Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

océan (suite)

Nature des végétaux

En mer, les végétaux sont représentés par :
— des formes fixées supérieures (Phanérogames ou plantes à fleurs : Zostères, Posidonies, etc.) [Varech*] ;
— des formes fixées inférieures (Cryptogames ou plantes sans fleurs : Algues* vertes, bleues, brunes et rouges) [Goémon] ;
— des formes libres flottantes macroscopiques (Algues : Sargasses*) ;
— des formes libres flottantes naines ou microscopiques (Algues : le phytoplancton).

Les formes fixées ne peuplent évidemment que les franges littorales. Les Sargasses sont concentrées en des espaces restreints. La grosse masse des végétaux marins (env. 90 p. 100) est constituée par le phytoplancton.

Les Diatomées* dominent dans les eaux froides et tempérées. Ce sont des végétaux verts typiques. Les Flagellés* abondent, sans obligatoirement dominer, dans les eaux chaudes. Ce sont des végétaux aberrants à biologie diverse, voire fluctuante. De toutes les formes phytoplanctoniques, les Diatomées sont de très loin les mieux connues. C’est à leur activité que se rapportent les mécanismes schématisés dans le cours de cet exposé.


Facteurs influant sur la photosynthèse

De nombreux facteurs influent sur la photosynthèse. Cependant, deux d’entre eux ont une action prépondérante : la lumière et la température.

• La lumière. Elle est indispensable, mais son excès n’est pas obligatoirement favorable. L’observation et l’expérience montrent en effet que, sous nos latitudes, en plein soleil, l’intensité lumineuse est en général au-dessus de sa valeur optimale, de sorte que la densité planctonique augmente à partir de la surface pour atteindre son maximum à quelques mètres en dessous. Plus profondément, en même temps que la densité diminue, l’activité photosynthétique ralentit de façon telle qu’à une certaine profondeur ses effets se trouvent exactement compensés par ceux de l’activité respiratoire. Il n’y a plus élaboration de matière. C’est ce qu’on appelle, à la suite de P. M. Jenkin (1937), la profondeur de compensation. Au-delà, les phénomènes de destruction l’emportent sur ceux d’édification. La production végétale des océans se limite donc à une couche relativement mince, connue sous le nom de couche euphotique.

La pénétration différentielle des raies du spectre solaire (fig. 1), son influence sur l’activité photosynthétique et l’étagement des végétaux, l’absorption d’énergie par le milieu, le pourcentage de cette énergie utilisé par le phytoplancton ont donné lieu à de nombreux travaux. On retiendra que, d’après les plus récentes études, l’optimum d’éclairement se situe entre 3 000 et 10 000 lux, la profondeur de compensation, dans nos régions et par beau temps, à une quarantaine de mètres (une centaine dans les basses latitudes), le pourcentage d’énergie utilisé par le phytoplancton, toujours dans nos régions, à 0,30 p. 100 :
bois et forêts, 0,16 p. 100 ;
terres cultivées, 0,13 p. 100 ;
déserts, 0,004 p. 100.

• La température. La chaleur intervient comme facteur limitant avec des températures au-dessus et au-dessous desquelles l’activité végétale est interrompue. Cela est particulièrement net dans les hautes latitudes, où les espèces survivent à l’état ralenti ou sous forme sporulée, pour se multiplier d’une façon spectaculaire lorsque les conditions propres à leur développement se trouvent rétablies. Dans l’intervalle de températures ouvert à la manifestation d’une vie active, il existe, comme pour la lumière, un optimum marqué par l’épanouissement généralisé de l’espèce à laquelle il correspond.


Nature et source des matières premières

Le gaz carbonique provient en partie de la respiration des êtres vivants (animaux et végétaux), en partie des échanges océan-atmosphère. Les sources occasionnelles auxquelles on pourrait penser, les phénomènes éruptifs par exemple, sont négligeables.

En dehors de cet élément primordial, les plus importants parmi les sels nutritifs dissous sont les nitrates et les phosphates. Ils peuvent être : soit d’origine terrestre, c’est-à-dire chariés à la mer par les fleuves qui y aboutissent ; soit d’origine marine, c’est-à-dire dérivés des matières organiques livrées à l’activité bactérienne. Dans un cas comme dans l’autre, les seules fractions utilisées sont celles qui se trouvent dans la zone de pénétration de la lumière. On conçoit que de très fortes réserves aient pu se constituer dans les couches sous-jacentes et que l’enrichissement des eaux de surface se fasse de bas en haut à l’occasion de phénomènes dynamiques, dont nous allons maintenant aborder l’examen.


Aspect dynamique du problème

Un océan statique serait un océan mort. D’abord parce que les couches profondes, dépourvues d’oxygène (la seule source est l’atmosphère, et le renouvellement est assuré par enfoncement de certaines eaux de surface : cascadings et convergences), ne pourraient plus entretenir aucune vie. Ensuite parce que les couches superficielles, rapidement à bout de leurs réserves en sels nutritifs, ne pourraient plus soutenir aucune population.

Heureusement, l’océan est un milieu dynamique. Les premières observations méthodiques et de longue durée sur le comportement des sels nutritifs ont eu lieu dans la Manche, où H. W. Harvey (1928) a mis en évidence un cycle saisonnier confirmé depuis par de nombreux travaux (fig. 2).

L’hiver est caractérisé par de fortes concentrations dans les eaux de surface, concentrations qui diminuent rapidement au printemps, tandis qu’on assiste à une croissance et à une multiplication brutales des Diatomées. En même temps, l’échauffement des niveaux supérieurs tend, par stratification densimétrique, à réduire les échanges entre les eaux de surface, chaudes et riches en phytoplancton, et les eaux de profondeur, froides, pauvres en végétation, mais encore riches en sels dissous. Le processus aboutit, par auto-accélération, à l’établissement d’un régime stable, dans lequel couches superficielles et couches profondes sont séparées par une frange de discontinuité à laquelle on a donné le nom de thermocline. Ce régime se poursuit en général pendant tout l’été, et il faut le brassage apporté par les tempêtes d’automne pour provoquer, à partir des niveaux sous-jacents, un réensemencement des couches de surfaces en éléments nutritifs. Une nouvelle floraison phytoplanctonique s’épanouit, bientôt limitée par la diminution d’intensité lumineuse et par la chute de température dues à l’approche de l’hiver. L’agitation marine s’amplifie, les pluies deviennent plus fréquentes, les fleuves grossissent, les apports terrigènes augmentent, les réserves de surface se reconstituent. C’est un cycle bouclé : on revient au point de départ (fig. 2 bis).

Tel est le schéma applicable aux mers de faible profondeur situées sous les moyennes et les hautes latitudes Nord.

Plus au sud, où la lumière et la chaleur sont toujours suffisantes pour assurer la continuité de la photosynthèse, le phénomène est plus régulier, sans période de repos, mais également sans période de pointe, de sorte que le bilan reste souvent inférieur à celui de nos régions.