Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mort (suite)

Phénomènes précédant la mort, coma dépassé

Les phénomènes précédant la mort varient considérablement selon l’intensité de l’agression. À la limite, ils ne peuvent être saisis lorsque la destruction de l’être organisé est brutale, par exemple lors d’une explosion, chaque tissu mourant immédiatement selon ses caractéristiques propres.

Dans la plupart des cas, la mort est précédée de phénomènes graves qui peuvent soit résulter d’un processus lent et progressif — comme au cours de certaines maladies cachectisantes —, soit au contraire dépendre de graves troubles respiratoires et circulatoires, dont l’étude a permis l’organisation de la réanimation (ou ranimation) médicale.

L’expérience clinique a montré en effet que, dans de très nombreuses circonstances, le maintien artificiel de la ventilation pulmonaire par insufflation d’air ou d’oxygène, le maintien de la fonction cardiaque allant jusqu’à la stimulation directe interne du myocarde permettent de passer le cap d’états inéluctablement mortels avant ces techniques et qui, maintenant, guérissent avec une grande fréquence. La mortalité des maladies graves a considérablement régressé, surtout lorsqu’il s’agit d’une maladie réversible, telle par exemple une intoxication par barbituriques ou autres substances psychotropes ; certaines affections très brutales provoquant selon la terminologie ancienne des « morts subites », comme l’infarctus du myocarde ou l’embolie pulmonaire, sont assez souvent accessibles à de nouvelles techniques.

Mais il existe des cas où le malade reste, par suite de l’utilisation des appareils de réanimation, dans un état précaire : les fonctions cérébrales sont définitivement interrompues alors que la ventilation pulmonaire est assurée mécaniquement et que la pompe cardiaque continue à faire circuler le sang dans l’organisme. Cet état, dit « de coma dépassé », peut être contrôlé par l’électro-encéphalogramme* prolongé et répété. Les médecins admettent que le coma dépassé peut être considéré comme un état de mort réelle puisqu’il ne s’agit que de la survie artificielle d’un certain nombre d’organes et qu’aucune reprise de l’activité cérébrale ne peut être espérée. Les garanties techniques actuellement exigées permettent d’affirmer qu’aucun prélèvement d’organes pratiqué sur un sujet en état de coma dépassé n’a pu être assimilé à un prélèvement sur un sujet vivant, la situation la plus difficile du point de vue de la morale médicale étant évidemment le prélèvement cardiaque en vue d’une greffe du cœur.


Détermination de l’horaire et de la date de la mort

Le moment précis de la mort peut être déterminé par divers facteurs.

• Le refroidissement cadavérique. Le cadavre perd environ 1 °C à chaque heure ; donc, au bout de 18 à 24 heures, sa température s’égalise avec la température ambiante. Les mains et les pieds se refroidissent très vite (2 heures), alors que la chute est beaucoup plus lente dans les creux naturels comme les aisselles et le périnée.

• La déshydratation. Elle est spontanée (10 à 18 g/kg/24 h), variant avec la température et le degré hygrométrique, et aussi selon l’âge (chez le nourrisson plus que chez le vieillard, aux tissus moins hydratés [80 p. 100 et 60 p. 100 d’eau respectivement]). Elle est responsable de l’apparition des plaques parcheminées et, au bout de 24 heures, de modifications oculaires (affaissement du globe oculaire et déformation ovalaire de la pupille).

• La rigidité cadavérique. Durcissement de tous les muscles dû à des phénomènes chimiques, elle s’établit progressivement : face, muscles masticateurs, cou, thorax, abdomen, membres supérieurs, membres inférieurs. En règle générale, elle débute vers la 3e heure et est maximale à la 13e heure. Si cette rigidité est rompue (par des mouvements effectués sur le corps) avant la 13e heure, elle réapparaîtra plus tard, mais ne sera que partielle. Si la rigidité est rompue après la 13e heure, elle ne réapparaîtra plus.

• Les lividités cadavériques. Ce sont des taches rouge violacé (et non blanches) dues au passage du sang hors des vaisseaux. Elles s’observent dans les régions déclives (les plus basses), mais sont absentes aux points de pression : fesses, épaules, mollets. Elles apparaissent vers la 4-5e heure, sont maximales vers la 12-15e heure et stables à la 30e heure. Elles peuvent indiquer à l’enquête si un cadavre a été déplacé et vers quelle heure ce déplacement a eu lieu.

• Signes tardifs de la mort. La tache verte abdominale apparaît au bout de quelques heures en été et de quelques jours en hiver.

La putréfaction atteint rapidement le cerveau, le foie, la rate, l’utérus gravide, l’intestin et l’estomac. L’utérus non gravide est l’organe profond qui résiste le plus longtemps, ce qui aura un grand intérêt dans l’identification du sexe.

Au bout de quelques mois, les muscles sont lysés (fondus), les cheveux et les ongles sont détachables, et la peau se désagrège si le climat n’est pas très sec.

En 4 à 5 ans, le squelette est le seul reliquat de l’évolution spontanée, qui peut être très accélérée par des prédateurs ou des parasites.

La détermination de l’heure de la mort est très délicate et n’a guère de valeur que si l’examen est très précoce. On se sert de divers repères :
— mort remontant à moins de 6 heures : corps chaud, souple, lividités absentes ou débutantes ;
— mort remontant à 6-12 heures : corps tiède ou froid, rigidité des masséters, lividités ;
— mort remontant à 12-24 heures : corps froid, rigidité diffuse, lividités, pas de putréfaction ;
— après 36 heures : perte de la rigidité, putréfaction (tache verte).


La mort subite

Giambattista Morgagni (1682-1771) en donne une définition simple : « Les morts subites sont celles qui, prévues ou non, emportent promptement le sujet contre toute attente. »

Actuellement, les médecins estiment que les morts subites répondent à trois conditions :
— mort naturelle excluant toute cause toxique ou traumatique ;
— bonne santé apparente du sujet ou disproportion flagrante entre l’état de santé et la mort ;
— mort instantanée ou extrêmement rapide.

La mort subite devient mort suspecte dans tous les cas où les circonstances de la mort ne peuvent être précisées et laissent suspecter une mort violente.