Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Noverre (Jean Georges)

Danseur, chorégraphe et écrivain de la danse français (Paris 1727 - Saint-Germain-en-Laye 1810).


Personnalité la plus marquante de l’histoire de la danse et du ballet du xviiie s., Noverre fut en partie méconnu par ses contemporains, et ce n’est qu’après le début du xxe s. que son œuvre de réformateur prit toute sa signification. Publiées à Lyon et à Stuttgart, et traduites dans le monde entier, ses Lettres sur la danse et sur les ballets (1760) constituent l’élément capital qui a présidé à l’évolution des structures et de l’esthétique de la danse. Noverre est considéré comme le créateur du ballet* d’action.

Élève du « grand Dupré » (1697-1774), il fait de timides débuts en 1743 à la foire Saint-Laurent et à la cour de Fontainebleau. Il part ensuite pour la cour de Prusse, où le danseur et maître de ballet Jean Barthélemy Lany (1718-1786) constitue un corps de ballet, puis voyage en Allemagne, où il restera jusqu’en 1747, date à laquelle on le retrouve à Dresde. Rentré en France, il est à l’Opéra-Comique (1749) ; il y donne sa première chorégraphie (les Fêtes chinoises), après avoir dansé à Strasbourg, à Marseille et à Lyon. Maître de ballet à l’Opéra-Comique (1754), il crée la Fontaine de jouvence et y remonte ses Fêtes chinoises (décors de François Boucher [1703-1770], costumes de Louis René Boquet ou Bocquet [1717-1814]), qui connaissent le succès.

Appelé à Londres (1755-1757) par l’acteur anglais David Garrick (1717-1779), directeur du Drury Lane, qui l’avait remarqué à Paris, il se lie d’amitié avec lui et subit manifestement son influence d’homme de théâtre, comme, d’ailleurs, il avait subi celle de Marie Sallé (1707-1756), danseuse de grand talent. Les circonstances politiques (guerre de Sept Ans) font qu’il rentre en France plus tôt que prévu. Noverre est alors considéré par Garrick comme le « Shakespeare de la danse ». L’Opéra de Paris, qui n’est pas prêt à accepter ses réformes ni à patronner ses innovations, lui refuse, malgré l’appui de Mme de Pompadour, le poste de maître de ballet qu’il sollicite. Noverre retourne à Lyon, où il déploie une activité intense (1758-59) et où il rédige ses célèbres Lettres. Pour toucher le public, il insère quelques-unes de ses pensées dans les programmes qui présentent ses ballets (Renaud et Armide, les Caprices de Galatée, les Jalousies ou les Fêtes du sérail).

L’année de la publication des Lettres, qui font sensation dans les milieux lettrés de l’époque, mais qui sont rejetées par les danseurs, il se rend à Stuttgart, où l’a engagé le duc Charles Eugène de Wurtemberg, mécène acquis aux idées nouvelles. Là, il trouve un climat propice aux innovations et rencontre peintres et musiciens, avec lesquels il va collaborer. De plus, il dispose de moyens financiers dépassant toutes ses espérances (cela, toutefois, aux dépens du peuple wurtembergeois, mécontent). Il retrouve les décorateurs Boquet et Giovanni Niccolo Servandoni (1695-1766), les danseurs Jean Dauberval (1742-1806), qui sera son élève, Charles Le Picq (ou Lepicq) [1749-1806], qui remontera ses ballets en Europe, et Gaétan Vestris*, créateur du rôle de Jason dans son Médée et Jason (1763).

Ce sont vraiment ses premiers grands ballets d’action qui voient le jour à Stuttgart. À partir de 1767, Noverre est à Vienne, où il collabore avec Gluck* (les Horaces, Iphigénie en Tauride, Alceste), puis, en 1774, à Milan, où il succède à Gasparo Angiolini (1731-1803), qui sera bientôt son adversaire acharné, revendiquant en son nom et en celui de son maître Franz Hilferding (1710-1768) la paternité du ballet d’action.

Noverre voyage toujours, mais ne rêve que de Paris et de son Opéra, où Vestris triomphe avec son Médée et Jason. À Vienne, Marie-Antoinette a été son élève. Vestris ayant atteint le moment de la retraite, la reine fait appel à Noverre pour le remplacer (1776). Maximilien Gardel (1741-1787) et Dauberval, qui, l’un et l’autre, briguent le poste, fomentent une cabale avec la Guimard (1743-1816), que Noverre supporte mal. Le public parisien, habitué aux modifications que les danseurs avaient enfin apportées à la tradition, ne trouve pas originales les idées de Noverre et préfère les versions de ses œuvres adaptées par Gardel et Dauberval. Les grandes œuvres qu’il remonte subissent des demi-échecs ou ne remportent que des demi-succès. Sa veine créatrice s’éteint alors, et Noverre se contente de reprendre ses anciennes œuvres, si l’on excepte toutefois le ballet qu’il règle sur les Petits Riens que Mozart écrit lors de son second passage à Paris (1778). Il quitte l’Opéra, laissant la place à ceux qui avaient collaboré pendant cinq ans avec lui sans jamais l’accepter.

À la Révolution, il se réfugie en Angleterre et monte son Iphigénie en Aulide au King’s Theatre de Londres et remporte un éclatant succès, qui est un de ses derniers. De retour en France, il se retire à Saint-Germain-en-Laye, où il vit d’une modeste pension qui lui avait été allouée avant son départ pour l’Angleterre.

Homme de génie, auteur de cent cinquante ballets, Noverre n’a jamais considéré la virtuosité comme une fin en soi. Il a toujours donné la priorité à l’expression dramatique, à la pantomime sur l’exécution. Ses réformes en matière de costumes et de mise en scène ont donné un autre sens et une nouvelle dimension à la danse.

H. H.

Novgorod

V. de l’U. R. S. S. (R. S. F. S. de Russie), au sud-sud-est de Leningrad ; 128 000 hab.


Construite sur les rives du Volkhov, au débouché septentrional du lac Ilmen en un point où confluent les deux routes fluviales qui, par la Volga jusqu’au milieu du ixe s., par le Dniepr ensuite, permettent aux Scandinaves empruntant la voie du golfe de Finlande, de la Neva et du lac Ladoga de gagner Byzance, Novgorod (« la ville neuve ») est dès l’origine un bourg commercial fortifié par les Slaves occidentaux, les Slovènes.

Dès le début du ixe s., une classe de marchands y participe au commerce international sous l’impulsion des Khazars. Tombée sous l’autorité des Varègues, qui ont implanté des colonies marchandes et militaires autour des lacs Ladoga et Ilmen afin d’établir des relations commerciales faciles et fructueuses entre la Baltique et la mer Noire, Novgorod la Grande (Holmgardhr) devient dès lors, avec son avant-poste de Staraïa Ladoga, l’un de leurs principaux points d’appui en pays slave. Les Varègues, temporairement chassés par les Slovènes, qui refusent de leur verser le tribut traditionnel, sont rappelés par ces derniers dès 859 (ou 862). Incapables, en effet, de se gouverner eux-mêmes, ils se placent alors volontairement, selon la Chronique des temps passés dite de Nestor, sous l’autorité de princes de cette ethnie minoritaire, mais assez forte pour jeter les bases institutionnelles du premier État russe : la principauté de Novgorod, dont le fondateur, Riourik († 879), est également, par l’intermédiaire d’Oleg, souche de la dynastie des Riourikovitch, qui règne sur Kiev, puis sur Moscou de 882? au xvie s.