Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

opéra-comique (suite)

À partir du Consulat, alors que les fêtes civiques avaient disparu, l’opéra-comique prit un nouvel essor ; celui-ci redoubla pendant l’Empire, lorsqu’en réaction contre le « terrorisme musical » le public se tourna encore plus vers lui, au détriment du grand opéra. Après le retour des Bourbons, qui, en musique comme en politique, n’avaient rien appris ni rien oublié, les applaudissements les plus nourris furent réservés au Barbier de Séville de Rossini* ; cette œuvre renouait triomphalement avec l’opera buffa par-delà Mozart. On fit aussi bon accueil à des opéras-comiques français plus ou moins tributaires du maître italien, adulé dans toute l’Europe : l’Héritier de Paimpol (1816) de Charles Bochsa fils (1789-1856), le Muletier (1823) de Ferdinand Hérold (1791-1833) et surtout la Dame blanche (1825) de Boieldieu. Un mélange des genres — signe des temps ? — apparut à travers les deux derniers ouvrages d’Hérold, qui n’avaient plus de l’opéra-comique que le nom : Zampa (1831) et le Pré-aux-Clercs (1832). Il en fut de même de ceux d’Esprit Auber (la Muette de Portici, 1828). Avec ce musicien prolixe, l’opéra-comique se maintint par des empiétements croissants, parfois heureux, sur l’opéra. Ainsi, dans Manon Lescaut (1856) — dont on a surtout retenu l’air de l’éclat de rire comme « morceau de concours » ! —, la scène finale avec la mort de Manon est une véritable page d’opéra, émouvante et d’une musicalité plutôt rare chez ce compositeur.

Avec Adolphe Adam (1803-1856), l’opéra-comique s’engageait sur la voie de l’opérette, sans toutefois témoigner d’une fraîcheur aussi séduisante que les Noces de Jeannette (1853) de Victor Massé (1822-1884), qui précédèrent le Voyage en Chine (1865) et Maître Pathelin (1856) de François Bazin (1816-1878), les Dragons de Villars (1856) d’Aimé Maillart (1817-1871), pour ne citer que les succès les plus persistants du genre durant le second Empire. On préférera, certes, à ces derniers ouvrages la Colombe et surtout le Médecin malgré lui (1858) de Gounod*, dont les couplets bacchiques avec leurs plaisantes fausses notes ont une saveur préstravinskienne.

Le traditionnel opéra-comique français devait connaître une dernière renaissance avec Carmen (1873-74) de Bizet*, dont l’étourdissant quintette du deuxième acte avait pris leçon de Rossini et d’Offenbach*, lequel devait, à son tour, se souvenir des ensembles de Carmen dans les chœurs de ses Contes d’Hoffmann (posth., 1881). En 1872, Bizet avait déjà produit un acte, Djamileh, créé parallèlement à la Princesse jaune de Saint-Saëns* et au Passant d’Émile Paladilhe (1844-1926).

L’alternance du parlé et du chant devait être peu à peu abandonnée dans ce domaine, qui débordait toujours plus ou moins sur l’opéra. L’étranger s’était mis à la remorque de la France. Johann Strauss* se consacra à l’opérette selon les conseils d’Offenbach, à qui Smetana* déclarait avoir voulu « damer le pion » en composant sa Fiancée vendue (1866), le seul ouvrage lyrique qui ait franchi les frontières de la Bohême : cette réussite dans le genre léger, que devait confirmer le Baiser (1876), ne fut pas égalée par les opéras-comiques du Hongrois Ferenc Erkel (1810-1893) [Sarolta] ou du Polonais Stanisław Moniuszko (1819-1872) [Hrabina], ni par les œuvres légères allemandes ou autrichiennes de la seconde moitié du xixe s., dont certaines, comme celles de Franz von Suppé (1819-1895), pour une large part tributaires d’Auber, connurent une vogue mondiale.

Au seuil du xxe s., l’opéra-comique s’est plus ou moins confondu avec l’opérette, prenant souvent le nom de comédie musicale et optant pour un discours plus ou moins continu, qui n’excluait pas pour autant les morceaux parfaitement « détachables ». Puis il revint dans les années 20 à l’ancienne coupe en morceaux séparés. Éprouvant, sans doute, quelques difficultés à se renouveler, il se borna, en France surtout, à une littérature du pastiche (Du style galant au style méchant, opéras bouffes minutes de Germaine Tailleferre). Il eut pourtant ses chefs-d’œuvre, comme le Petit Navire (1951) de Germaine Tailleferre.

F. R.

➙ Opéra / Opéra bouffe / Opérette / Singspiel.

 G. Cucuel, les Créateurs de l’opéra-comique français (Alcan, 1914). / P. Druilhe, Monsigny (la Colombe, 1956). / J.-F. Paillard, la Musique française classique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960 ; 3e éd., 1973).

opérateurs de cinéma

Techniciens chargés de la prise de vues d’un film.


En studios comme en extérieurs, le chef opérateur (ou directeur de la photographie) est le technicien à qui incombe notamment l’éclairage des décors et des personnages d’un film. Il est également chargé du cadrage et de la composition plastique des images en accord avec le metteur en scène. D’une façon générale, il dirige une équipe comprenant : le premier opérateur (ou cadreur, ou encore cameraman), qui assure le réglage de la caméra selon les indications du metteur en scène et du chef opérateur ; l’assistant (ou pointeur, ou encore deuxième opérateur), qui surveille la mise au point selon les déplacements de la caméra et des comédiens ; le second assistant, qui est responsable du chargement de la pellicule et des travaux de laboratoire ; les travellingmen, enfin, qui poussent le chariot de la caméra en fonction des désirs du metteur en scène.

La composition d’une telle équipe n’est pas fixe et dépend en grande partie du budget du film en tournage. De même, le rôle du chef opérateur est plus ou moins important suivant que le metteur en scène a (ou n’a pas) des idées précises sur la qualité particulière qu’il veut donner aux images de son film.

Si les premiers opérateurs de cinéma se contentèrent d’enregistrer sur la pellicule ce qu’on leur demandait de montrer, le statut de directeur de la photographie se modifia sensiblement par la suite. C’est ainsi que les films de la période expressionniste et post-expressionniste du Cabinet du docteur Caligari à l’Ange bleu furent avant tout des films d’opérateurs, l’éclairage de ces œuvres étant de première importance quant à leur atmosphère. Plus tard, les grands studios de Hollywood imposèrent aux chefs opérateurs qu’ils avaient sous contrat un style propre à différencier un film issu de la Metro-Goldwyn-Mayer d’une bande produite par Paramount. De même, la plupart des grandes vedettes, surtout les comédiennes, eurent leur directeur de la photographie attitré, qui savait être incomparable pour la mise en valeur d’un profil, d’une mèche de cheveux, d’un regard. Ainsi, le mythe de Marlène Dietrich, celui de Garbo doivent beaucoup à Lee Garmes et à Bert Glennon pour la première, à William Daniels pour la seconde. Peu à peu, tel chef opérateur devint recherché pour ses qualités intimistes, tel autre pour son sens de l’espace en extérieurs, si bien que, parallèlement au progrès de la prise de vues, de la précision des objectifs, de la rapidité de la pellicule, les directeurs de la photographie ont progressivement quitté le terrain obscur de l’artisanat pour devenir les principaux collaborateurs des metteurs en scène (quand ils n’indiquent pas eux-mêmes la place de la caméra lorsque le réalisateur se désintéresse de la technique plastique pour se consacrer, par exemple, au travail avec les acteurs). Certains d’entre eux, parmi lesquels il faut citer Rudolph Maté aux États-Unis, Raoul Coutard en France, Jack Cardiff et Guy Green en Angleterre, ont d’ailleurs abordé la mise en scène.

J.-L. P. et M. G.

 Great Cameramen, numéro spécial de la revue Focus on Film (Londres, 1972).