Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

national-socialisme (suite)

Il existe des liens entre paysans et aristocratie, car une élite vraie est liée à une famille et non à des individus. Elle se prépare par une longue hérédité. Malheureusement, la noblesse allemande est en décadence, car elle s’est muée en caste et urbanisée. Il faut donc que le IIIe Reich recrée une noblesse. Darré souhaite la création de domaines héréditaires (Erbhof) et fait une longue étude de ce que devrait être le Führerblut.

Toutes ces idées développées par Darré, Rosenberg ou d’autres sont orchestrées par Mein Kampf. Adolf Hitler glorifie dès les premières pages de son livre Germains et vrais Allemands contre les Habsbourg, qui ont contribué à dégermaniser des terres allemandes. Exaltant la nation, il lutte contre toutes les Internationales, juive, marxiste, catholique, quitte, d’ailleurs, à imiter leurs principes d’organisation. Il y a des liens très nets entre les structures du parti nazi et celles du parti communiste de l’Union soviétique. De même, Hitler ne cache pas son admiration pour l’organisation et la discipline jésuites. Critiquant le parlementarisme, il défend le Führerprinzip. Si l’on veut avoir les masses avec soi, dit-il, il faut s’occuper d’elles. Miséreuses et livrées à elles-mêmes, elles rêvent de socialisme international ; guidées par des chefs, elles se laissent nationaliser. Ce n’est pas difficile, car elles ont l’esprit de camaraderie, de solidarité, de sacrifice. Elles aiment l’intolérance et la brutalité. Le chef, c’est le plus fort qui mène le jeu, et le Führer, c’est le chef suprême. Il est le reflet du Volkstum. Il incarne le rythme et le style de vie du Volk. « Le chef est au peuple ce que la conscience est à l’inconscience. » Il doit s’appuyer sur une institution qui dépende de lui, et le modèle pour Hitler est l’ordre Teutonique, ordre masculin hiérarchisé. Hitler écrira dans Mein Kampf : « Malheur aux nations qui détournent la femme de sa mission naturelle. »

Le Führerstaat s’identifie au Volksstaat. C’est le parti unique qui doit être le fondement d’un gouvernement. L’État est une communauté d’êtres vivants, égaux, gouvernés par les meilleurs ; il lui faut faire une place importante à la jeunesse et à l’éducation, mais toujours sous la responsabilité du chef. L’État doit être centralisé pour que les directives du chef soient bien comprises de tous : comme le rappelle la devise Ein Volk. Ein Reich. Ein Führer. Dans cet État national-socialiste, on peut transformer la bureaucratie et la mettre au service du peuple. À ce peuple ne peuvent appartenir que les Allemands, et tous doivent obéir à leur Führer. Tels sont les principes que, dès son arrivée au pouvoir, le 30 janvier 1933, Hitler va appliquer.


La mise au pas et l’organisation de l’État national-socialiste

Le gouvernement constitué par Hitler est un gouvernement de coalition du type le plus traditionnel. Outre Hitler, il ne comporte que deux ministres nationaux-socialistes : Wilhelm Frick (1877-1946) et Hermann Göring (1893-1946). L’un est ministre de l’Intérieur du Reich et le restera jusqu’en 1943, l’autre ministre du Reich sans portefeuille, commissaire du Reich en Prusse et commissaire du Reich à l’aviation. Dès le 1er février, toute la police allemande est contrôlée par les nazis. Aux autres postes sont nommés des sympathisants, qui très vite se convertiront au national-socialisme et qui, pour la plupart, resteront ministres pendant la plus grande partie du régime : Johann Ludwig Schwerin von Krosigk aux Finances, Konstantin von Neurath (1873-1956) aux Affaires étrangères, qui, après 1938, tout en demeurant ministre sans portefeuille, sera Haut-Protecteur en Bohême-Moravie (à partir de mars 1939). À la tête de la Reichswehr et du ministère de la Guerre se trouve le général Werner von Blomberg (1878-1946), qui restera ministre jusqu’en 1938. Les autres ministres sont des nationaux-allemands : Alfred Hugenberg (1865-1951), le magnat de la presse, qui détient tous les portefeuilles économiques, mais qui se retirera dès juillet 1933, et le chef des Casques d’acier, Franz Seldte (1882-1947), ministre du Travail, poste qu’il conservera jusqu’en mai 1945.

Dès le 1er février, Hitler fait dissoudre le Reichstag par Hindenburg*, « afin que le peuple puisse prendre position devant le nouveau gouvernement de concentration nationale ». Les élections sont fixées au 5 mars. Le 6 février, le commissaire du Reich en Prusse, Göring, se voit attribuer les pouvoirs du ministère prussien. Aussitôt après, le Landtag de Prusse est dissous. Dans le Reich, désormais, les nazis possèdent des pouvoirs considérables. Frick et Göring épurent leurs administrations respectives et prennent en main la police. En Prusse, Göring fait de la SA une véritable police auxiliaire et donne ordre à l’ensemble des forces de police de favoriser le mouvement nazi et de lutter, au besoin par les armes, contre l’agitation marxiste. Utilisant avec maestria tous les pouvoirs que lui donne la Constitution, en particulier l’article 48, Hitler fait promulguer par Hindenburg une ordonnance (4 févr.) qui autorise le gouvernement à interdire les réunions publiques, à suspendre les journaux, à prendre « toute mesure qu’il jugerait salutaire ». Dès lors, les nazis disposent de tous les moyens pour lutter contre les marxistes. Mais il n’est pas encore possible de dissoudre le parti communiste.

Le 27 février, le Reichstag brûle, très vraisemblablement incendié par les nazis. Un communiste hollandais est arrêté sur les lieux, et cela sert de prétexte à une lutte très vive contre les communistes. Plusieurs milliers de dirigeants sont arrêtés, la presse marxiste est interdite, les sièges du parti sont occupés. Le 28 février, une ordonnance suspend les droits fondamentaux, et, le 1er mars, un autre texte décide d’assimiler à la haute trahison l’incitation à la grève. La gauche est disloquée, et aucune réaction ne se produit.

Le 5 mars, les élections se déroulent. Les communistes perdent un million de voix, mais les sociaux-démocrates se maintiennent et gagnent des sièges. La situation est analogue pour le centre, qui progresse en voix et en sièges. Les nationaux-socialistes et les nationaux-allemands sont les grands vainqueurs de cette consultation. Les nazis gagnent 6 millions de voix et près de 100 sièges. Ils ont 288 sièges sur 647 députés, mais communistes, socialistes et populistes arrivent à grouper 208 députés, le centre et les partis apparentés en ayant 96. Les nationaux-socialistes, à eux seuls, n’ont pas la majorité absolue, mais ils l’ont très largement avec les nationaux-allemands. Leur position est renforcée par la mise hors la loi du parti communiste au lendemain des élections. En effet, le parti est dissous, et Hitler dispose désormais de pouvoirs considérables.