Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moyen Âge (philosophie du) (suite)

Guillaume* d’Occam, franciscain anglais, a, lui aussi, maille à partir avec le pape Jean XXII. Il demeure célèbre par un principe d’économie de la pensée que l’on a appelé le rasoir d’Occam : selon lui, il ne faut pas poser une pluralité sans y être contraint par une nécessité venant de la Raison, de l’expérience ou de l’autorité de l’Écriture ou de l’Église. Cette méthode lui fera résoudre le problème des universaux en niant que les idées générales aient une existence séparée ou même soient en puissance dans le sensible ; l’universel, pour lui, n’est qu’un signe, celui d’une pluralité de choses singulières.

Malgré sa condamnation, l’occamisme constituera bientôt la « via moderna » en matière de pensée, par opposition au thomisme et au scotisme. Cette « voie moderne » est importante, puisque c’est là que se situent des esprits curieux de science tels que Jean Buridan (v. 1300 - apr. 1358).

D. C.

 E. Gilson, la Philosophie au Moyen Âge (Payot, 1925). / J. Le Goff, les Intellectuels au Moyen Âge (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1957). / F. Vignaux, Philosophie au Moyen Âge (A. Colin, 1958). / P. Delhaye, la Philosophie chrétienne au Moyen Âge (Fayard, 1959). / Mélanges offerts à Étienne Gilson (Vrin, 1959). / E. Jeauneau, la Philosophie médiévale (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 2e éd., 1967). / F. Van Steenberghen, la Philosophie au xiiie siècle (Nauwelaerts, Louvain, 1966). / B. Parain (sous la dir. de), Histoire de la philosophie, t. I (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1969). / A. Abdel-Malek, A. Badawi, B. Grynpas, P. Hochart et J. Pépin, la Philosophie médiévale (Hachette, 1972).
On peut également consulter les Études de philosophie médiévale (1921 et suiv.) et les Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge (1925 et suiv.).

Moyen Empire

Seconde période de stabilité et de prospérité de la monarchie pharaonique (2052-1770 av. J.-C.).



Histoire dynastique

Vers 2280 av. J.-C., le premier royaume (constitué en 3200 ; v. Ancien Empire) sombre dans l’anarchie. Celle-ci résulte — après le long règne du faible souverain Pepi II — de deux causes essentielles, qui ont entraîné l’affaiblissement du pouvoir monarchique central : d’une part, la tendance de plus en plus grande à l’autonomie manifestée par le puissant clergé du dieu Rê à Héliopolis (enrichi matériellement par les donations royales) ; d’autre part, l’indépendance progressive prise par les hauts fonctionnaires (nomarques) de province (notamment ceux de Haute-Égypte, les plus éloignés de la capitale, sise à Memphis), largement munis de prébendes et de privilèges dus à la faveur du souverain (l’hérédité des fonctions surtout). À ces faits d’ordre politique (accaparement progressif des cadres de l’État par une oligarchie ambitieuse, d’origines diverses) s’ajoutent des troubles sociaux, des révoltes populaires dans les villes. Profitant du désordre intérieur, des Asiatiques, au nord-est, pénètrent dans le Delta. Il s’ensuit, pendant plus d’un siècle, une crise grave pour la nouvelle institution pharaonique, ruinée par le marasme économique, la famine, les bouleversements de la société, l’invasion étrangère. L’Égypte est alors morcelée suivant plusieurs dynasties parallèles, souvent en lutte les unes avec les autres. Pendant que la VIIIe dynastie (v. 2260) semble s’affirmer à Memphis, un monarque énergique, Kheti Ier, rassemble en son pouvoir les nomes de Haute-Égypte et installe sa capitale à Hêrakleopolis (à l’entrée du Fayoum), où se maintiendront ses descendants (IXe et Xe dynasties : 2220-2160 av. J.-C.). Kheti III parvient à chasser les Asiatiques du Delta ; mais son fils Merikarê doit céder aux puissants princes thébains, les Antef, qui, par intrigues ou par luttes ouvertes, ont progressivement attiré à eux des princes ou nomarques du Sud, jusque-là alliés des Hêrakleopolitains. Ainsi s’achève cette « première période intermédiaire » (v. Égypte). À partir de 2160 av. J.-C., les Antef vont peu à peu refaire l’unité de l’Égypte, et Mentouhotep Ier (en 2052) rétablit une monarchie centrale forte, qui se maintiendra au cours des XIe et XIIe dynasties, lesquelles constituent le Moyen Empire égyptien proprement dit.

Cette prise de pouvoir coïncide avec la première ascension nationale de la ville de Thèbes, capitale des Antef et des Mentouhotep. Ascension non encore définitive : en effet, lorsque le vizir du dernier Mentouhotep (v. 2000 av. J.-C.) s’empare du trône et qu’après quelques années d’interrègne il devient Amenemhat Ier, il transporte sa capitale à Licht, à la pointe du Delta (il renoue ainsi avec la tradition memphite : le centre politique du royaume devant être situé à la jonction des « deux Égyptes »). De Licht, les Amenemhat et les Sésostris, souverains énergiques et avertis, maintiendront la cohésion économique et sociale.

L’institution monarchique, instruite par les événements brutaux des siècles précédents, modifie et renforce les modalités de la centralisation administrative, cependant que les classes sociales se différencient.

Sommet de l’édifice social, le roi incarne toujours la divine pérennité et l’omnipotence du gouvernement ; cependant, il n’est plus un monarque magnifique et distant, commandant une collectivité humaine, mais un chef d’État, le « bon berger » d’un « troupeau », le « refuge » naturel de chaque individu, dont il a l’entière responsabilité. Les liens d’intérêts réciproques qui, traditionnellement, unissent la monarchie d’Égypte aux dieux ne sont plus désormais uniquement personnels : divinités et souverains ont dès lors en commun la charge du peuple égyptien, qu’ils doivent, ensemble, protéger et sauvegarder. Le despote divin s’est humanisé, et c’est autour des hommes que s’ordonne, de manière nouvelle, la finalité du monde : « Le dieu a fait la lumière conformément à leur désir, et quand ils pleurent, il l’entend. Il a fait pour eux, dès l’origine, des rois, c’est-à-dire un soutien pour le dos du faible. » Les Instructions (véritables testaments politiques précis et désabusés) de Kheti III à Merikarê, d’Amenemhat Ier à Sésostris Ier apportent un émouvant témoignage de cette transformation radicale de la conscience royale. Reflets encore de ce nouveau sentiment monarchique sont les hymnes chantés au roi (fervents ou apprêtés, textes de propagande parfois pour soutenir la cause du souverain) : « Il est l’asile où nul ne peut être poursuivi [...]. Il est un rempart contre le vent, au temps où l’orage est dans le ciel. » Autour du roi se rassemble une société plus différenciée que sous l’Ancien Empire : un groupe dirigeant réunit les délégués immédiats du souverain, chefs de l’Administration, de l’armée, du clergé (dont la gestion entre dans l’obédience royale). C’est une classe noble, active, pourvue de gros salaires, de cadeaux royaux (pouvant notamment recevoir des « parts » sur les revenus des temples ou des domaines funéraires, « par la grâce du roi »). Apparaît alors une classe nouvelle, moyenne, intermédiaire utile dans l’État entre les dirigeants et le peuple ; elle est composée d’artisans supérieurs, de fonctionnaires des services centraux et particulièrement illustrée par la caste des scribes, dont la science (précieuse et dangereuse) du langage écrit et les connaissances font qu’ils sont devenus les rouages indispensables de toute la machine administrative. Dans les villes du Delta, les commerçants (enrichis par le développement pris alors par les relations extérieures) contribuent aussi à l’importance de cette classe aisée. Les paysans constituent la base solide, nécessaire de cette société : équipes de corvéables ou tenanciers libres, chacun pouvant désormais accéder à la propriété (cf. le conte du Paysan).