Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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orage magnétique et aurore polaire (suite)

Orages mondiaux

On en distingue deux sortes : ceux à début brusque (symbole SSC dérivé de sa nomenclature anglo-saxonne Storm Sudden Commencement) et ceux à début progressif. Les premiers, en général plus intenses, ont lieu principalement au cours des années d’activité croissante du cycle solaire. Leurs débuts se présentent d’une façon aléatoire : ils suivent — avec un délai de un ou de deux jours — l’événement solaire (éruption chromosphérique), lui-même peu prévisible, reconnu comme origine du phénomène global. Citons l’observation historique de l’astronome Richard Christopher Carrington (1826-1875), qui, en 1859, constata pour la première fois le synchronisme entre l’éruption solaire et un petit accident, ou « crochet », présent sur les enregistrements magnétiques. Ce « crochet » est dû à une ionisation supplémentaire — au niveau de la basse ionosphère, couche D ou E — causée par un rayonnement ultraviolet émis par l’éruption ; le SSC et l’orage se présentent de un à trois jours plus tard quand les jets de plasma issus de l’éruption ont eu le temps de franchir — à une vitesse de l’ordre du millier de kilomètres par seconde — la distance Soleil-Terre. Notons aussi que des averses de protons rapides issus de l’éruption (« rayons cosmiques solaires ») peuvent atteindre l’ionosphère des régions polaires en des temps beaucoup plus courts (d’une demi-heure à quelques heures), y produisant des renforcements d’ionisation et des perturbations particulières (black-out radiopolaires), mesurés au moyen de « riomètres ».

Les orages à début progressif, surtout fréquents durant les années de décroissance d’activité du cycle solaire, forment des séries récurrentes, revenant ainsi jusqu’à six ou sept fois lors des rotations successives (d’environ 27 jours) du Soleil. Ils restent, en général, d’intensité moyenne. Leur mécanisme n’est pas foncièrement différent de celui des orages à début brusque, mais, comme on ne peut leur faire correspondre d’éruption solaire visible, on a fait l’hypothèse que les plasmas perturbateurs étaient émis par des « zones M » (nomenclature de Julius Bartels) de la surface solaire, d’activité moins intense et de plus longue durée que celle des éruptions causant les SSC.


Déroulement d’un orage mondial à début brusque

• Première phase. Après le SSC, qui se traduit par un accroissement rapide de la composante horizontale H, celle-ci reste supérieure à la normale pendant, en général, plusieurs heures. On admet que cette phase correspond à une compression générale de la magnétosphère sous la pression supplémentaire exercée — au sein du vent solaire — par les jets de plasma issus de l’éruption. Cette compression, transmise à travers la magnétosphère jusqu’à l’ionosphère sous la forme d’une onde de Alfvén* longitudinale, se transforme alors en courants électriques (ionosphériques) et en ondes électromagnétiques reçues au sol.

• Deuxième phase. L’augmentation précédente de H se transforme en une profonde diminution générale (centaines de gammas), à laquelle se superposent des décrochements (positifs ou négatifs), abrupts, intenses, erratiques, souvent accompagnés d’aurores. C’est la phase principale, la plus active, qui peut durer plusieurs jours. On l’explique par la pénétration de plasma solaire à l’intérieur même de la magnétosphère.

• Troisième phase. C’est une « relaxation » : le caractère perturbateur disparaît ; les valeurs moyennes du champ magnétique reprennent peu à peu (après plusieurs jours) leurs valeurs normales.


Orages partiels, orages polaires et magnétosphériques, baies magnétiques

Dans les régions de hautes latitudes (Nord ou Sud) apparaissent souvent des perturbations plus locales, relativement courtes (de une à trois heures), mais très intenses et pouvant se produire plusieurs fois par vingt-quatre heures. Ce sont les orages (ou sous-orages) polaires, encore appelés baies aurorales, et — plus récemment — orages (ou sous-orages) magnétosphériques. On admet que ces phénomènes sont dus à l’arrivée massive, au niveau de l’ionosphère, de flux de particules de plasma et d’ondes magnétodynamiques qui, au lieu d’être en provenance directe du Soleil, viendraient des zones d’instabilité présentes dans la magnétosphère de nuit, au-delà de la « plasmapause », notamment là où s’effectue un raccord complexe entre la queue de la magnétosphère*, d’orientation fixe par rapport à l’axe Soleil-Terre, et tout ce qui — à l’intérieur de la plasmapause — tourne avec la Terre (« plasmasphère »). C’est dans ces régions que les lignes de forces, considérablement allongées pour former la « queue » — ce qui est un stockage d’énergie potentielle —, libéreraient brusquement cette énergie par un processus de « reconnexion », avec raccourcissement et projection en direction du sol du plasma ainsi emprisonné.

L’interaction entre ce plasma, l’ionosphère et les particules neutres de la haute atmosphère serait donc à l’origine des orages et des aurores polaires. En fait, toute la magnétosphère de nuit et, à un moindre degré, celle de jour peuvent se trouver perturbées par ce type d’événements, soit par extension des effets magnétodynamiques, soit par des courants électriques « de retour » circulant dans l’ionosphère. On explique ainsi les « baies magnétiques » observables aux moyennes et basses latitudes, principalement aux cours des heures locales nocturnes. Quant au terme de sous-orage, il tient à la place que les phénomènes précédents occupent par rapport aux grands orages mondiaux, dont les plus intenses laissent reconnaître dans leur phase principale une succession de sous-orages dont les débuts coïncident en général avec les grands décrochements que nous avions signalés.


Aurores

Les phénomènes décrits précédemment, notamment ceux qui concernent les régions polaires, sont accompagnés presque toujours, durant leurs phases les plus actives, par des phénomènes lumineux — observables la nuit et parfois d’une grande beauté : aurores polaires (boréales ou australes). L’ensemble des régions géographiques où des aurores soient observables fréquemment forme les « zones aurorales » (Nord et Sud), limitées du côté des latitudes plus basses par les « ovales auroraux ». Ces ovales s’étendent vers les régions de moyennes latitudes chaque fois que le niveau d’agitation magnétique mondiale s’élève considérablement. Des aurores deviennent ainsi visibles jusqu’à des latitudes parfois très basses (de 30 à 40°) durant la phase principale des grands orages.