Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

monodie

Par opposition à polyphonie*, mélodie chantée par une seule voix — ou par plusieurs à l’unisson — avec ou sans accompagnement instrumental.


Dans l’ancienne Égypte, en Babylonie, en Assyrie et chez les Hébreux, les chants de travail, de danse, les incantations, les complaintes funèbres, les hymnes à la divinité sont des monodies non accompagnées. Parfois le rythme en est soutenu par des instruments de percussion (sistre, crotale, cymbale, tambour de bois). Dans l’Antiquité grecque, l’aulos ou la cithare joue le chant à l’unisson ou à l’octave aiguë (odes d’Alcée, de Sappho, d’Anacréon) ; après l’apparition de l’aulos double et d’une cithare munie d’un plus grand nombre de cordes, l’art d’improviser un accompagnement rudimentaire (aulodie, citharodie) est, selon Platon, enseigné aux jeunes gens. Il est pratiqué dans le nome citharodique, le dithyrambe, les tragédies de Sophocle et d’Euripide et les comédies d’Aristophane. On préfère un tel chant à celui qui est exécuté par la voix seule. Cependant, les Grecs, plus préoccupés de l’effet moral de la musique que de sa valeur artistique, donnent aux paroles et à la mélodie qui les supporte la primauté. Pour d’autres raisons, le même phénomène se reproduira à la fin du xvie s. en Europe.

Au début de l’ère chrétienne, puis au Moyen Âge, tandis que naît la polyphonie, le chant grégorien (psalmodies, hymnes, antiennes, séquences, tropes), les chants du drame liturgique, de la chanson de geste, de la chantefable (Aucassin et Nicolette), ceux des troubadours, des trouvères et des minnesänger sont purement monodiques. Néanmoins — des écrits l’attestent —, ils sont parfois accompagnés. Dans le Lai de l’épine, un jongleur conte le lai d’Aelis et « sone sa rote/Et molt doucement le chante et note ». À l’église, l’orgue intervient pour soutenir la voix de l’officiant ou le chœur des fidèles.

Au début du xive s., en Italie et en France, l’accompagnement instrumental commence à faire réellement partie de la composition. Les cacce et les madrigaux de Francesco Landino (1325-1397), les chansons baladées et les virelais de Guillaume* de Machaut sont tantôt polyphoniques, tantôt conçus pour une voix et des parties instrumentales.

Un instant étouffée par la polyphonie en plein épanouissement, la monodie reprend vigueur vers la fin du xve s., sous l’influence de l’humanisme et du néo-platonisme. Des chansons polyphoniques de caractère populaire (frottole) sont transcrites en Italie pour voix et luth. Le terme de monodie n’apparaît cependant que vers 1580 pour qualifier un chant accompagné qui, à l’imitation des Anciens, donne la prépondérance au texte littéraire. Le nouveau stile recitativo est élaboré à Florence dans l’entourage du comte Bardi, par Girolamo Mei (1519-1594), Vincenzo Galilei (v. 1520-1591), Emilio dei Cavalieri (1550-1602) et Jacopo Peri (1561-1633). Dans le recueil (Nuove Musiche, 1601-1602) du chanteur Giulio Caccini (v. 1550-1618), qui marque le point de départ de notre musique moderne, on trouve des exemples des deux nouvelles formes de « monodie accompagnée », le récitatif et l’aria, éléments essentiels du nouvel opéra* (Monteverdi*, L’Orfeo, 1607), de la cantate*, de l’oratorio*, du motet*, de la messe*, du lied* et plus tard de la mélodie*, ainsi que des commentaires sur la manière de chanter et l’interprétation. À l’encontre des œuvres polyphoniques traditionnelles, où chaque chanteur est soumis à une interdépendance, le soliste peut maintenant s’exprimer en toute liberté dans le récitatif, simple, narratif, qui suit le mouvement de la phrase parlée et en traduit toutes les inflexions. La basse continue soutient la voix, la guide avec souplesse, la porte, l’aide à reprendre haleine et comble les silences qu’impose la déclamation.. L’aria s’oppose au récitatif par sa forme nette où la musique prédomine, mais favorise davantage l’émancipation de la voix. La technique vocale se développe. La tessiture s’amplifie vers le grave et vers l’aigu ; notes tenues, trilles, ornements, traits de virtuosité enrichissent ariosos, airs et ariettes. La monodie (sauf en Allemagne, où H. Schütz*, qui connaît le style italien, écrit son opéra Dafne [1627]) se développe plus lentement en France et en Angleterre, où l’air de cour et l’ayre sont d’abord publiés pour voix et luth jusqu’à l’adoption définitive de la basse continue. La tradition de la monodie pure se maintient cependant en France depuis le xvie s. De nombreux recueils ont été publiés jusqu’à nos jours groupant vaudevilles, psaumes hugenots (xvie s.), airs de cour, cantiques, noëls, chansons à danser et à boire, brunettes, ariettes, romances (xviie et xviiie s.), chansons du Caveau (xixe s.) et chants populaires.

Par extension, le terme monodie s’applique aussi à tout solo instrumental, accompagné ou non (sonate), et destiné au concert ou à la musique de chambre.

A. V.

 J. Tiersot, Histoire de la chanson populaire en France (Plon-Nourrit, 1889). / T. Gérold, l’Art du chant en France au xviie siècle (Fac. des lettres, Strasbourg, 1921) ; Histoire de la musique. Des origines au xive siècle (Laurens, 1936). / F. Ghisi, Alle fonti della monodia (Milan, 1940).

monophysisme

Hérésie christologique du ve s. qui ne reconnaît qu’une seule nature dans le Christ.


En 431, le concile d’Éphèse avait condamné les idées de Nestorius, mais en Orient les passions religieuses n’étaient pas éteintes pour autant. Une nouvelle crise éclata lorsqu’un archimandrite de Constantinople, Eutychès (av. 378 - v. 454), par crainte de tomber dans les erreurs du nestorianisme, qui niait l’unité de personne dans le Christ, en vint à soutenir que le Verbe incarné ne possédait qu’une seule nature.

Les monophysites se réclamaient de la doctrine de saint Cyrille (v. 376/380-444) ; le successeur de celui-ci sur le siège patriarcal d’Alexandrie, Dioscore († 454), les soutint activement et persécuta les anciens amis de Nestorius qui s’étaient soumis depuis à l’orthodoxie, tels Irénée de Tyr († 450), Ibas d’Édesse (v. 380-457) ou Théodoret de Cyr (v. 393 - v. 460).