Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Moyen-Orient (suite)

• Le désert syrien, en arrière du bourrelet montagneux côtier, est constitué par des plateaux inclinés, structuraux d’apparence, sédimentaires ou basaltiques, délimités par des cuestas. En dehors du faisceau des plis lâches palmyréniens, dans le prolongement de l’Anti-Liban et du Qalamūn (ou Kalamoun), qui lui est accolé au sud-est, les principaux accidents sont constitués par des édifices volcaniques. Le plus remarquable est le djebel Druze, vaste amande culminant à 1 765 m (pour une base à 1 000 m), au sud-est de Damas.

• La Mésopotamie, à l’est, est le bassin alluvial du Tigre et de l’Euphrate, correspondant au secteur le plus affaissé du socle. Elle est délimitée à l’ouest par une grande pliure que suit le cours de l’Euphrate. À l’est, la plaine alluviale est dominée par les cônes de déjections des rivières du piémont du Zagros et par les plis bordiers de la montagne. Dans la partie inférieure de la cuvette, de vastes marécages, spécialement autour du bas Euphrate, servent partiellement d’exutoire à la crue des fleuves. On les attribuait naguère au barrage progressif du golfe Persique, dont ils seraient un témoin d’une avancée ancienne dans l’intérieur des terres, par les alluvions du Kārūn et autres fleuves descendant du Zagros. En fait, il apparaît aujourd’hui qu’ils sont dus à des mouvements de subsidence subactuels (jusqu’à l’époque historique, comme l’attestent des vestiges archéologiques submergés) en arrière du rivage, contrariant la progression normale du delta.


Le climat et ses conséquences


Le climat : Croissant fertile et désert syrien

Le bourrelet montagneux littoral du Levant est un élément majeur de différenciation pluviométrique, en accrochant les précipitations apportées en hiver par les dépressions cyclonales méditerranéennes. Sous le vent de ces reliefs règnent des conditions désertiques, qui ne s’améliorent qu’au pied des chaînes du Taurus et du Zagros au nord et à l’est. Des régions plus arrosées enveloppent donc de trois côtés le désert syrien, ce qu’exprime l’expression Croissant fertile souvent appliquée à ces pays.

Les précipitations sont, de toute façon, beaucoup plus élevées sur le versant montagneux occidental. Elles dépassent 1 m sur tous les massifs septentrionaux, de l’Amanus à l’Hermon, et sans doute 1 500 mm sur les sommets du Liban. Le versant oriental immédiat de ces montagnes est encore fortement arrosé (peut-être de 1 200 à 1 500 mm de pluies pour l’escarpe orientale du Liban, le mouvement ascendant de l’air se prolongeant pendant quelques kilomètres et le versant oriental étant très étroit). Diminuant régulièrement ensuite vers le sud, les précipitations atteignent encore 600 à 800 mm dans les montagnes palestiniennes, mais ne dépassent plus guère 200 à 300 mm sur les sommets du Néguev. Au vent des massifs, la côte méditerranéenne est fortement arrosée (Beyrouth, 879 mm ; Tripoli, 853 mm ; Lattaquié, 800 mm), mais les précipitations s’abaissent rapidement dans les dépressions intérieures. De 625 mm à Ksāra et de 554 mm à Rayyāq, dans la Bekaa méridionale, elles tombent à 358 mm à Baalbek, dans la Bekaa septentrionale, au droit des plus hauts reliefs du Liban. Elles remontent dans l’arc montagneux et les massifs de l’intérieur. L’Anti-Liban reçoit sans doute encore au moins 600 mm de pluies, et le djebel Druze, moins élevé, mais plus ouvert aux effluves maritimes, à peu près autant. Mais les chiffres baissent de nouveau dès qu’on se trouve sous le vent des massifs. Damas ne reçoit ainsi que 191 mm de pluies, alors que Homs, à la même distance de la côte, mais face à un ensellement, en reçoit 423 mm et Soueïda, en Transjordanie, à hauteur de Tibériade, 335 mm. Au-delà, on tombe dans le désert à moins de 100 mm, et la quasi-totalité de la Mésopotamie encore reçoit moins de 200 mm. Les précipitations remontent seulement au nord, à proximité du Taurus. Alep reçoit encore 456 mm de pluies par an, et une bande relativement arrosée, où les chiffres se tiennent entre 200 et 400 mm, occupe toute la frange septentrionale du désert, entre le Taurus et l’axe djebel Sindjār-djebel ‘Abd-al-‘Azīz). C’est la Djézireh, l’« île » entre la montagne et le désert, où la culture pluviale des céréales demeure possible. La répartition saisonnière des pluies reste partout typiquement méditerranéenne, à prépondérance de saison froide, mais la durée de la saison pluvieuse diminue progressivement vers l’intérieur, alors qu’à Beyrouth juillet et août sont les deux seuls mois absolument secs. Surtout, l’humidité et la nébulosité restent importantes sur les côtes pendant tout l’été, les vents étésiens y apportant, à défaut de pluies, un bain de vapeur et de brume qui enveloppe le versant occidental du bourrelet montagneux littoral.

L’atmosphère de l’été est ainsi pénible sur toute la côte, au moins autant que dans l’intérieur, malgré l’augmentation régulière des moyennes thermiques d’été de l’ouest vers l’est (la moyenne du mois le plus chaud passe de 26-27 °C sur le littoral à plus de 32 °C dans la Mésopotamie, atteignant 36 °C à Bassora). Inversement, les températures hivernales décroissent de la côte vers l’intérieur. La moyenne de janvier passe de 13,1 °C à Beyrouth et de 12,1 °C à Lattaquié à 6 °C à Alep et à 7 °C à Deir ez-Zor. Ces températures remontent plus modérément en Mésopotamie (11,5 °C en janvier à Bassora). Les minimums moyens se situent entre 0 et 1 °C d’Alep à Mossoul contre 5 °C à Beyrouth. L’amplitude augmente ainsi régulièrement de la côte méditerranéenne vers l’intérieur. De 13,8 °C à Beyrouth, elle passe à 18,6 °C à Ksāra, dans la Bekaa, à 23,4 °C à Alep et à 24,5 °C à Bassora. La rigueur du climat désertique y est renforcée par la continentalité. Les extrêmes de chaleur ne sont, cependant, pas rares sur la côte, où souffle fréquemment au printemps le chamsin (khamsīn), vent brûlant du sud lié au passage tardif de dépressions méditerranéennes.


Le tapis végétal

Une végétation désertique couvre la plus grande partie de l’intérieur, passant à des steppes à pistachiers dans la Djézireh ou le piémont du Zagros. Seules les montagnes littorales portent des forêts, dont l’étagement peut être reconstitué sur le versant occidental du Liban. De 0 à 1 000 m, l’étage inférieur est celui des pins (pin d’Alep) et des chênes à feuilles persistantes. De 1 000 à 1 500 m se situe un étage de transition. Le pin d’Alep et les chênes verts montent jusque vers 1 800 m, les cyprès jusque vers 1600 m, le pin pignon jusque vers 1 500 m. Mais on voit apparaître déjà les essences d’altitude : genévriers à partir de 1 200-1 400 m ; sapin de Cilicie à partir de 1 400 m. Ce dernier, qui monte jusque vers 2 100 m, domine dans l’étage proprement montagnard (1 500-2 000 m), à côté du cèdre du Liban (1 500-1 950 m). Au-dessus, l’étage des genévriers s’élève jusque vers 2 700 m au mont Liban, passant à une steppe alpine. Au sud, en Palestine, on trouve des traces de l’étage inférieur (chênaies et pinèdes). Dans le djebel Ansarieh s’observent l’étage inférieur et l’étage de transition, au-dessous d’un étage montagnard qui couronne également les deux versants. Mais, au Liban, les sapins et les cèdres n’ont pu franchir la crête, trop élevée, et le versant oriental voit les genévriers régner sans partage à partir de 1 500 m au-dessus de l’étage des feuillus. Ils occupent de même tout le versant occidental de l’Anti-Liban. Cet étagement reste d’ailleurs théorique et est difficile à reconstituer en raison de l’intense déboisement, qui exprime l’accumulation de la population dans les montagnes littorales.