Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

music-hall (suite)

Les premiers music-halls parisiens

À Paris, le café-concert évolua de lui-même vers une forme de spectacle plus raffinée. À l’Eldorado, en 1867, le directeur, Lorge, supprima la « corbeille » (les jeunes femmes de la troupe devaient rester assises en rond sur la scène pendant les autres tours de chant) ; il fit venir Cornélie de la Comédie-Française pour réciter le songe d’Athalie — et obtint du coup pour ses artistes le droit de s’habiller autrement qu’en costume de ville.

En outre, le recours à des numéros de cirque apporta une diversité plus grande, mais exigea aussi des installations nouvelles, parfois toute une machinerie pour les revues du nouveau music-hall, qui imposèrent ainsi un style tout à fait nouveau.

Enfin, de grands artistes de la chanson atteignirent alors une popularité considérable (ainsi Thérésa) ; ils recevaient d’énormes cachets (Paulus gagnait 400 francs par soirée en 1886) et il fallait des établissements plus vastes, aux places plus chères. On créa de nouveaux établissements de spectacles comme la Gaîté (1868), les Folies-Bergère (1869), le Casino de Paris (1890) ; on transforma d’anciens cafés-concerts (l’Alhambra, les Folies-Bobino, le Moulin-Rouge). Partout, on supprima peu à peu les consommations. Mais ce n’est qu’en 1892 que l’Olympia prit le nom de music-hall.

Les Folies-Bergère

Ce music-hall, l’un de ceux qui symbolisent le mieux le style des revues françaises, a été inauguré le 1er mai 1869 au 32, rue Richer, à Paris, à proximité de la rue Bergère (le mot folie désigne à partir du xviiie s. une maison où l’on se divertit avec des amis).

L’hospice des Quinze-Vingts, grâce à un legs, est toujours propriétaire du terrain où fut bâti ce music-hall, sur l’emplacement d’un magasin de meubles, les Colonnes d’Hercule, que le public avait surnommé « le sommier élastique ».

L’un des premiers directeurs, Léon Sari, après de bonnes affaires, voulut consacrer les Folies à la musique ; l’établissement périclita. Déjà directeurs de la Scala, M. et Mme Allemand reprirent les Folies en 1885 et ils eurent l’idée de relier les attractions grâce aux réflexions d’un compère et d’une commère. C’est ainsi que les Folies-Bergère créèrent leur première revue, qui s’appelait, déjà, Place aux jeunes (30 nov. 1886). Leur neveu, Édouard Marchand, y présenta les premières girls venues de Hongrie. Après divers administrateurs (les frères Isola, Dumien, Ruez, Clément Bannel, Berretta), Paul Derval (1880-1966) prit à partir de 1918 la direction des Folies-Bergère et il imposa la tradition des revues à grand spectacle qui s’est maintenue jusqu’à nos jours grâce à Mme Paul Derval et à Michel Gyarmathy : lumières, filles somptueusement habillées ou déshabillées, luxe, etc. La revue du centenaire, Et vive la folie !, a coûté près de quatre millions de francs 1969. Le titre de la revue a toujours treize lettres et comprend toujours le mot folie.

Le Casino de Paris

Ce fut d’abord un café-concert créé rue de Lyon en 1868, puis un music-hall ouvert au 16 rue de Clichy reprit le nom en 1890. Sous l’impulsion de Léon Volterra, à partir de 1917, il devint un établissement célèbre pour la somptuosité et l’entrain de ses revues. Oscar Dufrenne et Henri Varna en assurèrent la direction à partir de 1924. On y monta des revues restées célèbres comme Pa-ri-ki-ri de Jacques-Charles en 1918, avec Mistinguett et Maurice Chevalier. C’est au Casino de Paris que Jacques-Charles fit apparaître pour la première fois, sortant d’un piano, une femme « intégralement » nue, dans Paris qui danse (1919). Le Casino de Paris a participé au renouvellement de la chanson ; c’est là que Pills et Tabet ont interprété Couchés dans le foin (1933) et que Maurice Chevalier a chanté pour la première fois Y’a d’la joie (1937) en présentant aux spectateurs un jeune auteur encore inconnu : Charles Trenet. De 1969 à 1975, Zizi Jeanmaire et son mari, Roland Petit, ont dirigé le Casino de Paris.


Variétés et revues

Le style propre au music-hall s’affirma dans deux genres différents qui existent encore : les « variétés » et les « revues ».

Dans une première période, la chanson n’occupa pas forcément la place la plus importante dans les spectacles de music-hall. C’est ainsi que l’Olympia présentait surtout du théâtre, des opérettes et des ballets. Les attractions venues du cirque envahirent les scènes des music-halls et celles des derniers cafés-concerts : on y voyait « des clowns vêtus en pâtissiers et qui jonglaient avec toute la boutique », comme dit Jacques Prévert évoquant son enfance. Avec eux, il y avait des acrobates, des contorsionnistes, des trapézistes, des danseurs, des dompteurs, des dresseurs de chiens ou d’otaries, des écuyers, des funambules, des patineurs, des marionnettistes, des prestidigitateurs et toute la cohorte des « phénomènes », homme-caoutchouc ou avaleur de poissons rouges... Léon Sari présenta sur la scène des Folies-Bergère, encore music-hall de variétés, un jongleur « qui avale des serpents, s’ouvre le ventre et, au lieu de vipères, on retire des chapelets de perles d’Orient qu’on distribue aux dames ».

Mais un autre style inconnu du café-concert apparut avec les « revues », qui devinrent peu à peu des spectacles à grande mise en scène, avec toute une machinerie, des jeux de lumières, des couleurs, des « girls », des habits somptueux (puis des nus), des ballets aquatiques, de grands orchestres, dans un luxe parfois très érotique. Dès 1875, l’Eldorado (encore café-concert) avait présenté une revue de Paricaud et Delormel, Oh ! là, là ! Quel verglas !, avec Paulus. Le genre atteignit peu à peu sa perfection, le spectacle se composant d’une succession de tableaux intégrant de façon plus ou moins homogène les divers éléments du music-hall. D’anciens cafés-concerts, devenus music-halls, se spécialisèrent bientôt dans ce style. Les revues s’imposèrent dès 1886 aux Folies-Bergère, puis à Ba-ta-clan (1910), à l’Olympia (1911), au Concert Mayol (1914), au Casino de Paris (1917), au Moulin-Rouge (1926).