Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Montalembert (Charles Forbes, comte de) (suite)

Montalembert, qui est lié avec Louis Veuillot, le P. de Ravignan, l’abbé Dupanloup, Mgr Parisis, apparaît alors comme le chef indiscuté du mouvement politico-religieux dont l’objectif immédiat est la liberté de l’enseignement, la fin du monopole universitaire. Pour faire triompher son idéal, il trouve une tribune dans l’Univers, journal qu’il acquiert en copropriété en 1839 ; son discours du 16 avril 1844 à la Chambre des pairs, tiré à 45 000 exemplaires, enthousiasme les catholiques. Mais les avocats de l’Université s’opposent à Montalembert, qui fonde le Comité pour la défense de la liberté religieuse (1844). La propagande intense de ce Comité et en particulier la brochure de Montalembert Du devoir des catholiques dans les élections amènent à la Chambre, en 1846, 140 députés disposés à défendre la liberté de l’enseignement.

Représentant du Doubs à l’Assemblée constituante (1848), puis à l’Assemblée législative (1849), Montalembert utilise sa fougue et son éloquence à neutraliser le péril révolutionnaire signifié, à ses yeux, par l’insurrection ouvrière de juin 1848 et l’installation de la république à Rome. Il soutient Louis Napoléon Bonaparte et est au premier rang des instigateurs de l’expédition de Rome (1849), et a la joie de voir assurer enfin la liberté d’enseignement par la loi Falloux, qui n’est, en fait, qu’une loi de compromis (15 mars 1850). Mais ses obsessions contre-révolutionnaires — il est parmi les « Burgraves » de la rue de Poitiers — l’amènent à promouvoir la loi du 31 mai 1850, qui prive du droit de vote 2 à 3 millions de citoyens, des ouvriers en majorité.

Partisan décidé de l’ordre et défenseur intrépide des intérêts catholiques, Montalembert — qui entre à l’Académie française en 1851 — ne s’oppose pas en fait au coup d’État. Mais, élu au Corps législatif (1852), il rompt bientôt avec le régime bonapartiste et son despotisme. Sa brochure les Intérêts catholiques au xixe siècle (1852) lui attire l’ire de Veuillot et de l’Univers, qui vont, désormais, livrer bataille au libéralisme renouvelé de Montalembert. Battu en 1857 et en 1863 par le candidat officiel, celui-ci transforme sa plume en arme redoutable. En 1855, avec de Broglie, Falloux, Dupanloup, Lacordaire, il redonne vie au Correspondant, qui s’oppose aux ultramontains intransigeants de l’Univers.

Privé de la tribune parlementaire, Montalembert, quoique frappé par la maladie (calculs néphrétiques) et par la mort d’êtres chers, garde un goût très vif de l’actualité, voyage beaucoup, notamment dans l’Europe de l’Est (Hongrie, Pologne), ravagée par le despotisme et dont il exalte les libertés bafouées. En même temps, il consacre aux Moines d’Occident depuis saint Benoît jusqu’à saint Bernard (1860-1877 ; 7 vol.) un monument historique qui a des allures de chef-d’œuvre.

Cependant, le fougueux « amant de la liberté » ne se résigne pas à se taire face aux assauts montants du positivisme et de l’athéisme. Lors des assises internationales (congrès) de Malines (1863), organisées par les catholiques belges en réplique à la Vie de Jésus de E. Renan, Montalembert, dans une série de discours retentissants publiés sous le titre de l’Église libre dans l’État libre, conclut à la possibilité d’un accord entre l’Église et l’État moderne, s’il respecte la liberté religieuse.

Peu enclin à suivre sur cette voie les catholiques libéraux, Pie IX, par une lettre privée, blâme Montalembert (1863) ; le 8 décembre 1864, la publication de l’encyclique Quanta cura, accompagnée du Syllabus, est une nouvelle mais, cette fois, solennelle réplique aux discours de Malines. Veuillot triomphe face à un Montalembert amer, qui ne lui cache pas qu’il le considère comme « l’ennemi le plus redoutable de la religion que le xixe s. ait produit ».

Les dernières années du lutteur libéral sont douloureuses, physiquement et moralement. En 1870, Pie IX convoque un concile œcuménique — le premier depuis trois siècles : bien avant l’ouverture, des indiscrétions voulues ont informé l’opinion que le concile aurait pour tâche essentielle de proclamer l’infaillibilité pontificale et de transformer en articles de foi les anathèmes du Syllabus. Prenant feu de nouveau, mais peu préparé sur le plan théologique, Montalembert, quoique gravement malade, stigmatise l’intransigeance ultramontaine dans la Gazette de France ; l’article paraît le 7 mars 1870, six jours avant la mort de l’auteur. Ses adversaires, Veuillot en tête, rendront hommage au courage et à la foi intrépide d’un homme dont Emmanuel Mounier écrira qu’il fut « avant tout un témoin, de ces témoins qui font l’histoire à longue portée en semblant manquer l’histoire à courte échéance ».

P. P.

➙ Catholicisme libéral.

 E. Lecanuet, Montalembert (Poussielgue, 1895-1901 ; 3 vol.). / V. Bucaille, Montalembert (Gabalda, 1912). / P. de Lallemand, Montalembert et ses amis dans le romantisme, 1830-1840 (Champion, 1927) ; Montalembert et ses relations littéraires avec l’étranger jusqu’en 1840 (Champion, 1928). / A. Trannoy, le Romantisme politique de Montalembert avant 1843 (Bloud et Gay, 1942) ; Montalembert (Presses de l’Île-de-France, 1947) ; Montalembert, Dieu et liberté (Éd. du Cerf, 1970). / C. de Montalembert, Catholicisme et liberté. Correspondance inédite avec le père Lacordaire, Mgr de Mérode et A. de Falloux, 1852-1870 (prés. et notes par A. Latreille, P. Baron et R. Rancœur) [Éd. du Cerf, 1970].

Montañés ou Martínez Montañés (Juan)

Sculpteur espagnol (Alcalá la Real, Jaén, 1568 - Séville 1649).


Juan Martínez Montañés commença son apprentissage à Grenade, peut-être en 1579, dans l’atelier de Pablo de Rojas. Peu avant 1588, il s’installa à Séville, où il compléta sa formation en étudiant les sculptures antiques que le duc d’Alcalá avait rassemblées dans son palais ainsi que les œuvres de ses devanciers : le Florentin nomade Pietro Torrigiani (1472-1528) et Juan Bautista Vázquez « El Viejo » († 1589), fondateur de l’école sévillane de sculpture. Toute sa vie se passera désormais à Séville ; on ne lui connaît pas d’autre déplacement qu’un voyage à la Cour en 1635, pour exécuter la statue de Philippe IV.

La production de Montañés, étalée sur plus de cinquante années, est considérable, mais elle ne comprend guère que des œuvres religieuses, qu’il s’agisse de retables ou de sculptures isolées, le seul matériau utilisé étant le bois (souvent polychrome par des peintres sévillans, tel Francisco Pacheco).