Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nuers (suite)

Il n’y a pas de gouvernement, les tribus n’ont pas d’organisation commune ni d’administration centralisée ; cependant, il existe des « chefs à peau de léopard » (kuaar muon), mais ils jouent seulement un rôle de médiateurs ; leur pouvoir rituel s’exerce dans la vendetta, institution tribale et politique reconnue et réglementée. Les « hommes du bétail » (wut ghok) sont en relation rituelle avec le bétail. Les lignages nuers sont agnatiques (filiation par un ancêtre commun, par les mâles exclusivement). La société se divise en classes d’âge.

Les membres des classes d’âge les plus anciennes participent peu à la vie politique, et la hiérarchie sociale se fonde sur d’autres qualités. L’autorité manifeste des aînés (gaat twot ou enfant de taureau) n’est jamais précisée.

Les Nuers révèrent les esprits des fils des dieux du Ciel. Les prophètes (guk), possédés par l’un de ces esprits, ont parfois joué un important rôle d’opposition au gouvernement.

J. C.

 E. E. Evans-Pritchard, Nuer, a Description of the Modes of Livelihood and Political Institutions of a Nilotic People (Oxford, 1940 ; nouv. éd., New York, 1969 ; trad. fr. les Nuer, Gallimard, 1968).

nuisance

Tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, contribue à modifier le mode de vie des hommes et à en perturber fâcheusement les conditions d’existence.


Pendant longtemps, il a semblé qu’un problème comme celui des nuisances ne pouvait pas relever d’une analyse socio-économique. Cette exclusion du champ de l’analyse économique de tels phénomènes apparaît à travers les définitions du mot nuisance qui sont à l’heure actuelle couramment admises. En aucun cas, ces définitions ne font intervenir des éléments de caractère économique et social. Si le terme de nuisance implique une idée de préjudice, de gêne, de désagrément, ces notions échappent, en réalité, à une analyse économique précise.


Les deux notions : nuisance et pollution

La définition de la pollution repose sur des notions physiques, biologiques ou chimiques : c’est l’altération indésirable des caractères de l’air, du sol ou de l’eau, qui peut menacer, ou menace effectivement, la vie de l’homme ou celle d’autres espèces. Cette définition montre en premier lieu que la pollution n’est pas uniquement le fait de l’activité de l’homme. À côté des pollutions artificielles (pollution chimique ou radioactive par exemple) provoquées par des industries, il existe une pollution naturelle (pollution du sol par des agents biologiques pathogènes, par exemple). Par ailleurs, il s’agit d’une notion relative. Toute pollution n’est pas en elle-même source de préjudice : une qualité donnée de l’eau d’une rivière peut être suffisante pour une aciérie et ne pas l’être pour une usine de pâte à papier ou de transformation de produits agricoles. C’est la raison pour laquelle on détermine des critères de base pour les indices de pureté de l’air et des taux de pollution de l’eau incompatibles avec certaines utilisations.

Il faut remarquer, en conséquence, que le contenu de la notion de pollution est beaucoup plus objectif que celui de la notion de nuisance. En fait, il existe souvent une relation entre un fait de pollution et un fait de nuisance : une rivière polluée constitue une nuisance par ses odeurs nauséabondes et son aspect inesthétique. La pollution de l’air est une nuisance dans la mesure où elle enlaidit les sites et nécessite de ce fait des opérations de nettoyage coûteuses. Cependant, en raison même de la relativité de la pollution, il peut y avoir nuisance sans pollution : la publicité tapageuse le long des routes, la dégradation de sites par l’abus de constructions inesthétiques, le bruit des transistors sur la plage ou dans la forêt ne constituent pas des pollutions à proprement parler.


Analyse économique des nuisances

D’un point de vue économique, on n’hésite plus à considérer les nuisances comme le résultat d’un défaut de fonctionnement des économies contemporaines. Mais, bien que de nos jours l’air — surtout celui au-dessus des grandes villes — et l’eau doivent être de plus en plus considérés comme des ressources rares, de valeur élevée, il n’en demeure pas moins qu’ils ont toujours été qualifiés de biens libres parce que leur utilisation est gratuite et ne donne pas lieu au versement d’un prix*.

En fait, si l’air et l’eau sont des biens libres, c’est pour deux raisons. D’une part, le volume d’air (ou d’eau) disponible est supérieur à la somme des besoins individuels. D’autre part, il n’existe aucune institution sociale qui permette d’établir, à travers les mécanismes du marché* concurrentiel, un système de détermination des prix de ces ressources naturelles. Si cette lacune du marché n’existait pas, un utilisateur éventuel désirant se servir de l’air comme mode de rejet des résidus gazeux devrait payer un certain prix pour ce service. Un individu désirant se servir de l’air pour respirer devrait verser un prix approprié, comme il le fait pour sa nourriture. Il n’est guère possible ici de faire payer un certain prix pour une certaine utilisation.

La difficulté tient à deux caractéristiques de ces ressources particulières que sont l’eau et l’air. D’un côté, ce sont des biens qui « juridiquement appartiennent à personne et à tout le monde ». En d’autres termes, tout le monde peut, en théorie, accéder à ces biens sans que personne puisse s’y opposer. La consommation de chaque bien par chacun ne réduit guère la consommation du bien par tout autre. Ce premier caractère explique que l’on puisse imaginer de traiter l’air (ou l’eau) comme une décharge publique puisqu’il s’agit d’une propriété collective ou commune librement accessible à tous ceux qui souhaitent l’utiliser. D’autre part, l’air (ou l’eau) est un bien indivisible. Il est donc pratiquement impossible de mettre à la disposition de l’utilisateur la quantité précise correspondant à ses besoins. En conséquence, personne ne peut être exclu de l’usage de la ressource puisqu’il n’y a aucun prix à payer. Du fait que joue une impossibilité d’exclusion, rien ne s’oppose à ce que la ressource soit dilapidée par les utilisateurs. La détérioration de l’environnement a alors lieu en quelque sorte mécaniquement parce que la ressource est mal ou excessivement utilisée : les biens libres et sans prix, du même coup, sont des biens mis en état de pillage involontaire.