Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arabie (suite)

Les Nabatéens

Les Nabatéens dominent un territoire s’étendant du golfe d’‘Aqaba à la mer Morte et englobant une bonne partie du Hedjaz septentrional. Le premier roi connu, Arétas Ier (Ḥārithat), est mentionné en 169 av. J.-C., et sa capitale est Pétra, dans l’actuel royaume de Jordanie. Le royaume nabatéen entretient de bons rapports avec les Romains. En 25-24 av. J.-C., il constitue une base pour l’expédition envoyée par Auguste sous la conduite du préfet d’Égypte Aelius Gallus pour conquérir le Yémen. Cette entreprise, qui vise la domination de la route commerciale vers l’Inde, se solde par un échec. En 106 apr. J.-C., Trajan convertit le royaume nabatéen en province romaine d’Arabie. La décadence de Pétra va profiter à Palmyre, qui devient une étape commerciale importante.


Le royaume de Palmyre

Au iiie s. apr. J.-C. apparaît la principauté de Palmyre, dans le désert arabo-syrien. Son titulaire, Odenath, aide les Romains contre les Perses, et obtient en guise de récompense la reconnaissance de son État par Gallien. Après sa mort, sa femme Zénobie se prétend la reine de la majeure partie du Proche-Orient et fait proclamer césar auguste son fils Vaballath. Cela amène en 272 l’intervention de l’empereur Aurélien, qui arrête Zénobie, l’envoie à Rome, chargée de chaînes d’or, puis occupe Palmyre et saccage la ville.


L’Arabie à la veille de l’islām

Entre le ive et le vie s., l’Arabie connaît une période de déclin. Les civilisations florissantes comme celle du Yémen dépérissent et tombent sous la domination étrangère.

Pendant cette période qui précède l’avènement de l’islām, le système tribal bédouin constitue le trait dominant de la population, particulièrement en Arabie centrale et septentrionale. La société est divisée en tribus, associations fondées sur les liens du sang, dont les membres doivent se prêter une assistance mutuelle. À la tête de la tribu, le cheikh, élu par les anciens et assisté par le madjlis — conseil composé de chefs de famille et de représentants des clans —, arbitre plus qu’il ne commande, à la lumière de la sunna, ou usages des ancêtres. Condamnées à s’entre-tuer pour vivre sur ces terres le plus souvent stériles, les tribus se sentent pourtant quelque peu apparentées. Elles parlent la même langue, l’arabe, soigneusement conservée par la poésie, qui exerce sur les Bédouins une influence irrésistible. Elles professent la même religion, forme de paganisme fondée sur l’adoration d’êtres vivant, selon la tradition, dans les arbres, les fontaines et surtout dans les pierres sacrées. Mais tous ces dieux sont subordonnés à une déité supérieure, généralement appelée Allāh.


La Mecque : une république marchande

Grâce à ces points communs, les nomades sont parvenus à fonder, surtout au Hedjaz, des villes dont la plus importante est La Mecque. Ils y transposent leur système d’organisation politique et leur religion. Dans la ville, chaque clan conserve son madjlis et sa propre pierre sacrée. Mais la réunion de l’ensemble des pierres dans un sanctuaire central — construction cubique connue sous le nom de la Ka‘ba — traduit l’unité de tous les clans de La Mecque, où un conseil appelé Malā’, choisi par les madjlis des clans, remplace le madjlis tribal. À la veille de l’islām, le Malā’ est dominé par une oligarchie régnante, sorte de bourgeoisie marchande, qui entretient, grâce au commerce, des rapports suivis avec le monde persan et byzantin. L’Arabie n’est donc pas isolée du reste du monde, et les courants culturels et religieux parviennent jusque dans le désert. Les religions chrétienne et juive connaissent beaucoup d’adeptes dans la péninsule, et notamment à Nadjrān, dans l’Arabie méridionale, et à Yathrib, plus tard appelée Médine. Par ailleurs, sur les frontières de Syrie et d’Iraq, deux États arabes, Rhassān et Ḥīra, vassaux respectivement de Byzance et de la Perse, sont chrétiens — le premier monophysite, le second nestorien — et imprégnés d’une culture araméenne et hellénique qui s’infiltre dans une certaine mesure dans le reste de l’Arabie.

Dans la seconde moitié du vie s., ces contacts avec l’extérieur se développent considérablement. Gêné par les guerres entre les empires byzantin et perse et par le désordre égyptien, le commerce entre la Méditerranée et l’Extrême-Orient abandonne la route de l’Euphrate au golfe Persique et celle de la vallée du Nil vers la mer Rouge, pour reprendre celle de l’Arabie occidentale. La Mecque saisit cette occasion pour devenir une importante communauté marchande, grâce à la tribu Quraych, venue d’Arabie septentrionale et installée depuis peu dans cette cité. Très entreprenants, les Quraychites dirigent de grosses opérations de négoce et entretiennent des rapports commerciaux avec Byzance, la Perse et l’Éthiopie. Une puissante aristocratie marchande se constitue ainsi.


L’islām et l’unité de l’Arabie

Telle est la situation de l’Arabie à la naissance de Mahomet*, vers 570 apr. J.-C., à La Mecque, dans une famille quraychite qui n’appartient pas à l’oligarchie dominante. C’est au début du viie s. que le fondateur de l’islām* commence sa prédication. Il se propose d’unir l’Arabie autour d’une nouvelle religion, de tirer les tribus de l’anarchie et des guerres fratricides, et de consacrer leur énergie à la propagation de l’islām. Très vite, l’aristocratie marchande de La Mecque se dresse contre Mahomet, qui recrute ses adeptes essentiellement parmi les petites gens. En 622, le Prophète doit quitter La Mecque pour Yathrib, devenue alors sous le nom de Médine le centre de l’islām. Il constitue, à partir de cette ville, une importante communauté, l’umma, régie par l’islām et ouverte à tous les musulmans. En 630, le nouvel État est assez puissant pour occuper La Mecque, restée, comme avant l’islām, un centre de pèlerinage et d’affaires. À sa mort, en 632, Mahomet laisse une communauté et un État bien organisés et armés, dont le pouvoir et le prestige exercent en Arabie une action dominante.