Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

naturalisme (suite)

 L. Deffoux, le Naturalisme (les Œuvres représentatives, 1929). / P. Cogny, le Naturalisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 2e éd., 1959). / J. H. Bornecane et P. Cogny, Réalisme et naturalisme, l’histoire, la doctrine, les œuvres (Hachette, 1958). / E. Zola, Œuvres critiques, t. X, XI, XII des Œuvres complètes (Cercle du livre précieux, 1966-1970). / P. Martino, le Naturalisme français (A. Colin, coll. « U 2 », 1969).


Le naturalisme musical

La création le 18 juin 1891 du premier opéra d’Alfred Bruneau (1857-1934), le Rêve, inspiré d’un roman de Zola* fut unanimement ressentie comme une date « non seulement dans les progrès de la musique mais dans les idées contemporaines » (Henry Bauër). Ce « drame musical » peut être regardé comme un « premier et remarquable monument de l’adaptation au drame français des découvertes allemandes » (V. d’Indy). Il sonnait le réveil définitif d’un art lyrique après seize ans d’évolution indécise, stagnante même depuis la mort brutale de Bizet* survenue au lendemain de Carmen (1873-74). La rencontre de Zola avec Alfred Bruneau, jeune prix de Rome et ancien élève de Massenet*, devait être providentielle. Zola allait suivre attentivement l’élaboration du livret du Rêve, confié à Louis Gallet (1835-1898). Il participera de plus près encore à la mise au point de celui de l’Attaque du moulin (1893), également versifié par Gallet. Seul des « soirées de Médan » à encourager la pénétration des idées naturalistes dans le domaine musical, Zola s’était intéressé aux problèmes du drame lyrique en France. Dès le 7 juin 1891, avant même que le rideau ne se lève sur le Rêve, il confiait à Auguste Germain, de l’Écho de Paris : « Je n’ai aucune velléité de versifier. Les livrets que j’écrirai seront en prose rythmée, une tentative qui reste à faire et qui, je crois, ne manquera pas d’intérêt. Donc à deux ou trois ans mes débuts de librettiste. » Il tint parole : au seuil de 1894, il soumettait à Bruneau son premier « poème lyrique » en prose, Lazare (qui ne sera mis en musique qu’à l’automne 1902, après la mort du romancier ; l’ouvrage, demeuré inédit, attendra 1957 pour connaître sa première exécution radiophonique).

Dès 1894, Bruneau compose un opéra sur un texte en prose de Zola, Messidor, dont la création à l’Opéra, le 15 février 1897, marquera le triomphe de la prose dans le livret, des thèmes contemporains, même chargés de symboles, dans le sujet. La collaboration Zola-Bruneau se poursuit avec l’Ouragan, créé à l’Opéra-Comique en 1901. Mais cette création avait été précédée, en 1900, de celle de Louise de Gustave Charpentier (1860-1956), qui marquait le plus durable triomphe de l’opéra naturaliste. L’émule avait distancé l’initiateur. Il faut en attribuer la cause, bien sûr, à la qualité supérieure du livret signé du compositeur, mais dû, en fait, à Saint-Pol Roux. Dans un décor réaliste — la butte Montmartre —, des problèmes d’actualité — comme l’émancipation de la femme — y étaient traités sans surcharge symbolique. La musique était soigneusement mûrie et élaborée par un élève de Massenet qui s’était déjà fait applaudir au concert avec sa suite Impressions d’Italie (1891) et ses mélodies avec orchestre. Gustave Charpentier donna alors toute sa mesure, et Julien (1913), qui devait constituer la suite de Louise, n’obtint qu’un succès d’estime. Il était difficile, après Louise, de suivre encore la même voie, fût-on Alfred Bruneau. Et l’Enfant-Roi, terminé en 1902, avant la mort de Zola, mais représenté seulement en 1905, souffrit d’autant plus du voisinage de Louise que le sujet lui était étroitement apparenté.

Après la mort de Zola (1902), Bruneau se tournera encore vers l’œuvre de ce romancier : une pièce avec musique de scène d’après la Faute de l’abbé Mouret (1907), deux actes d’après Naïs Micoulin (1907) et les Quatre Journées (1916), « conte lyrique » d’après un des Nouveaux Contes à Ninon. À cette date, le naturalisme lyrique aura vécu. La même voie avait été empruntée par d’autres compositeurs, mais aucun ne s’y était maintenu, tels Alexandre Georges (1850-1938) avec Miarka (1905), Xavier Leroux (1863-1919) avec le Chemineau (1907) et le Carillonneur (1913), Camille Erlanger (1863-1919) avec le Juif polonais (1900) et l’Aube rouge (1912), qui met en scène des nihilistes russes prêts à abattre le tsar, tout comme Sonia (1913) de Philippe Gaubert (1879-1941). Gabriel Dupont (1878-1914) avec la Cabrera (1904) et la Glu (1907) et Raoul Laparra (1876-1943) avec la Habanera (1908) comptent parmi les très rares musiciens français qui aient réellement subi l’impact du vérisme italien.

F. R.

➙ Livret d’opéra et d’opéra-comique / Opéra / Puccini (Giacomo) / Vérisme musical / Zola (Émile).

 J. Huret, Tout yeux, tout oreilles (Fasquelle, 1901). / E. Destranges, Messidor, d’Alfred Bruneau. Étude analytique et thématique (Fischbacher, 1897) ; l’Ouragan, d’Alfred Bruneau. Étude analytique et thématique (Fischbacher, 1902) ; l’Enfant-Roi, drame lyrique. Étude analytique et thématique (Fischbacher, 1906) ; Naïs Micoulin, d’Alfred Bruneau. Étude analytique et thématique (Fischbacher, 1908). / A. Himonet, Louise, de Gustave Charpentier (Mellotée, 1922). / M. Delmas, Gustave Charpentier et le lyrisme français (Delagrave, 1931). / A. Bruneau, À l’ombre d’un grand cœur, souvenirs d’une collaboration (Fasquelle, 1932). / A. Boschot, la Vie et les œuvres d’Alfred Bruneau (Fasquelle, 1937). / E. Berteaux, En ce temps-là, souvenirs (Au Bateau ivre, 1946).

nature morte

Représentation, généralement picturale ou graphique, d’animaux morts, de fruits, de légumes et de fleurs ainsi que de tous objets inanimés ; genre artistique regroupant ces représentations.


L’expression nature morte, qui n’est usuelle en France que depuis Diderot*, à peu près, a pris un sens sur lequel on s’entend assez bien, encore qu’elle soit assurément impropre et, en somme, peu flatteuse. Des écrivains soucieux d’une certaine poésie ont voulu lui substituer, par analogie avec l’allemand Stilleben et l’anglais still life, l’expression vie silencieuse, qui n’est probablement pas une traduction fort exacte et qui n’a pas eu grand succès. On a parlé aussi d’une « peinture d’objets », de ces objets inanimés auxquels le poète attribue une âme. Mieux vaut sans doute, comme on le faisait encore au xviie s., se borner à citer les catégories d’objets dont il s’agit : nourritures terrestres, mobilier, accessoires et instruments divers. Il faut distinguer en outre les natures mortes qui forment à elles seules le tableau de celles qui n’en sont qu’un élément. De la nature morte, on peut sans doute distinguer le trompe-l’œil, œuvre exécutée de telle façon que les objets y donnent pour le spectateur l’impression du relief. En réalité, le trompe-l’œil a dû accompagner constamment la nature morte. Les récits semi-légendaires des auteurs anciens sur les peintres Zeuxis et Parrhasios semblent bien montrer que leurs ouvrages les plus célèbres avaient ce caractère.