Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongols (suite)

Les institutions mongoles

Le quriltay de 1206, assemblée générale des chefs des tribus mongoles, décide de fondre toutes les tribus nomades de la Mongolie en une vaste confédération, dont l’organisation est précisée par la loi impériale : le yasa.

Chef de l’État, le grand khān est élu uniquement par les membres de la famille gengiskhānide, dite « famille d’Or », au sein de laquelle doivent être choisis tous les détenteurs du pouvoir suprême ou local. En fait, chacun des fils et des frères de Gengis khān se voit attribuer un ulus, c’est-à-dire un certain nombre de tribus, et un apanage territorial, amorce des futurs khānats gengiskhānides.

Sous l’autorité du khān est créée une chancellerie impériale dirigée par des secrétaires naïmans, khitans et ouïgours, une cour suprême et surtout la grande armée impériale, à la fois instrument de conquête extérieure et d’ordre intérieur. C’est l’existence de cette armée qui conditionne la structure administrative de l’Empire, divisé en districts militaires, bases de recrutement des unités de 1 000 hommes, dont les chefs sont gouverneurs de province, et de 10 000 hommes (les tümen), dont les commandants sont membres de droit du Grand Conseil impérial. Les uns et les autres sont assistés à tous les niveaux de la hiérarchie par un corps d’élite formé de fonctionnaires civils très efficaces et honnêtes, d’origine étrangère (Ouïgours, Chinois et Iraniens) et nommés presque toujours dans des postes très éloignés de leur pays d’origine, à la seule exception des responsables des services postaux, judiciaires et financiers, toujours d’origine mongole.

La présence de l’armée conditionne également le bon fonctionnement du système des postes (yam), créé aussi en 1206 et qui assure grâce à un réseau très dense de routes et de relais postaux non seulement la libre circulation des nouvelles (et des ordres de l’empereur), mais aussi celle des hommes, des marchandises et des idées des rives du Pacifique à celles de la Baltique et de la Méditerranée. Cette circulation se fait selon deux grands axes est-ouest : Pékin-Saray (ou Saraï) par Karakorum et Kaifeng (K’ai-fong)-Trébizonde (ou Laïas) par la vallée de Tarim et Tabriz ; elle emprunte également un axe nord-sud mi-fluvial mi-maritime : pays baltes - Égypte par le Don, Kaffa et Alexandrie, axe doublé au début du xive s. par la route Novgorod - Le Caire via la Volga, Astrakhan, Tabriz et Bagdad. Ainsi est assurée l’exceptionnelle prospérité économique de l’Empire, dont le cosmopolitisme se trouve par là même accentué, ainsi qu’en témoigne la présence de colonies de marchands italiens à Tabriz, Astrakhan, Karakorum et Pékin ou la nomination par Kūbīlāy khān de Marco Polo comme gouverneur d’une province chinoise. Par contrecoup se trouve favorisée l’étonnante tolérance religieuse des Mongols envers le christianisme nestorien, le bouddhisme, le taoïsme et l’islām ; cette tolérance est prescrite par ailleurs par le yasa, qui reconnaît pourtant le chamanisme comme religion officielle de l’Empire. En témoignent le nestorianisme de la première épouse de Gengis khān, la tenue d’un concile bouddhique à Karakorum en 1265, la création dans cette même ville d’un évêché nestorien en 1275, l’accueil réservé par Möngke en ce même lieu, en 1254, au franciscain Guillaume de Rubroek (v. 1220 - apr. 1293) et par Tīmūr (Temür) à Pékin, en 1294, au franciscain Giovanni da Montecorvino (1247-1328), qui en devient le premier évêque en 1307.

En fait, cette prospérité économique et cette tolérance religieuse ne sont rendues possibles que parce que l’armée impose par la force le respect de l’ordre établi dans le cadre des sanctions impitoyables (le plus souvent la mort) édictées par le yasa en matière de droit international, de droit public, de droit pénal, de droit civil et de droit commercial, et aussi parce qu’elle rend possible la levée des impôts selon un système complexe de tributs imposés aux peuples vaincus à partir du règne d’Ogoday.


De l’unité à la division

Consolidée par le khaghān Güyük (1246-1248), puis par le khaghān Möngke (1251-1259), sous le règne duquel son frère cadet Hūlāgū élimine les Ismaéliens du Moyen-Orient (1256-1258) et occupe Bagdad en 1258, la conquête mongole se poursuit. Elle est parachevée en Chine par un autre frère du khaghān, Kūbīlāy khān*, qui élimine les Song au terme de deux puissantes offensives. Devenu khaghān, Kūbīlāy khān (1260-1294) lance des expéditions vers le Champa, l’Annam et la Birmanie, qui feront acte de vassalité. Il transfère en 1267 la capitale de l’Empire de Karakorum à Pékin, où règne son petit-fils et successeur Tīmūr (Temür, 1294-1307).

Mais, en accentuant ainsi la sinisation de l’Empire mongol au moment même où il atteint son expansion maximale, il introduit un nouveau germe de dissociation au sein de cette construction politique trop vaste et trop hétérogène. En fait, dès 1260-1264, les rivalités des Gengiskhānides ont entraîné la transformation de l’Empire en une fédération de khānats d’abord autonomes, très vite ennemis : au nord-ouest, celui de Qiptchaq ou (le la Horde d’Or et, à l’est, celui de la Horde Blanche, fondés à partir de l’ulus de Djūtchī ; le khān Berke (1257-1266), frère de Bātū, se convertit à l’islām. Au sud-ouest, celui des Ilkhāns, fondé par les descendants de Hūlāgū, est rapidement iranisé, mais plus tardivement islamisé. Au centre, celui des Djaghataïdes du Turkestan se turquise lentement. À l’est dominent les Yuan de Chine, dont les préférences pour le bouddhisme ne les empêchent nullement d’être favorables au christianisme.

Aggravée par la faiblesse numérique des Mongols et par la multiplication trop rapide des membres de la Horde d’Or des Gengiskhānides, qui réclament tous un apanage, la dissociation de l’Empire aboutit à l’élimination de ces derniers du pouvoir. Dès 1335, à la mort d’Abū Sa‘īd Tīmūr, celle-ci est effective en Iran, où seule la cruelle autorité du Turc Tīmūr Lang* (Tamerlan) parviendra à s’imposer dans les dernières années du xive s. Favorisée par des catastrophes naturelles, la révolte nationale chinoise se diffuse entre 1351 et 1368 de Canton à Pékin, et la dynastie des Ming se substitue alors à celle des Yuan. Plus heureux, les successeurs de Djaghataï, empereur de 1227 à 1242, conservent un pouvoir nominal même après la libération définitive de la Transoxiane des Mongols (1363-1365) par les Turcs islamisés de Tīmūr Lang, qui se veut le légitime continuateur de l’œuvre de Gengis khān. La Horde d’Or est affaiblie par la défaite que lui inflige le prince de Moscou Dimitri Donskoï à Koulikovo en 1380 ; mais, réunifiée presque aussitôt par le chef de la Horde Blanche, Tugtamich († 1406), le khānat de Qiptchaq restaure son joug sur la Russie en 1382 et survit pendant près d’un siècle aux autres États mongols malgré la défaite grave infligée sur le Terek à son souverain par Tīmūr Lang en 1395. Cependant, la Horde d’Or, qui perd le contrôle de la Moscovie en 1480, est détruite définitivement en 1502 par les Moscovites et les Tatars de Crimée, qui se sont détachés d’elle vers 1430 pour constituer un khānat rival, gouverné par Haci Giray (Ḥādjdjī Girāy, † 1466). En même temps naissaient du démembrement de la Horde d’Or les khānats de Kazan, d’Astrakhan et de Sibérie.