rudimentaires de négociation ou de persuasion. Faut-il l’abandonner aux conséquences dirimantes d’une crise financière endémique, qui demeurera longtemps le sujet numéro un des préoccupations du secrétaire général ? L’Assemblée générale, à la fin de sa vingt-cinquième session, présidée par le juriste norvégien Edvard Hambro (né en 1911) a créé un comité spécial chargé d’examiner la situation.

Le mouvement d’organisation de la paix est irréversible, et les résultats obtenus par les Nations unies dans le domaine du développement et de l’assistance au tiers monde ne peuvent être compromis, sans danger pour la paix mondiale, par un abandon ou une réduction de programmes.

Il serait injuste de méconnaître, d’autre part, sur le plan des droits de l’homme et de leur protection, les résultats bénéfiques obtenus par l’œuvre des grandes institutions spécialisées ; dont le réseau opère grâce à l’O. N. U. à travers le tiers monde et dont le bilan compense l’inventaire négatif de la sécurité et du désarmement.