Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Nord-Pas-de-Calais (suite)

Les hauteurs du sud sont essentiellement formées de craie crétacée : elles constituent l’extrémité soulevée du Bassin parisien. Au nord, les bas pays sont faits de sables et d’argiles tertiaires ; c’est le début du bassin de la mer du Nord ou encore du delta du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut, région plus basse, plus humide, où la voie d’eau joue un rôle prépondérant, où la mer pénètre (ou a pénétré) profondément.

Il s’agit donc d’un contact entre deux milieux naturels différents, contact physique auquel se superposent des contacts humains. Région de contacts, c’est, pour une première approche, la meilleure définition du Nord-Pas-de-Calais.

Le Nord-Pas-de-Calais, par la géographie physique, constitue seulement la « bordure méridionale » du delta du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut. Les grands fleuves qui drainent l’Europe occidentale et jalonnent les aires de fort peuplement rejoignent la mer plus au Nord, à partir d’Anvers. La Région n’a que de petits cours d’eau : Lys, cours supérieur de l’Escaut, et ils coulent du S.-O. vers le N.-E., c’est-à-dire vers les bas pays, vers la Belgique. La frontière franco-belge est perpendiculaire à cette direction et a toujours contrecarré les orientations vers le nord (Gand ou Anvers). En tant que Région française, le Nord-Pas-de-Calais tendrait plutôt à se construire selon des axes N.-O. - S.-.E., parallèles à la frontière. Ces axes peuvent s’appuyer sur deux éléments naturels : au sud, le rebord crayeux de l’Artois, qu’utilisa la voie romaine et que vont reprendre l’autoroute et les trains à grande vitesse (T. G. V.), et une dépression qui borde l’Artois et qui va de Calais-Dunkerque à Mons et se poursuit ensuite par le sillon Sambre-Meuse ; elle est utilisée par le canal à grand gabarit mer-Escaut.

Bordure méridionale du delta, le Nord-Pas-de-Calais est une région où le socle de roches primaires est encore proche de la surface et, au pied de l’Artois, il possède un bassin houiller qui fut un atout capital.

Il a été recouvert lors des glaciations quaternaires par plusieurs mètres d’un limon fertile. Cette conjonction du bassin houiller et du limon fertile est l’explication de cette bande de riches régions qui se suivent jusqu’en Allemagne, où on leur donne le nom de « Börde ». Mais le Nord est de plus l’endroit où la Börde arrive à la mer. C’est le dernier trait spécifique de la Région et peut-être, pour les prochaines années, son meilleur atout.

Les côtes sont variées : basses et bordées de grandes plages et de dunes au sud et au nord ; bordées de falaises qui alternent avec des plages dans le Boulonnais et se hissent aux caps Gris-Nez ou Blanc-Nez. Le littoral est pourvu de sites portuaires naturels : des bancs de sable, subparallèles à la côte, ferment des rades vastes et sûres ; Dunkerque a une rade naturelle longue de plus de 10 km. Les profondeurs d’eau de 25 m, nécessaires pour les navires de 250 000 tpl, ou celles de 35 m, nécessaires pour les navires de 500 000 tpl, atteignent encore le littoral à hauteur de Calais et de Dunkerque, mais s’en écartent de plus en plus vers le nord ; il suffit d’un chenal de 2 km pour conduire des navires de 320 000 t à Dunkerque en 1974-75, alors qu’il faut déjà un chenal de 15 km pour mener des navires de 250 000 tpl à Rotterdam. De plus, la Région est le plus proche endroit pour passer en Angleterre, avantage qui permet de tirer vers le sud les axes de circulation au moment où doit être construit le tunnel sous la Manche, point de départ d’un réseau autoroutier et de ces trains à grande vitesse dont on attend une véritable révolution.

Le nom même de la Région manque de chaleur. Cependant, la moyenne du mois le plus froid est de 0,9 °C à Cambrai, de 3,8 °C à Dunkerque, de 5 °C à Boulogne ; il n’y a que 9 jours de neige, en moyenne par an, à Dunkerque. Cette ville ne reçoit que 641 mm d’eau par an, moins que beaucoup de villes méditerranéennes. La Région en moyenne en reçoit un peu plus : de 600 à 700 mm ; jusqu’à 800 mm dans l’Avesnois et 900 à 1 000 mm sur les plus hauts points de l’Artois. Mais le nombre de jours de pluies est élevé, il pleut environ un jour sur deux à Lille.


La population


La démographie

La Région était déjà très peuplée au Moyen Âge, et déjà célèbre par ses villes drapantes, son agriculture et son commerce. Le charbon est ensuite venu donner un nouvel essor. Au xixe s., ce fut une véritable explosion démographique : 1 270 000 habitants en 1801, 3 030 000 en 1911. La natalité était forte, et cependant il fallut faire appel à l’immigration ; des Belges d’abord, qui formèrent notamment l’essentiel de Roubaix et de Tourcoing et qui, ensuite, restant chez eux, passèrent la frontière uniquement pour venir travailler (frontaliers). Dans l’entre-deux-guerres vinrent des Polonais, surtout dans le bassin houiller. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on a fait appel à des Méditerranéens.

Mais la situation de cette population laisse souvent à désirer. La mortalité et surtout la mortalité infantile y sont encore supérieures à la moyenne française ; l’état des logements, la consommation d’électricité des particuliers, le nombre de voitures par habitant classent la Région dans les derniers rangs. On déplore également la sous-scolarisation et l’insuffisance de formation professionnelle. De gros efforts sont en cours, mais il reste à faire.

D’autre part, le bilan démographique, favorable jusqu’à ces dernières années, s’est détérioré. Certes, le nombre de jeunes est important : 36 p. 100 de la population ont moins de vingt ans, et l’accroissement naturel est plus élevé que la moyenne française. Mais la population de la Région augmente moins vite que celle de la France depuis 1950. La croissance urbaine française est en moyenne de 2 à 2,5 p. 100 par an, double de celle de la métropole lilloise. Le bilan migratoire est devenu négatif.


Les contacts humains

C’est donc essentiellement une région de contacts : contact entre les hauts pays de craie et les bas pays de sables et d’argiles du delta, mais aussi entre les densités de ce delta, qui vont de 100 à plus de 1 000 et celles, très inférieures en moyenne, du reste de la France. C’est encore le contact entre deux civilisations agraires : l’habitat est groupé au sud ; au nord, les fermes se dispersent. Au sud, ce sont les langues romanes, le picard, le wallon, les noms de lieu se terminent par y ou par court ; au nord, les noms de lieu se terminent par hem ou zeele, et, si le néerlandais n’est parlé qu’au-delà de la frontière belge, le flamand était (et reste encore) employé dans la partie nord-ouest de la région.