Explorateur et homme politique norvégien (Store-Fröen, près d’Oslo, 1861 - Lysaker 1930).
Fils d’un juriste, Nansen est élevé à la dure, dans une ambiance sportive : à dix-huit ans, il est champion du monde de patinage de vitesse. Mais il est également doué pour la peinture et entreprend des études de zoologie. Les recherches d’Adolf Erik Nordenskjöld (1832-1901) au Groenland l’incitent à faire la première traversée de l’inlandsis avec cinq compagnons, d’est, en ouest, vers le 65e parallèle (1888). L’hivernage à Godthaab lui permet de faire la connaissance des Esquimaux et de juger la désastreuse influence des Européens, qui a entraîné leur décadence : « Les vrais amis de l’humanité ne s’uniront-ils pas contre ces criants abus, contre cette façon scandaleuse dont nous agissons à l’égard des autres civilisations et des autres croyances ? »
La dérive en 1881 de la Jeannette, le navire de l’Américain George Washington De Long, amène Nansen à projeter l’approche du pôle Nord en utilisant les mouvements naturels de la banquise. Sa traversée du Groenland a été un succès ; aussi peut-il obtenir une subvention qui lui permet de faire construire le Fram (« En avant ! »), destiné à être pris par les glaces. Parti le 24 juin 1893, le navire se fait bloquer en août dans la mer de Kara, par 77° 44′ de latitude. Mais la dérive sera bien trop lente : au bout de seize mois, on n’a progressé que de 360 milles vers le nord-ouest. Aussi, avec un seul compagnon, Nansen entreprend-il un raid en traîneaux le 14 mars 1895, vers le pôle. Le 8 avril, il atteint 86° 14′ : il est, pour un temps, l’explorateur qui s’est le plus approché du pôle. Mais il lui faut revenir, à grand-peine, vers l’archipel François-Joseph, où il hiverne dans une cabane de pierre, vivant de la chasse aux ours. En juin 1896, enfin, il rencontre l’explorateur anglais Frederick George Jackson (1860-1938) : le navire qui ravitaillait ce dernier ramènera Nansen en Norvège. Le Fram, de son côté, avait atteint 85° 57′ de latitude, au nord du Spitzberg. Nansen consentira à prêter le glorieux navire à Amundsen*, lorsque ce dernier partira pour l’Antarctique (1910).
Mais la vie de Nansen a désormais pris une autre direction. Le grand prestige qu’il a acquis lui permet de jouer un rôle de premier plan dans l’indépendance de son pays : en 1905, il est chargé d’aller chercher au Danemark le prince Charles, qui deviendra le roi Haakon VII, puis il est envoyé trois ans à Londres représenter son pays. Il a repris ses études sur les régions polaires lorsque la guerre éclate : « Quelle montagne d’insanités ! s’écrie Nansen, sitôt que l’on donne à un homme un uniforme avec en plus quelques décorations, il se croit le droit de commettre tous les crimes. » Cet antimilitariste convaincu, ce pacifiste déclaré va jouer un rôle immense lorsque la paix sera revenue : pour le compte de la S. D. N., encore en gestation, il part pour l’U. R. S. S. (1920 et parvient à organiser le retour de 500 000 prisonniers dispersés dans d’immenses régions en proie à la guerre civile. Il y repart en 1921 et réussit à faire parvenir des secours qui sauveront de la famine des millions de malheureux, ce qui lui vaut de se faire mal considérer par tous ceux qui préféreraient voir le pays des Soviets s’enfoncer dans la plus effroyable misère. En 1922, Nansen reçoit le prix Nobel de la paix et en fait don pour la lutte contre la famine. La même année, son nom est attribué au passeport dont bénéficient les réfugiés déracinés par le conflit mondial. À partir de 1923, enfin, Nansen s’attache aux problèmes des Arméniens et dénonce le génocide dont ils sont les victimes.
S. L.
W. Sonntag, Fridtjof Nansen, ein Held des Friedens (Weimar, 1958). / F. Wartenweiler, Fridtjof Nansen (Zurich, 1961 ; trad. fr. l’Aventure d’une vie : Fridtjof Nansen, Labor et Fides, Genève, 1962).