Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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orfèvrerie (suite)

• Le polissage et le brunissage sont les dernières opérations, qui donnent à la pièce son aspect définitif et son éclat en restituant au métal sa somptuosité naturelle. Le polissage s’exécute à l’aide de brosses de plus en plus fines, de calicots et de feutres enduits de poudres très fines mélangées à des produits gras. Le brunissage intervient après le polissage. À l’aide d’outils, les brunissoirs, faits d’un manche de bois au bout duquel sont fixées des pointes plus ou moins courbes d’acier ou d’agate, l’orfèvre frotte énergiquement les parties à brunir. Cette opération permet d’obtenir un brillant plus profond. Actuellement, polissage et brunissage se font mécaniquement.


Métal argenté

Par nécessité d’obtenir une production importante, l’orfèvrerie de métal argenté a été à l’origine du grand développement des procédés industriels dans l’orfèvrerie. Les machines deviennent même des éléments prépondérants de la fabrication de cette nouvelle industrie. Les tours sont utilisés pour les pièces rondes ou ovales ; les emboutis et les estampes sont faits à la presse ou au mouton, les couverts au balancier. Les gravures et les guillochés s’exécutent à l’aide d’appareils perfectionnés, qui fonctionnent sur le principe du pantographe ; mais la grande particularité de cette orfèvrerie est son procédé électrolytique d’argenture ou de dorure. Pour procéder à cette opération, les pièces sont soigneusement décapées et débarrassées de tous éléments gras qui empêcheraient une bonne adhérence du métal précieux. Puis elles sont plongées dans un bain de sel métallique (cyanure de potassium) traversé par un courant électrique. Les anodes sont constituées par des plaques d’argent ou d’or pur, et les pièces à recouvrir sont reliées à la cathode. Sous l’influence du courant, dont la tension est très faible et l’intensité proportionnelle aux surfaces à traiter, les molécules du métal des anodes se déplacent à l’intérieur du bain électrolytique et se déposent à la surface des pièces à traiter d’une façon quasi uniforme, de telle sorte que l’on peut régler l’épaisseur du dépôt désiré. À la sortie du bain, les pièces ont l’aspect mat de l’argent ou de l’or non poli. Le polissage et le brunissage leur redonnent leur éclat, comme pour les pièces en argent ou en or.

Le plus grand développement industriel intervenu dans l’orfèvrerie du métal argenté concerne la production des couverts. Ceux-ci sont fabriqués par de véritables chaînes de fabrication ininterrompue, partant de la plaque de métal et des flans pour aboutir à leur finition totale.


Législation

Une législation, souvent très sévère, a toujours réglementé l’orfèvrerie. La valeur des métaux précieux, celle des pièces œuvrées et les revenus substantiels provenant d’une imposition facile sont à la base de l’intérêt manifesté pour l’orfèvrerie par les responsables des finances royales ou du Trésor public. Une réglementation fort stricte est appliquée tant par une foule de contrôleurs et de fermiers généraux royaux sous l’Ancien Régime que par les services de la garantie* créés après la Révolution de 1789. C’est une nécessité pour les orfèvres eux-mêmes, réunis en guildes, puis en corporations, à seule fin de se préserver de la fraude ou d’exactions de leurs propres membres, de nature à jeter un discrédit sur une production qui réclame plus de surveillance que toute autre. Byzance, Rome ont leurs corporations d’orfèvres, dont la réglementation concerne principalement l’exactitude du taux d’alliage et comporte des moyens d’identification de l’orfèvre, dont on peut ainsi contrôler l’honnêteté. Dans tous les pays d’Europe, grands producteurs d’orfèvrerie, les dirigeants, rois, princes, édictent les lois régissant les statuts et les productions des orfèvres. Philippe le Hardi, Philippe le Bel, Charles V, François Ier, mais surtout Louis XIV promulguent eux-mêmes des réglementations qui ont pour objet essentiel de préserver le bon aloi des pièces, de recueillir le produit d’un maximum de taxes, mais aussi de réglementer la profession. Tout y est prévu, l’apprentissage, le compagnonnage, la maîtrise, l’ouverture et la fermeture des boutiques, le travail obligatoirement exécuté à la vue du public, etc. Il en sera ainsi jusqu’en 1791, date de l’abolition des corporations. La loi du 19 brumaire an VI (9 nov. 1797) contient les principales dispositions qui régissent actuellement l’orfèvrerie. Elle y prescrit les proportions obligatoires des titres légaux, l’insculpation des différents poinçons, l’installation des bureaux de garantie en France, dont le nombre est fixé à deux cents et qui doivent comprendre un essayeur, un receveur et un contrôleur. Les orfèvres et les marchands d’orfèvrerie ont de multiples obligations. Ils doivent tenir des livres spéciaux paraphés par les autorités de police et constamment surveillés. L’importation, l’exportation ainsi que les mouvements de pièces d’orfèvrerie à l’intérieur des monts-de-piété et les ventes publiques font l’objet de dispositions rigoureusement appliquées. Un bureau spécial de la garantie est installé à l’Hôtel des ventes de Paris.


Situation de l’orfèvrerie

Si l’orfèvrerie est, d’une part, l’expression du développement du goût d’une époque, des dirigeants, d’un seigneur, d’un roi, elle témoigne, d’autre part, de leur politique guerrière, économique et sociale, dont elle partage les vicissitudes. L’histoire de l’orfèvrerie suit pas à pas celle des civilisations. Elle participe aux magnificences des monarques, des Églises, mais elle est entraînée presque irrémédiablement avec eux dans leurs revers ou leur chute. Elle accompagne obligatoirement la notoriété acquise ou recherchée, que ce soit celle du prince ou du bourgeois. Sous l’Ancien Régime, au xixe s. encore, la possession d’une orfèvrerie était indispensable à qui tenait à manifester son rang. Cette orfèvrerie se mesurait bien plus à la quantité qu’à la qualité. L’ensemble d’une orfèvrerie d’un total équivalant à 250 kg semblait en rapport avec la situation d’un cardinal ou d’un grand courtisan, mais, au-dessous d’une centaine de kilos, il paraissait bien modeste. L’orfèvrerie suit au plus près l’évolution de la vie quotidienne. Elle reflète d’une façon précieuse, en les matérialisant en or et en argent, le goût ainsi que les tendances des styles et des modes les plus passagères, ses formes et ses décors étant souvent en harmonie avec les audaces des grands ornemanistes et des créateurs de formes.