Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongolie (République populaire de) (suite)

Les paysages végétaux reflètent ces caractères climatiques selon les deux grands types de milieu précédemment décrits : les « khangaï » sont le domaine de la taïga dense (épicéas, sapins, pins), qui cède la place, vers 2 000 m, à la prairie, puis à la toundra, tandis qu’au-dessous de 1 000-1 200 m s’étend la steppe boisée (avec pins et mélèzes). Partout ailleurs, c’est le domaine de la steppe herbeuse presque continue, mais qui disparaît au cœur du Gobi et dans les cuvettes salées pour laisser la place à une végétation buissonneuse (saxaouls) très discontinue.


Le peuplement et les activités traditionnelles

La densité moyenne est inférieure à 1 habitant au kilomètre carré, mais la distribution réelle du peuplement est extrêmement inégale, les deux tiers du territoire restant pratiquement vides tandis que le tiers septentrional concentre la quasi-totalité de la population. Celle-ci se compose pour les trois quarts de Mongols Khalkhas, le reste se répartissant essentiellement entre les Bouriates, les Dörböts et les Kazakhs.

Dans cet « Empire des steppes », l’élevage (ovins et chevaux surtout) constituait l’activité et la ressource quasi exclusives d’un peuple de nomades que les contraintes du milieu naturel poussaient en un perpétuel va-et-vient : recherche des pâturages les mieux abrités en hiver, puis déplacements sur les piedmonts arrosés par les eaux de fonte au printemps suivis d’une quête des rares points d’eau en été et des pâturages les moins fanés en automne. C’était au total une vingtaine de déplacements bon an mal an, une perpétuelle transhumance plutôt qu’un véritable nomadisme. Ces pasteurs (arats) formaient de petites communautés, ou « bannières » (khochūn), organisées sous l’autorité féodale de leurs princes habitant la ger (dénommée yourte en Occident), large tente circulaire de feutre habillant un treillis de bois pliant, rapidement démontable et aisément transportable, remarquablement adaptée au milieu climatique et à la mobilité des arats. Toute la vie du Mongol reposait sur les ressources de cet élevage : la nourriture (produits laitiers, viande séchée, alcool [arkhi, lait fermenté et distillé]) ; les vêtements ; l’habitation (feutres) ; le chauffage (excréments séchés) ; les moyens de locomotion ; les produits d’échange (le cuir notamment en échange de thé, de farine et d’objets de luxe).


Les transformations sociales et économiques

La Mongolie est historiquement la première « république populaire » de l’histoire, dont la fondation a suivi de peu l’avènement de l’Union soviétique, modèle auquel elle reste étroitement liée. Mais de sa création jusqu’en 1945, la Mongolie n’a que très lentement évolué ; elle a eu d’abord à libérer les arats des structures féodales et de l’emprise du lamaïsme, entreprise extrêmement ardue, d’autant plus que le modèle soviétique n’était pas particulièrement adapté aux problèmes très spécifiques d’une société de pasteurs nomades. Puis ce fut la Seconde Guerre mondiale et ses contraintes militaires. Ainsi, ce n’est guère que depuis 1945 que la Mongolie se trouve véritablement engagée dans une voie réellement nouvelle (le premier plan quinquennal débute en 1948).

C’est seulement en 1959 qu’est achevée la collectivisation des exploitations individuelles des arats, qui sont regroupés en coopératives de production (negdel), lesquelles comprennent en moyenne 492 familles réparties en trois ou quatre brigades de production, elles-mêmes subdivisées en unités de nomadisation (sūr) comprenant quelques familles qui prennent en charge des tâches spécifiques : élevage de chevaux, de moutons de boucherie, de vaches laitières, etc. Un élément de propriété privée a été toutefois préservé : théoriquement, 50 têtes de bétail par famille en khangaï et 75 en gobi. Il existe actuellement 270 coopératives (ou associations agricoles), dont la superficie varie de 100 000 à 800 000 ha, dont le centre correspond à une unité administrative (somon ou sum [district]) et constitue une bourgade dotée des équipements administratifs, sociaux, culturels et techniques. Chaque brigade est également pourvue d’un centre permanent, et ainsi le peuple des arats évolue progressivement vers une semi-sédentarisation qui va de pair avec la rationalisation et l’amélioration de l’élevage et des conditions de vie.

Parallèlement, on a entrepris le développement de l’agriculture, qui est essentiellement le fait d’une trentaine de grandes fermes d’État, ou goskhozes ; celles-ci assurent 70 p. 100 de la récolte sur une superficie cultivée qui est passée, au total, de 26 000 ha en 1942 à 107 400 ha en 1958 et à 513 000 ha en 1969 (80 p. 100 sont consacrés aux céréales, dont les rendements sont passés de 5 à 6 quintaux à l’hectare au cours des années 1950 à une dizaine de quintaux à partir de 1960).

Dans le même temps, ce fut surtout la naissance et l’essor de l’industrie et de l’urbanisation. Cette industrialisation s’est effectuée dans le cadre d’une planification de type soviétique réalisée par une succession de plans quinquennaux (le cinquième ayant pris effet en 1971). Ainsi, entre 1965 et 1970, la production industrielle s’est accrue de 59 p. 100, tandis que la part de l’industrie dans le revenu national brut passait de 28 à 35 p. 100.

Ce développement industriel repose sur la mise en valeur progressive de ressources énergétiques non négligeables : le charbon d’abord, qui est réparti en plus de 150 gisements dont ceux de Sükhe-Bator, Dzoun-Boulak, Sain-Chand et Altan-Boulak sont actuellement exploités et assurent 40 p. 100 de la valeur de la production minière totale. D’autres ressources ont été découvertes et commencent à être exploitées ; il s’agit notamment de tungstène, de wolfram, de molybdène, de cuivre et surtout de phosphorite (plus de 500 Mt de réserves près du lac Khövsgöl [ou Khoubsougoul], au nord-ouest, un des plus grands gisements du monde).


L’urbanisation

L’urbanisation est à coup sûr le trait le plus remarquable, et en tout cas le plus spectaculaire de l’évolution contemporaine. Le nomadisme pastoral à travers l’immensité des steppes ne s’accommodait que de temporaires agglomérations de yourtes, et les seules formes urbaines qu’ait jamais connues la Mongolie jusque-là furent les centres établis au xviie s. par l’administration mandchoue et surtout la prestigieuse mais éphémère métropole des Gengiskhanides : Karakorum, établie dans la vallée supérieure de l’Orkhon. Actuellement, une dizaine de petites villes de 8 000 à 12 000 habitants forment la trame d’un réseau urbain en voie de développement. Il s’agit essentiellement de centres administratifs régionaux comme Sükhe-Bator (9 000 hab.), à la frontière soviétique, Tchoibalsan (11 000 hab.), centre de la Mongolie orientale, Tsetserleg (13 000 hab.), centre du Khangaï septentrional, ou de centres industriels comme Darkhan (30 000 hab.) à 300 km au nord de la capitale, qui n’était qu’une bourgade de quelque 2 000 habitants en 1960. C’est aujourd’hui la deuxième ville du pays, qui doit fournir à elle seule 20 p. 100 de la production industrielle mongole. Elle est dotée d’une centrale électrique d’une puissance installée de 100 MW, d’une usine de briques, d’une cimenterie d’une capacité de 100 000 t, d’une usine de cuir et de confection, d’une conserverie de viande.