Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Néolithique (suite)

Vers le VIe millénaire, la céramique apparaît en Iran, en Turquie (Çatal höyük), en Syrie (Ras Shamra). Elle fait preuve aussitôt d’une grande diversité : poterie peinte irako-iranienne, poterie noire lustrée de Syrie du Nord et d’Anatolie, poterie imprimée de la côte méditerranéenne. La Palestine, cependant, évolue plus lentement : Jéricho ignore la poterie, mais développe l’architecture (la maison rectangulaire se substitue au plan circulaire) et l’industrie lithique.

L’apogée du Néolithique oriental, situé à la moitié du VIe millénaire, se manifeste par un développement intensif de l’agriculture et de la céramique : en Iraq (Hassuna), en Iran (Sialk I), en Syrie (Ras Shamra), au Liban (Byblos) et en Turquie (Hacilar).

Aux alentours du Ve millénaire, les quelques objets de cuivre martelé (zone nord du Croissant fertile) ne marquent pas encore la rupture avec le Néolithique. Ces premières phases du Chalcolithique (ou Énéolithique) s’épanouissent avec la prospère culture d’Halaf, dont la céramique polychrome connaît un rayonnement considérable de l’Iran jusqu’à la Syrie. Les bases économiques sont alors bien assises, la fabrication de textiles se développe et on perçoit quelques tentatives d’urbanisme (rues pavées de galets d’Arpachyah). La culture d’el-Obeïd qui lui succède vers 4300 av. J.-C. marque la fin du Néolithique au Moyen-Orient.

Le Chalcolithique palestinien (ghassoulien) révèle un léger retard par rapport aux cultures précédentes. Là aussi, malgré les instruments de cuivre, l’outillage lithique conserve une place prépondérante (herminettes, tranchants de faucilles, perçoirs).


Le Néolithique européen

Venant d’Asie Mineure, les nouveaux modes de production gagnent l’Europe à travers la mer Égée. On peut discerner deux grands mouvements d’expansion : l’un s’avançant en Méditerranée par la voie maritime, puis remontant le long des côtes atlantiques, l’autre pénétrant l’Europe en suivant le cours des grands fleuves, tels que le Danube et le Rhin. Ces deux courants se rejoignent en Europe occidentale. L’apparition du Néolithique provient soit des cultures épipaléolithiques ou mésolithiques, stimulées par l’apport de nouvelles techniques (courant méditerranéen), soit d’une colonisation liée au nomadisme agricole (courant danubien). Les premiers niveaux de ce Néolithique ancien remontent au Ve millénaire. Dès le Néolithique moyen apparaissent de nombreuses variétés locales qui atteindront une très grande diversité au Néolithique final et au Chalcolithique.


Les Balkans

Les Balkans ont constitué une sorte de tête de pont de l’expansion néolithique. Le retard du Néolithique thessalien fut très peu sensible par rapport au Moyen-Orient : la diffusion se serait donc opérée rapidement. Le Néolithique ancien est divisé en deux phases : le proto-Sesklo (maisons de briques crues, poteries polies et peintes de motifs en lignes brisées) et le pré-Sesklo (coulée d’argile liquide sur la céramique). L’élevage s’appuie sur la chèvre et le mouton ainsi que sur le bœuf et le porc. La « culture de Sesklo » caractérise le Néolithique moyen (fin du VIe et Ve millénaire). Les constructions sont rectangulaires, en briques crues, et reposent sur des fondations de pierre. Des objets en os et des herminettes polies caractérisent l’outillage. Le Néolithique récent de Dimini (ou Dhimínion), de la fin du Ve millénaire et du début du IVe, révèle une nouvelle organisation sociale au travers des constructions « mégaron » (maison rectangulaire dotée d’un vestibule et d’un foyer central, et dont la façade est ouverte). Les motifs de céramique consistent en spirales et méandres proches de la culture de Starčevo-Körös.


Le courant danubien

La culture de Starčevo-Körös (fin du VIe millénaire-Ve millénaire) possède des affinités évidentes avec les cultures thessaliennes précédentes et semble être à l’origine des traditions danubiennes. La diffusion s’opère le long du Danube et de ses affluents. On distingue généralement trois phases : Danubien I, II et III. Le Danubien I, ou « rubané » (en raison des compositions spiralées du décor céramique), comprend de grands bâtiments rectangulaires à charpente de bois groupés en villages d’agriculteurs (blé et orge) et d’éleveurs (mouton, chèvre, bœuf, porc et chien). L’agriculture reste semi-nomade (Bylany). L’homogénéité de ce faciès est attestée de l’Ukraine à la vallée du Rhin (culture omalienne).

Le Danubien II, ou « poinçonné » (en raison du décor céramique exécuté au poinçon), connaît de nombreuses variétés locales : Roessen, Hinkelstein, Lengyel, Michelsberg, Tisza, etc. Il se situe au IVe millénaire, et son influence est sensible en Europe occidentale. Les constructions, en bois, adoptent un plan trapézoïdal, et leur taille se réduit par rapport à celles de la phase précédente : la maison individuelle remplace peu à peu la demeure collective. D’autre part, l’agriculture devient intensive, et le rôle de l’élevage s’accroît nettement.

Le Danubien III (fin du IIIe millénaire, début du IIe) correspond à la phase finale du Néolithique. Les cultures sont alors très diversifiées ; signalons les groupes de Bodrogkeresztúr (haches plates et alênes de cuivre) et de Jordanów, au sud de Cracovie (grandes habitations de rondins à plan trapézoïdal).

La « culture de Tripolie », près de Kiev (de 3000 à 1700 av. J.-C.), caractérise le Néolithique ukrainien. Les bâtiments (plan barlong), à charpente de bois et aux murs de pisé, sont disposés en cercle sur des buttes. L’agriculture repose sur le blé, l’orge et le millet ; l’élevage, sur le bœuf, la chèvre, le mouton et le cheval. La céramique comprend des figurines féminines et des maquettes d’habitations. La phase finale tend vers une forme de nomadisme pastoral.


Le courant méditerranéen

On remarque une répartition discontinue du Néolithique le long des rives de la Méditerranée, signe d’une diffusion par voie maritime. Ce Néolithique ancien est caractérisé par une poterie décorée avec des impressions de coquillages, en particulier le cardium, d’où le nom de cardial souvent employé pour qualifier ce courant de propagation. Cette poterie se manifeste en Sicile, dans le sud-est et le nord-ouest de l’Italie, au sud de la France. Le long du littoral espagnol, ce courant prend le nom de « montserratien ». Il est enfin sensible en Afrique du Nord. Les niveaux anciens remontent au Ve millénaire. Le mouton était vraisemblablement domestiqué, et des meules attestent l’existence de l’agriculture. L’industrie associée est la même que celle des prédécesseurs mésolithiques ou épipaléolithiques. La poterie cardiale évolue parallèlement aux autres cultures plus récentes et se poursuit jusqu’au Chalcolithique.

Succédant au courant cardial, une céramique très supérieure remonte de la Méditerranée vers la Suisse et l’est de la France. Cette poterie, fine et bien cuite, confère une certaine unité au groupe « Cortaillod-Chassey-Lagozza ».