Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Oran (suite)

Région et fonctions

Rude mutation. Animée et dirigée par des capitaux privés européens, la ville des années 1950-1960 assurait la liaison administrative et surtout commerciale entre une métropole extérieure et une terre colonisée. Enfiévrée par l’afflux de la population, par les « affaires » industrielles et commerciales, par la spéculation immobilière, elle vivait de son port et de ses industries, de ses liaisons avec la France et avec un arrière-pays de création coloniale animé par la viticulture. Les relations et les activités de la ville et de la région doivent se reconstruire sur de nouvelles bases.

Le port a une importance réduite pour les trafics des passagers et des marchandises diverses (1,9 Mt). C’était jadis le grand port d’exportation des vins vers la France. Bien abrités vers l’ouest par le promontoire du djebel Murdjajo et par une rangée de digues, ses bassins se relient à un réseau de routes et de voies ferrées qui desservent tout l’Ouest algérien, particulièrement les plaines viticoles du Sahel d’Oran et de Mostaganem, les bassins intérieurs de Tlemcen, de Sidi-bel-Abbès et de Mascara, les plateaux plus lointains et plus arides de Saida et du Sersou. Aussi, le port exporte-t-il toujours principalement des produits agricoles et alimentaires (exportations : 0,8 Mt), alors qu’il importe surtout des produits d’équipement nécessaires à l’industrialisation de la région (importations : 1,1 Mt). À cette activité, il convient d’ajouter : le trafic de l’aéroport de La Senia, le deuxième d’Algérie, mais très loin derrière Alger (100 000 arrivées et départs en 1969) ; les possibilités militaires qu’offrent la rade et les installations de Mers el-Kébir, abritées derrière le djebel Santon ; enfin, des pêcheries, en déclin. Cependant, les petits ports de l’Oranais (Ghazaouet, Beni-Saf, Oran, Arzew, Mostaganem) continuent d’assurer plus de la moitié des prises des modestes pêcheries algériennes.

L’industrialisation avait été trop longtemps limitée au conditionnement ou à la transformation de produits alimentaires, particulièrement du vin. Cependant, d’assez importantes entreprises s’étaient installées à Oran à la fin de la période coloniale. Certaines appartiennent toujours au secteur privé, d’autres sont autogérées, mais les plus notables dépendent de grandes sociétés nationales à capitaux d’État. Oran se présente ainsi comme un centre industriel important et aux activités diversifiées. Les branches les mieux représentées sont actuellement la métallurgie (aciéries Acilor), la fabrication de produits légers en métal (couverts, coutellerie, tubes, mobilier métallique), la verrerie (importante usine fondée par Saint-Gobain et maintenant nationalisée), la fabrication de peintures et de caoutchouc (quatre usines), les productions alimentaires (laiterie, biscuiterie, brasserie-limonaderie, conserverie) et le textile (une dizaine de petites usines). Ces activités ne suffisent pas, cependant, à satisfaire les demandes du marché de l’emploi. De nouvelles créations seraient nécessaires. L’installation d’une usine de construction automobile est prévue.

La fonction régionale s’est peut-être plus profondément transformée encore que les autres. Le rôle administratif s’est plutôt rétracté depuis la subdivision des grands départements en départements plus réduits (wilayas). L’administration oranaise ne dirige plus de ses bureaux tout l’Ouest algérien. Elle partage ce rôle maintenant avec Mostaganem, Tlemcen, El-Asnam, Tiaret et Saida. Cependant, la ville est toujours bien une capitale régionale par certaines de ses activités administratives, par ses fonctions universitaire et bancaire, par son hôpital et ses médecins, par la présence d’un commerce de détail très actif et par les bureaux des grandes sociétés à capitaux d’État, qui ont pris le relais, avec quelques affaires privées, du négoce européen. Elle est toujours bien la métropole de l’Oranais, la seule ville comparable à Alger en ce domaine, avec cependant beaucoup moins de puissance. Surtout, l’Oranais modifie très sensiblement son profil économique. Celui-ci s’illustrait surtout jadis par les succès de la viticulture ; la vigne apparaît maintenant plutôt encombrante et vouée, au moins en partie, à l’arrachage ; des domaines autogérés remplacent le capitalisme rural des fermes européennes. Au contraire, l’industrie la plus moderne surgit là où elle était inexistante. Modeste port de pêche à moins de 50 km à l’est d’Oran, Arzew devint port d’exportation du pétrole dès la fin de la période coloniale. Alimenté depuis les gisements sahariens par gazoduc et oléoduc, équipé d’un centre de liquéfaction du gaz, ce port se classe maintenant au premier rang des ports algériens (avant Bejaïa) pour l’exportation des hydrocarbures : plus de 20 Mt de pétrole et de gaz ont ainsi quitté ses installations en 1970. L’industrialisation accompagne ce développement portuaire : un complexe pétrochimique (usine de liquéfaction, d’engrais et d’ammoniac, raffinerie) doit faire d’Arzew le complément d’Oran dans une métropole bicéphale.


Les quartiers et le site

Oran porte encore très profondément la marque de son passé européen. C’est un bel exemple de ville-champignon de l’époque coloniale. Le site, plein de grandeur et de beauté, n’est pas, cependant, sans inconvénient pour le développement urbain. À l’ouest s’élèvent au-dessus de 500 m les rudes pentes ravinées du djebel Murdjajo, qui abritent les formes d’habitat précaire des quartiers des Planteurs et de Ra’s al-‘Ayn (Ras el-Aïn). Près des plus vieux bassins, au pied de la colline, s’étendent les anciens quartiers de la Marine et de la Calère. Une falaise haute d’une centaine de mètres, escaladée par la route et la voie ferrée, sépare les installations portuaires de l’ancien centre européen, maintenant habité par une population à majorité algérienne, mais toujours vouée aux activités tertiaires, tandis que les densités restent très fortes dans les quartiers serrés de la Médina et de Médioni. Autour, vers le sud et vers l’est, accompagnant les tentacules des routes, se juxtaposent les extensions résidentielles, où se manifestent tous les contrastes de l’ancienne ségrégation, des beaux quartiers de pavillons ou d’immeubles modernes aux formes délabrées de l’habitat pauvre. Cependant, les bidonvilles les plus sinistres ont été rasés après l’indépendance. L’agglomération rejoint les anciens villages de colonisation aux limites de la campagne oranaise.

A. F.