Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Moscou (suite)

Un urbanisme « volontariste »

L’urbanisme soviétique repose sur deux idées fondamentales qui déterminent son originalité et son efficacité : le régime des droits de propriété élaboré depuis 1917 et l’intégration de l’aménagement du territoire dans le système de planification.

L’architecte français Anatole Kopp, spécialiste de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme soviétiques, a consacré de nombreux ouvrages et articles à l’étude de l’urbanisme en économie planifiée et a analysé les grandes étapes de la croissance de Moscou.

• 1924 : le plan de reconstruction et de développement de Moscou, par Chestakov, renforce le tracé radio-concentrique et la séparation sur le terrain des fonctions de la vie urbaine (zoning).

• 1929 : le plan d’« urbanisme socialiste » marque l’affrontement de deux grands courants de pensées : pour les « urbanistes », la création de maisons communes consacre la vie collective qui doit se dérouler dans un cadre urbain. Pour les « désurbanistes », la ville est historiquement et économiquement condamnée ; des cellules de vie collective doivent se créer sur tout le territoire et faire disparaître l’opposition ville-campagne. Les deux courants seront critiqués par le pouvoir, mais donneront cependant lieu à d’intéressantes réalisations.

• 1935 : le plan de reconstruction systématique amène la création de grandes artères radiales, la création du métro (son décor et son luxe témoignent de l’intérêt porté à l’aménagement de tous les lieux de vie collective), la délimitation stricte d’un périmètre d’extension. Si l’architecture proprement dite verse dans le monumentalisme (style « stalinien »), l’application de ce plan devait contribuer efficacement au développement de la capitale.

Au plan général de reconstruction ont succédé en 1960 des principes de développement :
— lutte contre les nuisances par destruction ou déménagement des entreprises polluantes ;
— fixation d’un chiffre limite de population pour 1980 (moins de 7 millions dans la ville, 9 300 000 hab. dans l’agglomération) ;
— report de l’extension urbaine de Moscou sur des villes satellites situées à une cinquantaine de kilomètres, au-delà d’une ceinture de forêts et d’espaces verts ;
— augmentation de la densité du réseau de transport en commun ;
— prise en compte de la pénurie de logements : dès 1962, 500 logements étaient livrés chaque jour, et les normes passèrent, en 10 ans, de 9 m2 à 14 m2 par personne.

Les limites de l’extension de l’agglomération correspondent au tracé de l’autoroute ouverte en 1962, qui encercle la ville à 17 km de son centre. Les grands ensembles se trouvent à l’intérieur de cette ceinture.

L’absence de spéculation foncière a permis de développer une politique cohérente des espaces verts : sept grandes trouées de verdure internes au tissu urbain rejoignent les forêts de la ceinture extérieure ; l’une d’elle constitue un immense parc de 150 ha sur les bords de la Moskova et doit servir de liaison avec les nouveaux quartiers du sud-ouest (Iougo-Zapad). Dans ce parc, qui peut recevoir 250 000 personnes, on trouve un certain nombre d’établissements récréatifs : cinémas, théâtre, stade, etc.

Les villes satellites peuvent être des créations entièrement nouvelles ou correspondre à des centres de croissance résultant d’implantations spontanées de la période prérévolutionnaire. Krioukovo, la première de ces villes nouvelles, est située à 35 km du centre de Moscou. Les principes inspirant la réalisation de ces goroda spoutniki s’apparentent à la notion d’« unités de voisinage » en intégrant autant que possible les secteurs d activités et d’habitations.

Les villes sont divisées en arrondissements urbains et ceux-ci en microquartiers. Des normes très précises tendent à régler la quantité d’équipements nécessaires ; c’est ainsi que, pour 1 000 habitants, il est prévu, au minimum, une école de 150 places à moins de un kilomètre, une maternelle de 50 places, un restaurant, une maison de la culture, un cinéma, la valeur de 15 lits d’hôpital, un dispensaire.

La réalisation du Plan directeur de reconstruction a entraîné de profondes modifications du centre de Moscou. L’avenue Kalinine, secteur de la grande radiale ouest, est devenue le principal axe et centre commercial (architecte en chef : Mikhaïl Vassilievitch Possokhine [né en 1910]).

Les quartiers attenants à l’avenue ont aussi été remodelés, notamment la place Arbat. D’un côté s’élèvent un centre commercial et quatre édifices administratifs en forme de livre ouvert, dont le premier niveau constitue un seul et immense bâtiment de 800 m de long (restaurant Arbat, cafés, magasins...). En face, de sobres immeubles d’habitations font ressortir l’originalité du bloc que constitue le cinéma Octobre. Ce dernier est en fait un complexe culturel disposant de plus de 3 000 places de spectacle. Un gratte-ciel de verre et de béton, en forme d’ailes réunies par un élément central, abrite le Conseil de l’aide économique mutuelle (Comecon).

Cette rénovation de la métropole soviétique, qui s’intègre dans un plan d’ensemble, a permis d’augmenter sensiblement le nombre de logements. Les limites données à l’extension de l’agglomération visent non pas à freiner un phénomène spécifiquement urbain, mais à favoriser le développement de l’est de l’U. R. S. S. L’urbanisme de Moscou, comme celui de Leningrad et des grandes villes de l’Ouest, s’inscrit, en effet, à la fois dans une planification économique et dans une planification territoriale.

M. M. F.

A. B.

➙ Moscovie / Russie / U. R. S. S.

 S. Simon, Moscou (Fayard, 1964). / P. Thorez, Moscou (Rencontre, Lausanne, 1964). / B. Kerblay, les Grandes Villes du monde, Moscou (la Documentation française, « Notes et études documentaires », 1968). / M. Ilin, Moscou, son architecture, ses monuments (en russe, Moscou, 1969). / G. Bortoli, Voir Moscou et Leningrad (Hachette, 1974).