Compositeur flamand (Malines 1521 - Prague 1603).
Si ses contemporains Lassus* et Palestrina* n’avaient accaparé l’attention des musicologues, Philippus de Monte serait assurément considéré comme l’un des plus grands représentants de la polyphonie de la Renaissance. Sa science du contrepoint, ses succès, sa brillante carrière, ses abondantes publications, tout le place au premier rang. Seuls peuvent lui être reprochés une certaine tendance à l’uniformité dans l’inspiration, un manque de variété dans sa palette et la possibilité d’œuvrer avec bonheur, comme Lassus, dans des domaines aussi différents que la chanson française et les psaumes de pénitence.
Nous ne savons rien de sa jeunesse ni de sa formation. Comme tous les enfants musiciens des grands centres flamands, Philippus de Monte fréquente sans doute une maîtrise, peut-être celle de Saint-Rombaut de Malines. Puis il cherche à faire carrière en Italie, où on le trouve en 1540 et où il séjourne de façon intermittente jusqu’en 1568 : d’abord à Naples, où, durant quatre années, il est maître de musique des enfants de C. Pinelli ; ensuite à Rome, où, en 1554, paraît son premier livre de madrigaux à 5 voix, qui lui vaut la protection des cardinaux P. Aldobrandini et F. Ursino. En 1554-55, son point d’attache est Anvers ; mais il croit sans doute trouver une orientation à sa carrière en acceptant le poste de chantre de la chapelle de Philippe II d’Espagne, que son père, Charles Quint, vient de marier à Marie Tudor. Son séjour en Angleterre ne durera pas plus que celui de son maître (juill. 1554 - sept. 1555). Quand Philippe revient sur le continent pour succéder à Charles Quint, qui a démissionné, Philippus de Monte quitte l’Angleterre — non sans y avoir contracté de solides amitiés (en particulier avec W. Byrd*, à qui, en 1583, il dédie le motet à 8 voix Super flumina Babylonis) — et rejoint bientôt l’Italie, où l’avenir semble plus prometteur. Durant une dizaine d’années, il va de cour en cour sans s’attacher à aucune. On trouve des traces de son passage à Venise, à Florence, à Gênes, à Rome. C’est là qu’après l’échec de pourparlers avec Palestrina, Philippus de Monte est engagé pour succéder à J. Vaet comme maître de chapelle de la Cour impériale, activité qu’il assumera du 1er mai 1568 jusqu’à sa mort, sous les règnes de Maximilien II et de Rodolphe II, tantôt à Vienne, tantôt à Prague. Son existence stable, consacrée surtout à la composition, ne sera troublée que par quelques brefs déplacements : en 1570 aux Pays-Bas, où il recrute des chanteurs ; en 1582 à Augsbourg, où il rend visite au riche banquier J. Fugger. En 1593, il accompagne Rodolphe II à la diète de Ratisbonne, où il rencontre Lassus pour la dernière fois. Il meurt dix ans plus tard à Prague ; selon ses vœux, il est inhumé dans l’église Saint-Jacques.
Son immense production dans presque tous les genres pratiqués à cette époque laisse apparaître une prédilection évidente pour les genres sérieux. On n’y trouve pas d’œuvres légères. Ses chansons françaises, peu nombreuses (45, de 3 à 7 voix), presque trop riches, manquent de spontanéité. Plus à l’aise dans le madrigal (1 073 madrigaux profanes, de 3 à 10 voix ; 144 madrigaux spirituels, de 5 à 7 voix), où peut s’exprimer la tendresse de ses sentiments, Philippus de Monte se refuse aux recherches chromatiques à la mode et se cantonne dans l’expression contrapuntique. On rencontre des chefs-d’œuvre dans ses trois cent dix-neuf motets de 4 à 12 voix et ses huit magnificat à 4 voix, mais, contrairement à Lassus, c’est dans la messe qu’il semble avoir trouvé sa plus belle inspiration. Presque toutes ses trente-huit messes appartiennent au genre de la missa parodia à partir de chansons ou surtout de motets. Philippus de Monte témoigne d’une très grande habileté dans l’utilisation et le développement des éléments mélodiques ainsi que d’un sens religieux très profond, à vrai dire assez rare dans la messe en cette fin de siècle.
B. G.
G. Van Doorslaer, la Vie et les œuvres de Philippe de Monte (Lamertin, Bruxelles, 1921). / P. Nuten, Philippe de Monte (Kassel, 1961).