Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

névrose (suite)

L’extension des théories psychanalytiques freudiennes a conduit de nombreux psychiatres à admettre la psychogenèse pure des névroses, donc une thérapeutique essentiellement psychothérapique d’inspiration ou de technique analytique : les symptômes et les comportements névrotiques dériveraient de conflits précoces et inconscients entravant le développement de la personnalité. Dans toute névrose s’observeraient des régressions ou des fixations du développement psychosexuel (oral, anal, phallique et œdipien).

D’autres conceptions sont venues s’ajouter ou s’opposer aux apports psychanalytiques, notamment les théories du conditionnement des névroses de Pavlov* fondées sur l’expérimentation animale et certains modèles neurophysiologiques. L’étude des réflexes conditionnés dans leurs aspects les plus subtils fournira peut-être une explication à la genèse de certains symptômes névrotiques. Sur un plan plus pratique et immédiat, de nombreuses études thérapeutiques sont en cours, visant à appliquer aux névroses des méthodes de déconditionnement (Hans Jurgen Eysenck et d’autres auteurs anglo-saxons).

Ajoutons qu’il ne faut pas négliger l’importance des facteurs sociaux, culturels et celle de l’environnement. Il n’est pas douteux que les conditions modernes de la vie urbaine favorisent ce que l’on appelle les décompensations névrotiques. D’abondants travaux psychosociologiques accusent ces conditions de vie de créer artificiellement des névroses ou des pseudo-névroses dites « de situation ». En fait, il est plus exact de dire qu’elles favorisent l’expression anormale de symptômes psychiques ou psychosomatiques chez des sujets prédisposés ou fragiles.


Les différentes variétés de névroses

Une névrose classique se définit en principe par un caractère ou une personnalité pathologique, un terrain spécial, d’une part, et des symptômes spécifiques, d’autre part, qui sont plus ou moins graves ou gênants pour le malade.

• La névrose d’angoisse associe des attaques répétées d’angoisse aiguë à un fond de personnalité dite « anxieuse ».

• La névrose obsessionnelle associe des obsessions multiples, des compulsions, des rites, des vérifications morbides à une personnalité dite « obsessionnelle » ou « anale ». Sa parente proche, la psychasthénie, décrite par Janet (scrupules excessifs, indécision, asthénie psychique et physique, souci inutile du détail, rendement intellectuel ou professionnel médiocre, sans rapport avec le niveau réel du sujet), est actuellement injustement négligée par la tendance psychanalytique.

• La névrose phobique associe des phobies (des craintes) de personnes, d’objets, de lieux, de situation ou d’impulsion à une personnalité hyper-émotive phobique.

• La névrose hystérique associe des manifestations somatiques caractéristiques, dites « de conversion », à une personnalité de type hystérique.

• La névrose hypocondriaque associe des sensations corporelles anormales (cenestopathies) sans aucun signe objectif à des idées tenaces concernant une ou des maladies « imaginaires ». Cette notion de névrose hypocondriaque recouvre en pratique des faits disparates et mériterait d’être remaniée.

• La neurasthénie — entité classique du xixe s. — est tombée en désuétude dans les classifications psychiatriques modernes ; on lui substitue la psychasthénie, la dépression asthénique constitutionnelle, la névrose dite « asthénique ». Certaines formes autrefois rangées sous le terme de neurasthénie appartiennent en fait à l’hystérie.

• La dépression névrotique n’est pas considérée comme une névrose structurée ; néanmoins, certains auteurs ont proposé de l’ériger en entité autonome pour des raisons de fréquence et de symptomatologie purement dépressive, sans névrose évidente préalable à l’état dépressif.

• Les névroses d’organe, ou névroses psychosomatiques, se définissent théoriquement par des signes exclusivement somatiques (corporels), sans anomalie importante du psychisme, du moins au niveau conscient. En réalité, il est fréquent de reconnaître derrière les troubles observés un état dépressif latent, une anxiété, des troubles de l’adaptation socio-familiale. La plupart des névroses caractérisées s’accompagnent de symptômes physiques divers. D’autre part, le terme de névrose d’organe sous-entend trop souvent dans l’esprit de quelques psychologues que la maladie — ulcère duodénal, asthme, dermatoses diverses, colites, hypertension artérielle, etc. — a comme cause principale un trouble psychique inconscient. Il s’agit là d’une conception erronée. L’élément neuropsychique n’est que l’une des multiples causes possibles et mal connues encore : facteur génétique, désordre biochimique cellulaire, trouble immunologique.

• Ajoutons aux catégories précédentes les névroses traumatiques, ou réactions névrotiques aiguës, qui forment un groupe spécial de maladies psychiques accidentelles dans la vie de l’individu. Elles sont directement déclenchées par un événement objectivement dramatique et catastrophique, donc un choc affectif violent et grave : guerre, bombardement, déportation, revers de fortune, accident de véhicules de transport, agression directe contre la personne, deuils multiples dans des circonstances tragiques, etc. Ces névroses traumatiques surviennent chez des personnalités normales ou simplement sensibles ou émotives. Il est évident que l’importance de l’événement traumatisant et la solidité de l’équilibre neuropsychique antérieur se mêlent étroitement pour expliquer la plus ou moins grande intensité des désordres mentaux observés. Certains individus résistent ou récupèrent bien ; d’autres sont écrasés, désorganisés et ne s’améliorent que très longtemps après le choc.

• Citons, pour terminer, quelques névroses un peu spéciales par leur symptomatologie et plus ou moins artificiellement isolées : névrose d’échec ou de destin, névrose de rente ou de préjudice (sinistrose à forme névrotique), névrose impulsive, anorexie mentale non psychotique, etc.