Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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music-hall (suite)

D’autres établissements, plus proches du cabaret, introduisent l’érotisme du strip-tease dans la revue (le Crazy Horse) ou réinventent un caf’ conc’ de luxe sous la forme de dîners spectacles (la Belle Époque, l’Alcazar, etc.). C’est une formule qui s’est perpétuée aussi à l’étranger, notamment aux États-Unis (où la chanteuse Line Renaud est devenue, à Las Vegas, une célèbre meneuse de revues).

Les deux derniers music-halls parisiens de variétés

Bobino

Dès 1812, un établissement appelé Baraque à Bobino, puis Folies-Bobino (du pseudonyme du créateur, dont le vrai nom était Saix) est installé dans le quartier Montparnasse. Dans son poème les Tuileries (1847), Victor Hugo parle des « cantatrices de chez Bobino ». En 1880, Bobino s’installe au 20, rue de la Gaîté, où se trouve encore sa salle de 1 200 places. Bobino a toujours fait entendre des chanteurs et on a pu y applaudir dans la période de l’entre-deux-guerres des interprètes célèbres comme Lucienne Boyer, Charles (Trenet) et Johnny (Hess), Damia, Lys Gauty, Jean Lumière, Mayol, Edith Piaf, Suzy Solidor, etc. C’est là que Georgius a présenté son Théâtre chantant (1929) et Ray Ventura ses 18 collégiens (1932). Jacques-Charles y a monté des revues (1929), tout comme Vincent Scotto (Trois de la marine, 1934). Pendant et après la dernière guerre, Bobino a fait entendre André Claveau, Damia, Georges Guétary, etc. Depuis, sous la direction de Pierre Guérin, de Félix Vitry puis sous celle de Jean-Claude Dauzonne, la plupart des chanteurs contemporains ont considéré que le passage à Bobino était une consécration — du moins ceux qui étaient capables d’affronter « en direct » un public qui a la réputation d’être exigeant (et non pas simplement par télévision interposée). C’est à Bobino que Jacques Douai a donné ses représentations du Théâtre populaire de la chanson (1967), c’est là que Georges Brassens a chanté pendant trois mois consécutifs, en 1964 et en 1972 par exemple. Avec ses jeunes chanteurs de la première partie du spectacle, ses numéros d’attractions variés, son public populaire, Bobino continue la tradition du music-hall parisien.

L’Olympia

Il est inauguré en 1893 par Joseph Oller (1839-1922), fertile inventeur du « pari mutuel », qui possédait déjà d’autres établissements de spectacles, les Fantaisies Oller, le Nouveau Cirque, l’attraction foraine des « montagnes russes ». C’est justement parce que cette attraction est interdite par la préfecture de police, qui craint incendie et accidents, qu’Oller la démolit et peut construire à la place l’Olympia, 28, boulevard des Capucines. Comme il est aussi le directeur du bal du Moulin-Rouge, Oller fait venir son célèbre quadrille pour inaugurer son nouvel établissement. Avec le cabaret du Sans-Soucis, avec le Jardin de Paris, le théâtre des Nouveautés, la grande piscine Rochechouart, etc., Oller dirige un véritable empire.

Le premier Olympia, bientôt animé par les frères Isola, n’accorde pas une grande place à la chanson, mais présente surtout des attractions (et même des dresseurs de crocodiles ou de lions), du théâtre, des opérettes et des ballets. Jacques-Charles y monte des revues jusqu’à la Première Guerre mondiale ; après 1918, la chanson occupe à l’Olympia une place plus grande sous les directions de Beretta, Volterra, Paul Franck ; mais en 1929, le music-hall doit céder la place à un cinéma.

Après trente ans d’éclipsé, c’est en 1954 que l’Olympia est ressuscité comme music-hall par le compositeur Bruno Coquatrix. Celui-ci modernise la salle de 2 000 places, qu’il inaugure avec Marie Dubas, puis avec Gilbert Bécaud ; toutes les grandes vedettes de la chanson contemporaine s’y font entendre, sans pour autant qu’on y néglige les attractions traditionnelles et tout en faisant parfois des incursions vers des spectacles très divers, festivals de magie, accueil de music-halls étrangers, etc. L’Olympia a notamment mis au service de concerts de jazz ou de pop’ sa très puissante sonorisation.


Le music-hall et le disque

Actuellement, le chanteur se fait d’abord connaître par les moyens de masse. L’enregistrement et la diffusion des chansons ont entraîné une accoutumance de l’oreille du spectateur, habituée à des caractéristiques artificielles du son, relief, écho, mise en valeur des instruments, etc. Le music-hall doit redonner à la voix du chanteur les caractéristiques du disque, sous peine de décevoir le spectateur. Il n’est donc plus nécessaire d’avoir une voix très puissante : le temps des « chanteurs à voix » est bien terminé. Dès 1933, certains chanteurs comme Jean Sablon ont su jouer à la perfection d’un nouvel instrument : le micro.

Aujourd’hui, la « sonorisation » règne en maîtresse dans les tours de chant, relais discret dans les meilleurs des cas, mais, hélas, souvent agression violente et permanente dans d’autres cas. Sous l’influence d’orchestres aux instruments électriques, certains spectacles poussent la sonorisation aux limites de l’écoute, plongeant les spectateurs dans un vacarme douloureux, nuisible à la chanson. Lors d’un festival de Jazz, en 1971 au Théâtre national populaire, un sonomètre placé dans la salle indiquait 104 décibels (108 au premier rang). C’est un exemple que certains chanteurs n’ont pas su se garder de suivre quand ils passent en « direct » dans des salles dont ils tiennent à assurer eux-mêmes la sonorisation.


De nouveaux music-halls ?

Si le music-hall traditionnel a dû céder la place, depuis les années 20, la chanson s’est renouvelée plusieurs fois et de nouvelles grandes vedettes sont apparues, se sont affirmées. Les moyens de masse leur ont donné une audience élargie à tous les publics de toutes les régions.

Les plus grands artistes de la chanson souhaitent rencontrer de temps à autre directement le public malgré la disparition des music-halls. De son côté, le public semble s’être lassé des attractions venues du cirque. C’est pourquoi on a vu se développer des récitals donnant la première — et parfois l’unique — place à la chanson. Depuis Yves Montand à l’Étoile (1944-45), la plupart des vedettes contemporaines ont pratiqué cette formule, aussi bien à Paris que lors de « tournées » dans les grandes villes de province qui n’avaient jamais connu de music-hall. On constitue ainsi, parfois pour un seul soir, un « music-hall temporaire ». L’été, les tournées des plages donnent aux artistes l’occasion de rencontrer un public rendu plus disponible par ses vacances. Parfois, la première partie du spectacle permet à de jeunes artistes de la chanson (choisis par la vedette ou par sa firme de disques) de se faire entendre. Mais le temps des dresseurs de petits chiens savants semble révolu. L’artiste, grâce à la formule du récital, peut mieux suivre sa publicité, choisir le prix des places, l’époque de son passage, et décider plus librement de tous les détails techniques, depuis la musique d’accompagnement jusqu’aux éclairages. Il supporte souvent seul les risques financiers, mais reçoit les bénéfices s’il y en a.