Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Nicolas II (suite)

 A. A. Noskov, Nicolas II inconnu (Plon, 1920). / P. Gilliard, Treize Années à la cour de Russie (Payot, 1921). / S. P. Melgunov, le Destin de l’empereur Nicolas II jusqu’à sa destitution (en russe, la Renaissance, Paris, 1951). / C. de Grünwald, le Tsar Nicolas II (Berger-Levrault, 1965). / R. K. Massie, Nicolas and Alexandra (New York, 1967 ; trad. fr. Nicolas II et Alexandra, Stock, 1969).

Nicolas (grand-duc)

En russe Nikolaï Nikolaïevitch Romanov, général russe (Saint-Pétersbourg 1856 - Antibes 1929).


Petit-fils du tsar Nicolas Ier et fils du grand-duc Nicolas, frère d’Alexandre II et d’une grande duchesse d’Oldenburg, il entre très jeune à l’académie militaire de Saint-Pétersbourg et fait ses premières armes comme cavalier en 1877 lors de la guerre contre les Turcs, où son père commande les forces russes. Promu inspecteur général de la cavalerie en 1895, il occupe ce poste pendant dix ans avant de présider de 1905 à 1908 le comité de défense nationale. En 1907, il épouse la princesse Anastasie de Montenegro et, quand éclate la crise de juillet 1914, où il milite aussitôt pour le soutien de la Serbie, il est à la tête de la région militaire de Petrograd et commande la garde impériale. Très hostile aux influences allemandes, c’est un ardent représentant de la tendance panslaviste qui verrait volontiers un protectorat russe s’établir dans les Balkans. Bien qu’il ait accompli en 1912 une importante mission en France, il n’est pas appelé à participer à la mise au point du plan de campagne de l’état-major impérial. Aussi sa situation est-elle délicate quand, à la dernière minute, le 2 août 1914, le tsar le désigne comme commandant en chef. Âgé de 58 ans, « maigre comme un squelette, haut comme un gratte-ciel américain, le grand-duc Nicolas avait la mâle physionomie d’un bel entraîneur d’hommes » (R. Poincaré). « On l’aimait et on le redoutait à la fois, écrit Broussilov*, mais sa trop tardive désignation comme généralissime fut accueillie par l’armée avec une grande satisfaction. »

Chargé d’exécuter un plan auquel il est étranger avec un état-major qui lui est imposé, le commandant en chef marque par sa première directive datée du 10 août 1914 sa volonté de soutenir au maximum les Français en attaquant les Allemands en Prusse-Orientale dès le 13 août, c’est-à-dire avant que la mobilisation ne soit achevée. Après le succès de l’armée Rennenkampf à Gumbinnen (auj. Goussev), le 20 août, c’est le sacrifice de la IIe armée russe, détruite à Tannenberg (26-29 août) et dont le chef, le général Samsonov, se suicide dans des circonstances dramatiques. Au sud, toutefois, le grand-duc, qui a installé le 16 août son quartier général à Baranovitchi, remporte deux remarquables victoires contre les Autrichiens, l’une à Lemberg (Lvov) le 3 septembre, l’autre à Łódź, enlevé le 30 octobre. Au début de novembre, les Russes menacent les frontières allemandes de Silésie, de Posnanie et de Prusse : ils y attirent une quarantaine de divisions allemandes, contraignant ainsi l’état-major allemand à arrêter l’offensive des Flandres et à accepter provisoirement la guerre sur deux fronts, ce qu’il voulait à tout prix éviter. L’année 1915 débute par une victoire russe à Przemyśl (22 mars), célébrée avec ferveur : le grand-duc reçoit le tsar dans la place, où 120 000 Autrichiens ont dû capituler. En mai débouche la violente offensive allemande qui perce le front russe à Gorlice, reconquiert la Galicie et, conduite par 60 divisions, s’étend au cours de l’été à la Pologne entière et aux pays baltes. Le grand-duc Nicolas, qui transfère en août son quartier général à Moguilev, réussit avec peine à replier d’environ 250 km l’ensemble des armées russes sur une ligne joignant l’ouest de Riga à la frontière roumaine.

L’ampleur de cette défaite est vivement ressentie à Pétrograd. En mai, le néfaste ministre de la Guerre, Soukhomlinov, qui vouait une haine personnelle au généralissime, fut enfin destitué. Mais, au cours de l’été, les relations de ce dernier avec la Cour devinrent de plus en plus tendues. Désirant récompenser les meilleurs de ses soldats, qui, mal équipés et très insuffisamment armés, s’étaient battus dans des conditions effroyables, le grand-duc avait demandé au tsar que des terres leur soient attribuées. Cependant, le prestige et la popularité du grand-duc étaient peu appréciés en haut lieu, notamment de la tsarine et de Raspoutine. Ne racontait-on pas qu’à ce dernier, qui avait demandé à visiter le front, le grand-duc avait fait répondre : « Viens, je te ferai pendre ! » Aussi, dans le désarroi et l’atmosphère de complots qui régnaient à Petrograd, les adversaires du généralissime, profitant des revers de l’été 1915, réussirent à persuader le tsar de prendre personnellement le commandement de ses armées. Malgré l’intervention des Alliés, le grand-duc Nicolas fut nommé en septembre à Tiflis vice-roi du Caucase et commandant du front méridional contre les Turcs, où il allait encore durant dix-huit mois faire la preuve de ses qualités de chef. Assisté du général Nikolaï Nikolaïevitch Ioudenitch (1862-1933), il remporte en 1916 les victoires d’Erzurum (févr.), Bitlis (mars) et Trébizonde (avr.). À plusieurs reprises, il tente, au cours de cette année, d’éclairer son neveu, le tsar Nicolas II, perdu par son entourage. Avant d’abdiquer, celui-ci rend le commandement suprême au grand-duc Nicolas, qui accepte et jure même fidélité au gouvernement provisoire (mars 1917) ; mais, à son arrivée à Petrograd et en dépit de l’intervention des Alliés, le prince Lvov (1861-1925) lui demande sa démission. Le grand-duc se retire alors dans son château de Yalta, où il n’échappe que de justesse aux troubles de 1918. L’arrivée des Alliés en Crimée lui permettra de gagner la France en avril 1919. Il vivra dans la retraite au château de Choigny (Seine-et-Marne) et rejoindra en 1928 son frère, le grand-duc Pierre, dans une villa du cap d’Antibes. Avec lui disparaissait le dernier grand chef de l’ancienne Russie.

P. D.

➙ Guerre mondiale (Première).