Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mystique (suite)

Mais Celui-ci, en nous révélant le mystère d’un Dieu en trois personnes, nous a donné un modèle d’identité absolue compatible avec la multiplicité des personnes qui en jouissent : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’ils soient en nous, eux aussi — moi en eux et toi en moi — pour qu’ils soient parfaitement un comme nous sommes un » (Jean, xvii, 21-23), de cette unité qui est le propre de l’Unique vrai Dieu.


Par quels moyens ?

Il y aura toujours tentation pour l’homme à vouloir s’emparer de Dieu. C’est l’ambition de la magie*, de l’alchimie* ou de l’occultisme*, et peut-être aussi d’un certain prométhéisme scientiste assez répandu sous sa forme la plus suspecte. Le recours des hippies à la drogue dans un but expressément « mystique » relève du même état d’esprit. Mais, de façon très subtile, le yoga ou ce qu’on a appelé l’ascétisme chrétien cherchent au moins à préparer la mystique par des techniques ou des purifications spirituelles humaines. Ce sont des mystiques de type actif. La plupart des mystiques, y compris les hindous de la ligne « bhakti », ont, au contraire, insisté sur le caractère passif — mieux vaudrait dire : reçu, gratuit — de la mystique.


Quelle expérience ?

Saint Paul et tous les autres mystiques la déclarent « ineffable ». On ne peut donc en parler que par métaphores, poèmes, etc. Les images nuptiales ont eu la prédilection des mystiques tant soufis que chrétiens, à la suite des prophètes bibliques eux-mêmes, non par référence au mariage humain (c’est plutôt lui qui se serait inspiré d’eux pour s’auréoler d’une « mystique » courtoise), mais pour mieux signifier ce qui est au cœur même de cette expérience. Car, étant union identifiante ou transformante à Dieu, mais sans détruire la personne de l’homme, cette expérience est l’amour enfin parvenu à son vœu de toujours : « Ils seront deux en Un » (Genèse, ii, 24).

En comparaison de cela, peu importent les distinctions que l’on a proposées entre « mystique des lumières et mystique des ténèbres », autrement dit entre la voie « cataphatique » (par affirmations positives sur Dieu) et la voie « apophatique » (par négations, Dieu apparaissant comme le Tout Autre), chère à l’Orient chrétien, à saint Jean de la Croix ou à l’anonyme anglais du Nuage de l’inconnaissance (xive s.).

Peu importent non plus les phénomènes extraordinaires qui captivent les amateurs de merveilleux. À en juger par saint Benoît, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse et bien d’autres, il semble qu’il ne s’agisse là que de la réaction de corps et d’esprits encore trop faibles pour supporter cette présence de Dieu, mais qu’une fois atteinte la plénitude mystique les visions et surtout les extases disparaissent au profit d’un rayonnement spirituel plus irrésistible.

La répartition entre « religions mystiques et révélations prophétiques » (cf. R. C. Zaehner, Inde, Israël, islām, religions mystiques et révélations prophétiques, 1965) est plus intéressante. Elle nous remet sur la voie de la réponse à notre question initiale : la mystique est-elle dépassement ou plutôt intériorisation de toutes les religions ? — Oui, au sens que nous avons précisé pour les religions orientales ou même l’islām, qui occupe une place intermédiaire entre celles-ci et la révélation judéo-chrétienne. Mais, dans le christianisme, ce serait plutôt la mystique qui s’étend en religion. Car la foi chrétienne reconnaît dans le Christ l’Homme-Dieu, réalisation parfaite de l’union mystique entre Dieu et les hommes, que la religion chrétienne, en particulier par ses sacrements, étend à tous ses membres.

C. J.-N.

➙ Alchimie / Augustin (saint) / Benoît (saint) / Catherine de Sienne (sainte) / Clément d’Alexandrie / Dieu / Eckart (Johann, dit Maître) / Foucauld (Charles de) / Inde / Islām / Jean de la Croix (saint) / Magie / Paul (saint) / Thérèse d’Ávila (sainte) / Thérèse de l’Enfant-Jésus (sainte).

 A. Gardeil, la Structure de l’âme et l’expérience mystique (Gabalda, 1927 ; 2 vol.). / S. Lemaître, Textes mystiques d’Orient et d’Occident (Éd. d’histoire et d’art, 1955 ; 3 vol.). / J. de Marquette, Introduction à la mystique comparée (Adyar, 1957). / G. C. Anawati et L. Gardet, Mystique musulmane (Vrin, 1961). / H. Thurston, les Phénomènes physiques du mysticisme (trad. de l’angl., Gallimard, 1961). / H. C. Graef, The Story of Mysticism (New York, 1965 ; trad. fr. Histoire de la mystique, Éd. du Seuil, 1972). / H. Le Saux, Sagesse hindoue, mystique chrétienne, du védânta à la Trinité (Éd. du Centurion, 1965). / M. Molé, les Mystiques musulmans (P. U. F., 1965). / A. Ravier (sous la dir. de), la Mystique et les mystiques (Desclée De Brouwer, 1965). / A. J. Festugière, Hermétisme et mystique païenne (Aubier, 1967). / L. Cognet, Introduction aux mystiques rhéno-flamands (Desclée De Brouwer, 1968). / L. Gardet, la Mystique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970) ; Études de philosophie et de mystique comparées (Vrin, 1972). / Encyclopédie des mystiques orientales (Laffont, 1975).

mythe et mythologie

Il existe un très grand nombre de théories qui ont cherché à expliquer la naissance des mythes, des légendes, des contes et, d’une façon générale, ce qui appartient au folklore*.



Introduction

L’histoire de ces théories s’adresse surtout à ce que les termes de mythe, de légende, de conte et de fable désignent tous en commun : 1o un récit (écrit ou parlé) dont ceux qui le rapportent se considèrent comme les dépositaires et non comme les auteurs ; 2o une histoire composée de personnages dont certains — parfois tous — possèdent une nature surhumaine jointe fréquemment à un comportement humain (pouvoirs surnaturels, joints à des sentiments ou à des désirs naturels) et constituée d’événements qui peuvent être également naturels ou surnaturels, dans un décor réel (ou réaliste) ou surnaturel (merveilleux) ; 3o une fusion totale entre les éléments réels et les éléments surréels au sein du récit même, qui apparaissent ainsi tous sur un pied d’égalité.

On conviendra de désigner sous le nom de mythe un ensemble d’aventures dont les personnages sont considérés comme des dieux ou des demi-dieux. Le mythe, par là même, a une certaine relation avec la religion : les dieux d’un mythe sont les mêmes que ceux de la religion ; un demi-dieu, héros de nombreux mythes, peut être l’objet d’un culte.