Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mori Ōgai (suite)

Cependant, la découverte d’un prétendu « complot » suivie de la condamnation et de l’exécution de l’écrivain socialiste Kōtoku Shūsui (juin 1910), la mort en 1912 de l’empereur Meiji, symbole du Japon moderne, le suicide du général Nogi, qui ressuscita la vieille fidélité féodale, événements qui marquent la fin d’une époque, semblent avoir déchiré Ōgai, haut fonctionnaire libéral, écrivain aux vues audacieuses, mais non moins partisan de l’ordre. Après une nouvelle satirique, Chimmoku no tō (la Tour du silence), où il s’attaque à la censure politique, il cherchera à concilier ses aspirations intimes avec son attachement à un régime dont il souhaite l’évolution, mais non la destruction. D’où la casuistique de Ka no yō ni (Comme si..., 1912) : l’évolution historique se chargera de liquider les vestiges néfastes de l’ancien régime ; en attendant, « faisons comme si... ».

Mais bientôt, il sera pris à son propre jeu. Cherchant dans le passé l’origine et les raisons de la morale féodale, il n’écrira plus guère que des romans historiques, où l’admiration finit par l’emporter pour des gestes absurdes peut-être, mais sublimes. Dans la biographie de Shibue Chūsai (1916), médecin et fonctionnaire assez obscur de la fin de l’époque des Tokugawa, nous trouvons une manière de synthèse des idéaux de l’auteur, incarnés dans son personnage.

L’on comprendra comment, de par l’évolution de sa pensée, cet écrivain, l’un des plus grands de son temps, l’un de ceux qui, par le rôle qu’ils jouèrent dans l’ouverture de leur pays à la civilisation planétaire du xxe s., aura, pendant les deux décennies qui suivirent sa mort, pu passer pour l’un des piliers de l’idéologie conservatrice ; en lui se résumaient en effet toute l’ambiguïté et les contradictions d’un pays écartelé entre ses traditions et la nécessité de s’adapter à son temps ou de périr.

R. S.

Moronobu

Nom familier, Kichibe ; surnom d’artiste, Yūchiku. Peintre japonais, auteur d’illustrations de livres et d’estampes (Hota, préfecture d’Awa [auj. Chiba], 1618? - Edo [auj. Tōkyō] 1694).


Considéré comme le chef de file de l’ukiyo-e*, en tant qu’école distincte, il est vrai que Hishikawa Moronobu confirma le jeune mouvement dans sa double vocation : la peinture et la xylographie.

Cependant, il n’eut pas vraiment conscience de faire figure de novateur, d’autant plus que le terme « ukiyo-e » n’apparaît qu’en 1681 ; au contraire, en signant yamato-eshi (peintre du Japon) devant son nom, il manifestait clairement son désir de renouer avec la tradition japonaise la plus pure (yamato-e), cherchant à peindre les mœurs de son époque avec une sincérité débarrassée de toute influence extérieure.

La vie de Moronobu est très mal connue. On sait qu’il naquit à Hota en Awa (actuelle préfecture de Chiba) et que son père était brodeur. Il dut pratiquer lui-même ce métier dans sa jeunesse, en même temps que la peinture. Quant à sa formation artistique, mal définie elle aussi, elle semble très éclectique et témoigne, en tout cas, d’une solide connaissance des traditions Tosa* et Kanō*. Cette dernière fut peut-être acquise dans les ateliers d’Edo (Tōkyō), où l’artiste s’établit à l’époque Manji (1658-1660) pour se consacrer aux arts graphiques.

Si la célébrité de Moronobu est due essentiellement à son œuvre gravé, le talent du peintre n’en est pas moins remarquable. C’est d’ailleurs dans ce domaine, plus que dans celui de la gravure, qu’il forma un véritable atelier et que son influence directe fut la plus durable. Reprenant les thèmes de la peinture de genre contemporaine, Moronobu évoque le monde du théâtre (rouleau illustré des Tours du nord et des théâtres, 1672-1689) et celui des quartiers « réservés » (le plus célèbre à Edo était le Yoshiwara). Dans la représentation des courtisanes de son temps, il affectionne un type de femme majestueuse et épanouie dont l’un des meilleurs exemples apparaît dans la Jeune Femme regardant par-dessus son épaule (musée national de Tōkyō).

Moronobu s’installa à Edo alors que la ville venait de perdre toute sa production illustrée dans le grand incendie de 1657 et que la publication d’ouvrages dans le style ukiyo-e connaissait un essor croissant. Dessinateur fécond, Moronobu allait communiquer une impulsion nouvelle au mouvement en collaborant, après 1670, à l’illustration de près de cent cinquante ouvrages. Sa première œuvre signée, les Cent Poètes guerriers, ne remonte qu’à 1672. Il travaille surtout en noir et blanc, utilisant peu les rehauts de couleurs, car la disposition ingénieuse des deux valeurs opposées et la souplesse vigoureuse du trait lui suffisent pour réaliser des effets simples, mais pleins de grâce. Les sujets s’inspirent là encore de la peinture de genre : occupations quotidiennes, quartier de Yoshiwara, scènes de galanterie volontiers érotiques. Dans ces livres d’images (e-hon) à grand tirage, les gravures, que rapproche seulement un thème très général, ne sont plus soumises au texte. L’illustration acquiert son indépendance artistique.

L’art de Moronobu ouvre ainsi la voie à l’estampe séparée (ichimai-e) — l’artiste en exécuta quelques-unes à partir de 1673, mais non signées —, qui connaîtra une évolution rapide dans le style et dans la technique au cours de la première moitié du xviiie s.

F. D.

mort

Cessation définitive de toutes les fonctions caractérisant la vie* chez un individu animal ou végétal entier.



Les aspects généraux


Morts incomplètes

Volontairement très restrictive, la définition donnée permet de distinguer la mort de phénomènes voisins, mais moins absolus. Nous citerons par exemple l’anhydrobiose, ou dessiccation profonde des graines, des Mousses et des animaux muscicoles (Tardigrades, Rotifères, Anguillules) ; ces êtres ne donnent plus signe de vie tant que subsiste la sécheresse, mais, placés dans l’eau, ils reprennent vie (reviviscence) : la cessation des fonctions n’était pas définitive. Il est vrai que la survie en anhydrobiose n’est pas indéfinie, mais elle peut atteindre, voire dépasser un siècle pour certaines graines, et on pense qu’elle pourrait se perpétuer plus encore au voisinage du « zéro absolu » (0 K ou – 273 °C).