Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nice (suite)

Site et situation

Enserrée entre la montagne et la mer, la ville a conquis une plaine cernée d’une série de hauteurs : coteaux du Var à l’ouest, collines de Cimiez, anticlinal du mont Alban - mont Boron à l’est, encadrant la plaine alluviale du Paillon anciennement parsemée de ruisseaux (désormais couverts) qui évacuaient les eaux vers la baie des Anges et servaient de chemins de desserte une bonne partie de l’année. Les calcaires d’âge jurassique sont à l’origine des reliefs orientaux, alors que les coteaux dominant le Var sont des lanières de poudingues découpées par des ravins marquant l’ancien delta pliocène qui a accumulé une masse importante de cailloutis ; le delta actuel, une ancienne huerta gagnée par drainage et assainissement, a permis l’implantation de l’aéroport.

La situation de la ville, excentrée dans le territoire national, longtemps mal reliée à l’Italie voisine, est médiocre entre un littoral découpé (a priori favorable au cabotage, mais n’ayant pas engendré un commerce actif) et un arrière-pays peu praticable, monde cloisonné par les reliefs proches de la mer. Deux coupures cependant offraient des conditions inégales, celle de la vallée du Var, un fleuve méditerranéen (donc répulsif par ses crues soudaines et les divagations de son cours), et celle du Paillon, qui, au contraire, ménageait un débouché à la région piémontaise.

R. D. et R. F.


L’histoire

Des Ligures occupaient Cimiez au ve s. av. J.-C. quand des Grecs venant de Phocée (Marseille) fondèrent Nikê, ou Nikaia, « pour se défendre — selon Strabon — contre les Barbares du voisinage et garder la mer libre ». En 154 av. J.-C., les Romains firent passer par Cimiez la via Julia et ils organisèrent en 14 une circonscription administrative, ébauche du futur département des Alpes-Maritimes, mais la ville resta rattachée à Marseille. Après la chute de l’Empire, elle connut une longue période d’insécurité du fait des raids sarrasins.

Au xiiie s., Nice, appelée « Cap de Provensa », est une modeste cité administrée par un consulat de nobles et de marchands sous l’autorité du comte de Provence.

À la suite de l’assassinat (1382) de la reine Jeanne Ire d’Anjou, comtesse de Provence, par son neveu Charles de Durazzo, la maison d’Anjou hérite de la Provence, mais ne parvient pas à dominer la région qui s’étend de Barcelonnette à Nice et qui est tenue par les bandes de Jean Grimaldi, baron de Beuil, représentant de Duras. Plutôt que de dépendre d’Anjou, Grimaldi appelle la maison de Savoie, qui ne demande qu’à atteindre la mer, et, le 28 septembre 1388, Nice se rend au comte Amédée VII de Savoie.

Au xvie s., la ville forme le comté de Nice avec la viguerie de Lantosque, la Tinée, le bailliage de Barcelonnette et le comté de Vintimille, territoires acquis depuis le xive s. par la maison de Savoie. Désormais, Nice est un port solidement fortifié. En 1538, le pape Paul III, qui y séjourne, tente en vain de faire signer une trêve à Charles Quint et François Ier. En 1543, les Turcs débarquent et donnent l’assaut. C’est alors, d’après la légende, qu’une femme du peuple, Catherine Ségurane, galvanise les défenseurs et, couteau au poing, se précipite sur les assaillants. Les Turcs s’emparent de la ville, mais se heurtent à la résistance acharnée de la forteresse située au sommet de la ville haute et se retirent.

Plus heureux, les Français de Catinat l’emportent en 1691, mais, comme le duc de Savoie quitte la ligue d’Augsbourg en 1696, Nice lui revient. Pendant la guerre de la Succession d’Espagne, le duc de Berwick prend Nice en 1706 et rase ses remparts en exécution de l’ordre de Louis XIV, contre lequel Vauban s’est élevé. Un an plus tard, Impériaux et Piémontais refoulent les Français.

Louis XV dispute Nice à la maison de Savoie (qui a la royauté de Sardaigne depuis 1720) au cours de la guerre de la Succession d’Autriche, la prend, puis la restitue en 1748 à la paix d’Aix-la-Chapelle.

Cependant, les activités maritimes niçoises se sont fortement développées et le roi Charles-Emmanuel II entreprend la construction d’un nouveau port entre le château et le mont Boron. La monarchie sarde fonde aussi un collège universitaire, embellit la ville d’une place à arcades (aujourd’hui place Garibaldi), ouvre la route de Nice à Coni.

Occupée par les troupes françaises en 1792, Nice est rattachée à la France, et le comté devient le département des Alpes-Maritimes. Bonaparte y réside en 1793 comme capitaine au 4e régiment d’artillerie, puis comme général de brigade en 1794. Le 9 thermidor, il y est arrêté. Nice lui servira de base pour sa campagne d’Italie de 1796. Les Impériaux étant entrés dans la ville, Suchet les chasse le 29 mai 1800. Après l’abdication de Napoléon Ier, elle retourne au gouvernement de Turin. Celui-ci, désormais, s’intéresse davantage à Gênes. Cependant, de 1814 à 1860, il réalise d’importants aménagements urbains : place Masséna, promenade du château, boulevards. Les Anglais, qui avaient mis à la mode les séjours d’hiver sur la côte à la fin du xviiie s., reviennent au lendemain de l’Empire, suivis de riches Français, Russes, Italiens, Allemands, Suisses et même Américains.

Le plébiscite du 16 avril 1860, consécutif à l’intervention française aux côtés du Piémont contre l’Autriche, décide par 27 000 oui sur 27 348 votants le rattachement du comté de Nice à la France à l’exception de Tende et La Brigue. À Nice même, on a dénombré 6 810 oui pour 11 non. Le 14 juin 1860, les troupes françaises entrent dans la ville, dont Napoléon III et l’impératrice Eugénie reçoivent les clés. Une période faste, qui durera jusqu’en 1914, commence alors pour Nice. Le maire Malaussena entreprend entre 1860 et 1870 des travaux considérables avec l’appui actif et généreux du gouvernement impérial : ouverture des avenues du Prince-Impérial (Victoria), qui relie le centre à la gare, Promenade des Anglais, construction de grands palaces qui accueilleront tant de rois et la plus riche clientèle touristique mondiale qui ait, sans doute, jamais existé. Capitale incontestée de la Côte d’Azur, Nice connaîtra encore après la Première Guerre mondiale une très brillante période, puis, avec l’évolution des mœurs, elle s’ouvrira au grand tourisme qui n’est plus seulement celui des grands.

J. P.